Les récits mythiques appartiennent au trésor de l’humanité, animent nos songes. On dénombre d’innombrables livres, revues ou lectures, critiques et explications de ces textes. On ne cesse de se demander quelle sont ces significations et ce qu’elles nous apportent, ou pas. Grecs et Romains se posaient la même question. Ces poètes, écrivains, artistes, historiens, philosophes nous ont légué une myriade d’œuvres qui ne cessent de grossir le flot de nos connaissances, de nos savoirs, réflexions et idées. Cet ouvrage tente de nous démontrer, malgré la distance ethnologique que les récits mythiques de l’Antiquité s’accommodent souvent d’une proximité aujourd’hui oubliée.

Jean-Louis Poirier, spécialiste de philosophie antique, italophile, contribue également à divers articles et contributions en histoire de la philosophie.

L’auteur nous le dit sans ambages : nous irons au plus près de ces deux peuples, sans chercher à nous approprier leurs mythes, nous nous contenterons d’exposer ou de faire accéder à la parole ce qu’eux-mêmes comprenait ou croyaient comprendre de leurs propres mythes. Jean-Louis Poirier a mis en lumière la façon dont les Grecs et les Romains recevaient leurs mythes, les expliquaient, et, le cas échéant, récusaient ou interprétaient ces histoires étranges. L’auteur a souhaité faire ce qu’il appelle, en terme philosophique une question en retour. Il tente de retrouver, sans inventer, sans gloser, les interprétations ou les explications anciennes sédimentées depuis longtemps, mais bien présentes.

La volonté d’exposer cette histoire n’échappe ni aux émotions, ni aux inquiétudes de l’esprit et donc à l’histoire. L’auteur affirme son œuvre comme personnelle, sorte de Mémoires de son retour en arrière vers ce regard des Anciens sur eux-mêmes. C’est donc un parcours aussi touffu que la mythologie elle-même.

La réception des mythes ne s’est sans doute jamais bornée à donner de ceux-ci une explication ou à en rechercher une, pas plus qu’à les traduire. Les Anciens avaient encore à les faire entrer, ou non, dans leur vie, ils devaient les intégrer à leur existence et reconnaître ou honorer en eux une dimension redoutable. En effet, la mythologie, ce ne sont pas seulement des mythes et des récits merveilleux. Ce sont également des cultes et des pratiques par et pour la recherche d’un salut, des initiations et des mystères.

C’est peut-être la raison pour laquelle ces mythes parlent au plus profond de nous -mêmes, sorte de mémoire pour nous rappeler que nous sommes toutes et tous mortels ? Aussi déconcertants que soient ces croyances, ils renvoient de façon intense à l’expérience d’un être qui se sait déchu, jeté dans un monde où il n’a pas forcément sa place, et qui demande : Qui étions-nous ? Que sommes-nous devenus ? Où étions-nous ? Où avons-nous été jetés ? Vers quel but hâtons-nous ? D’où sommes-nous rachetés ? Ces questions ne sont pas que de simples appels à l’aide mais bien un besoin de savoir. Elles définissent les thèmes d’une reconnaissance qui se confond avec le salut recherché, celui de la Gnose. Et sous ce nom, mobilisés par cette angoisse, toutes sortes de courants spirituels vont se développer, en marge du christianisme.

Voilà donc le sursaut vertigineux et archaïque qui, selon d’antiques croyances, restaurait un dieu déchu en mettant debout sur ses pieds un être humain ainsi redressé dans la vérité de son origine. Ce geste, en direction du divin, où se rejoignent salut et mystère, serait alors simplement la mise en scène du mouvement universel de l’homme à l’égard de son semblable.

Un simple compte-rendu ne suffirait certainement pas à expliquer la densité de cet ouvrage plus philosophique qu’historique. Divisé en quatre parties, cet ouvrage est incontournable afin d’appréhender le contexte mental, psychologique et intellectuel de cette époque.