Le festival d’Altamont, à l’initiative des Rolling Stones, s’est tenu en Californie en décembre 1969. Il est souvent considéré comme l’anti-Woodstock (août 1969) et s’est achevé avec la mort de plusieurs spectateurs dont un tué par des Hell’s Angels, censés assurer le service d’ordre.

C’est ce festival et sa violence, dont on dit fréquemment qu’il a mis fin au rêve hippie, qui sont évoqués dans cette bande dessinée. Pour ce faire, Charlie Adlard (dessinateur de Walking dead) et Herik Hanna se sont associés, et, autant le dire tout de suite, le duo a bien fonctionné et le résultat est réussi.

 

Voyage hippie en combi…

La première partie de l’ouvrage, claire et colorée, montre les cinq protagonistes de cette histoire (trois hommes et deux femmes dont un et une Afro-américain.e) se rendant en combi Volkswagen (évidemment) sur les lieux du festival de musique, un circuit automobile dans un coin perdu de la côte Ouest. En chemin, ils rencontrent, comme les deux héros d’Easy rider (sorti en 1969 également), des représentants de l’autre Amérique. Celle qui les regarde en chiens de faïence et dont certains membres s’en prennent à eux. Au cours de leur voyage, ils parlent des héros de la contre-culture que sont devenus alors, pour eux, des musiciens ou des groupes musicaux célèbres. Toutefois, ces hippies ne sont pas seulement des héros bienheureux et sympathiques. Leur addiction aux drogues, en particulier, et ses effets délétères sont largement présentés et a valu à un de ces amateurs de musique le doux surnom de Schizo. Mais le contexte historique, avec le conflit vietnamien, qui a confronté des centaines de milliers de jeunes américains aux horreurs d’une guerre dans laquelle ils étaient les agresseurs, est rappelé. Les conflits intra-familiaux qui voient une partie des jeunes refuser les codes parentaux et critiquer la société américaine sont aussi soulignés.

De l’autre côté du rêve hippie

La deuxième partie, plus sombre, âpre et violente, porte sur le déroulement du festival. Même si les personnages sont fictifs, une partie des événements relatés correspond à la réalité. Un service d’ordre constitué d’Hells Angels payés avec de la bière !!! Une partie du public sous l’emprise de drogues pas toujours « douces ». Des violences nombreuses et l’assassinat par un Hell’s Angel d’un spectateur. On est bien dans le bad trip souvent décrit. Les concerts se passent mal et les musiciens ne sont pas épargnés. Ainsi, un guitariste du groupe Jefferson Airplane, (L’avion de Jefferson !!!) est frappé par ceux qui devaient assurer la sécurité du festival pendant que la chanteuse (Grace Slick) tente de calmer les choses. Mick Jagger, paraît ridicule dans sa cape rouge quand il commence à chanter Sympathy for the devil. La fin de la bande dessinée montre des jeunes gens devenus pour certains bien rangés une dizaine d’années plus tard. Classique rengaine pas toujours justifiée sur le devenir des contestataires des années 1968. Plus intéressant, y est également évoqué le problème des violences sexuelles au cours des festivals de musique, question abordée très récemment en France.

Une bande dessinée prenante et réussie qui nous renseigne sur la société américaine des années 1960, ses tensions et les espoirs d’une fraction de la jeunesse. Un récit qui n’oublie pas, par ailleurs, l’importance de la violence de la guerre du Vietnam dans la genèse du mouvement hippie aux EU.

Signalons pour ceux qui voudront en savoir plus le film Gimme shelter (qui présente la tournée des Rolling Stones aux Etats-Unis en 1969) dont certaines images ont influencé les auteurs.