Trois histoires de réfugiés présente le travail de trois jeunes auteurs et dessinateurs partis à la rencontre d’exilés dans les centres d’hébergements collectifs de Genève et de Fribourg.
Dans le cadre du festival du film et forum international sur les droits humains de Genève, l’hospice général (chargé de mettre en œuvre la politique sociale du canton de Genève) est entré en partenariat avec l’école supérieure de bande dessinée et d’illustration (de cette même ville) ainsi qu’avec Joe Sacco (qui a réalisé la couverture de l’ouvrage) pour évoquer, sous la forme d’un roman graphique, le parcours de migrants arrivés en Suisse.
Melissa Ozkul a recueilli le témoignage de Lela. Son mari Tornike, son fils Amiran et elle-même sont Géorgiens et habitaient Tbilissi. A la suite d’un accident de voiture, Tornike a sombré dans le coma durant trois mois. Lourdement handicapé, il ne pouvait être soigné convenablement en Géorgie. Lela a alors fait le choix de partir vers la Suisse afin de pouvoir bénéficier d’une prise en charge effective de son mari. La famille se retrouve accueillie au centre d’hébergement collectif de Rigot à Genève. Reste que les papiers qui lui permettraient de rester ne lui sont pas délivrés et Lela et son enfant vivent désormais sous la menace permanente d’une reconduite en Géorgie et d’un éclatement de leur famille.
Robin Phildius a rencontré pour sa part Sri. Sri est né au Sri Lanka. Il a treize ans lorsque la guerre éclate. Tamoul, il se retrouve obligé de travailler pour le LTTE (Tigres de libération de l’îlam tamoul). Parlant trois langues, il effectue pour eux des travaux de traduction. Arrêté, il est emprisonné et torturé durant trois ans. Après sa libération, Sri parvient à fonder une famille. La guerre le poursuit et il se retrouve obligé de quitter son pays sans sa femme et ses deux enfants.
Il part d’abord pour Dubaï puis pour les États-Unis. Pour pouvoir envoyer de l’argent à ses proches, il s’engage dans l’armée. Ne recevant plus de nouvelles de sa famille, il retourne au Sri Lanka et les retrouve sains et saufs. Il ne peut toutefois demeurer sur place et obtient le statut de demandeur d’asile en Suisse. Douze ans après la fin de la guerre qui ravageait son pays, Sri ne peut toujours pas rejoindre les siens.
Jonas De Clerck évoque le témoignage d’Ali. Ali est un jeune Afghan. Son appartenance à l’ethnie Hazara l’a privé de droits essentiels dans son pays. Désireux d’étudier, il se rend à Kaboul où il est confronté régulièrement à la violence. Il prend alors la route de l’exil, passe par le Pakistan, l’Iran puis la Turquie. Victime des passeurs, il passe ensuite en Bulgarie et arrive à Sofia. Il est assigné durant trois mois dans un foyer, le quitte pour un autre et est victime de vol. Il part ensuite pour la Grèce puis l’Italie. A Milan, il choisit de se rendre en Suisse. Cette dernière traversée s’effectue via Marseille puis Lyon. Ali explique qu’il rencontre un groupe d’Iraniens qui lui apprennent à dire « bonsoir » en français. Il explique ensuite : « j’achète des habits neufs. Je monte dans le train en disant « bonsoir » au contrôleur. C’est comme ça que j’arrive à Genève. Avec un bonsoir ».
Trois histoires de réfugiés est un très beau témoignage, superbement illustré par trois étudiants ayant su allier avec brio reportage et roman graphique.
L’ouvrage pourra être utilisé avec profit dans le cadre d’une séquence consacrée aux mouvements migratoires.
Grégoire Masson
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Christiane Peyronnard
Trois histoires de Réfugiés, trois histoires mises en mots et en image par de jeunes graphistes qui ont su restituer, pudiquement, cette mémoire de la fuite et de l’exil.
Ce roman graphique a été créé dans le cadre su Festival du film et forum international des droits humains de Genève en 2020. Trois étudiants de l’Ecole supérieure de BD et d’illustration ont été retenus pour recueillir et mettre en image les témoignages de réfugiés qui montrent que la migration n’est pas toujours liée à la guerre et qui remettent en question l’image d’une Suisse, terre d’accueil.
Leila et Tornike sont installés au centre d’hébergement de Rigot à Genève quand ils rencontrent Melissa ? Ces deux Géorgiens ont vécu un drame en 2014, Tornike, à la suite d’un grave accident de la circulation est aujourd’hui atteint de troubles neurologiques profonds. Leila raconte son combat pour le faire soigner, l’arrivée de la famille en Suisse. Menacée avec son enfant d’être renvoyée en Géorgie elle se bat pour obtenir des papiers qui lui permettraient de rester auprès de son mari hospitalisé en Suisse.
Robin se fait le porte-parole de Sri, un réfugié Tamoul qui a fui la guerre civile et la prison, une très longue errance. Dans le contexte de la guerre civile qui opposa Cinghalais et Tamoul, Sri a dû fuir en laissant sa famille. Après un séjour difficile dans la péninsule arabique, son arrivée aux Etats-Unis en 2001 est marquée par les attentats qui bien que, traumatisants parce qu’ils lui rappellent la peur et l’insécurité, vont lui offrir un travail d’interprète pour l’armée qui l’a conduit en Irak puis en Afghanistan. De longues années loin de sa famille avec qui il garde le contact grâce à internet. Un jour sans nouvelles il décide de rentrer, 13 ans après sa fuite. C’est un voyage dangereux malgré la fin de la rébellion tamoule. Heureuse issue puisqu’il retrouve sa famille mais la crainte d’être emprisonné le conduit à l’exil en Suisse comme demandeur d’asile, seul à nouveau.
Ali a confié son histoire à Jonas. Ce jeune Afghan qui rêvait de faire des études a quitté son pays où, parce qu’il est d’ethnie Hazara, il ne pouvait réaliser son rêve. Dans ce pays, sous la menace talibane, Ali décide de partir. Il raconte, avec beaucoup de pudeur, son difficile périple, la pression des passeurs. Qu’il est difficile d’être confronté à une langue inconnue…
Trois récits divers, mais un point commun la tristesse de l’exil et la chaleur humaine entre migrants.
Des dessins en noir et blanc qui illustrent bien les ambiances de ces trois récits.