Ce manuel collectif, sous la direction de Jean-Marc Olivier, est destiné aux étudiants qui passent les concours de l’enseignement (Capes, Agrégations).

A la lecture de cet ouvrage, la première remarque, qui peut être pour certains une réserve, est que la question d’histoire contemporaine est traitée géographiquement, par pays et non pas par thématiques. Ce choix est expliqué par les auteurs dès l’introduction : « l’approche demeure cependant essentiellement géographique en tentant de préciser la spécificité de chaque évolution nationale par rapport à un mouvement général ». Les pays sont ainsi traités un à un, avec des différences de traitement que l’on peut mesurer à la taille des chapitres :

– Le chapitre 1 traite en 75 pages du monde du travail en Grande-Bretagne. Le propos de l’auteur de ce chapitre, Jean-Paul Dormois, est illustré par de nombreux tableaux, graphiques qui permettent de visualiser les tendances et évolutions dont il parle.

– Le chapitre 2 consacré à la Belgique ne comprend que 25 pages. C’est donc un chapitre bien plus court que le précédent mais très intéressant dans la mesure où les auteurs se questionnent régulièrement sur les sources afin de relativiser les données, comme les chiffres sur l’analphabétisme qui peuvent être faussés d’une part par la définition très vague donnée à la capacité de lire et écrire et d’autre part par le mode de collecte des relevés qui consistait à envoyer un questionnaire au chef de famille, avec la part d’approximation qu’il pouvait en découler.

– Le chapitre 3 concerne la France. Il s’agit d’un long chapitre de 84 pages dans lequel Jean-Marc Olivier insiste sur la spécificité du « dualisme industriel » français selon les mots de Louis Bergeron : d’une part, la grande usine et d’autre part, l’omniprésence renouvelée du travail dans de petites unités. Contrairement à ce qui peut se passer dans d’autres pays, la grande usine ne triomphe pas entre 1830 et 1939 et si elle progresse, cela se fait en parallèle avec des phases de renouveau de la petite industrie dispersée. Cette spécificité français, qualifiée d’industrialisation douce, justifie le choix des auteurs de traiter le programme par pays. Les exemples sont très nombreux et très (trop) détaillés (les articles de mode de 1871 à 1914 occupent 10 pages), ce qui permettra aux candidats de se créer des exempliers variés.

– Les chapitres 4, 5 et 6 sont des chapitres très courts qui permettent d’amorcer quelques exemples comme Jaurès et la question du travail (6 pages), les « industries agricoles » (7 pages) et le travail dans la chimie française entre 1880 et 1930 (9 pages).

– Le chapitre 7 traite en profondeur (82 pages) d’un autre grand pays industriel, l’Allemagne sous forme chronologique puisque, comme l’explique Sandrine Kott, les évolutions du monde du travail suivent plus ou moins celui des régimes politiques. Une des particularités appréciée de ce chapitre est un exemple filé, celui d’August Bebel, futur dirigeant de la social-démocratie allemande, qui a raconté son expérience d’artisan tourneur.

– Le chapitre 8 sur l’Italie est traité plus brièvement (30 pages) par Philippe Foro avec toutes les difficultés qui s’attachent à saisir, au début de la période les différences entre les huits Etats différents qui composent la péninsule italienne, puis après l’unification, l’apparition d’autres formes de clivage comme le développement différencié du Nord et du Sud du pays.

– Le chapitre 9 traite du dernier pays au programme, l’Espagne (68 pages) avec quelques cartes et graphiques où là encore, les particularités du pays – moindre présence de la grande industrie et forte adhésion à l’anarchisme et à l’anarcho-syndicalisme – sont bien décrits.

– Enfin, le chapitre 10 (22 pages) intitulé « Approches internationales » est le seul chapitre qui traite de manière transversale des mouvements internationaux, en deux parties : le catholicisme social et l’internationalisation de la question sociale.

Les auteurs ont veillé, dans chaque chapitre, à évoquer l’historiographie, ancienne et récente et à renvoyer les lecteurs, grâce aux notes en fin de pages, à de multiples références, ouvrages ou articles, pour qui voudrait approfondir tel ou tel aspect de la question.

Si l’approche par pays peut gêner certains étudiants qui préparent les concours externes qui pourraient préférer une approche thématique qui ferait la synthèse entre les différents pays, elle sera appréciée par les enseignants préparant l’agrégation interne. En effet, la question d’histoire contemporaine a été allégée pour eux et seuls trois pays restent au programme : Grande-Bretagne, France et Allemagne. Ils pourront ainsi se limiter à ces trois pays là et mieux se concentrer sur leurs spécificités, ce que ne permettent pas d’autres ouvrages qui ont traité la question de façon transversale.

Au final, les éditions Armand Colin livrent encore un manuel de grande qualité pour préparer les concours de l’enseignement