Guillaume Tronchet et André Honnorat : un parcours de recherches d’une quinzaine d’années

L’ouvrage André Honnorat (Un visionnaire en politique), rédigé par Guillaume Tronchet, est paru en octobre 2020, en coédition avec les éditeurs Maisonneuve & Larose Nouvelles Éditions / Hémisphères Éditions.

Guillaume Tronchet, né en 1983, est haut fonctionnaire (IGEN depuis 2019) et historien, spécialisé dans l’étude des politiques universitaires internationales. Agrégé (en 2006) et docteur en histoire (en 2014) de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheur associé à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (ENS-PSL, Paris 1, CNRS), il est également responsable à l’École normale supérieure du projet de recherche Global Youth, lauréat de l’Agence nationale de la recherche en 2017. Il a codirigé avec Dzovinar Kévonian La Babel étudiante. La Cité internationale universitaire de Paris, 1920-1950 (PUR, 2013) ainsi qu’un second volume sur l’histoire de la Cité des années 1950 à nos jours, à paraître en 2021. Il prépare avec Antonin Durand un ouvrage sur l’histoire des étudiants étrangers en France à paraître aux éditions La Découverte. Parmi ses publications récentes autour d’André Honnorat, une anthologie de textes parue dans Le Grand Continent ou encore une petite histoire de l’heure d’été pendant la Grande Guerre pour The Conversation.

À l’âge de 21 ans, en 2004, Guillaume Tronchet rédige un mémoire de Maîtrise en Histoire intitulé André Honnorat (1868-1950). Essai de biographie politique, sous la direction de Patrick Weil, à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Trois ans plus tard, en 2007, il continue à s’intéresser, mais de manière indirecte, à la personnalité d’André Honnorat avec un mémoire de Master 2 intitulé Naissance de la diplomatie universitaire française (1910-1940). Enfin, en 2014, à l’âge de 31 ans, il soutient sa thèse Savoirs en diplomatie. Une histoire sociale et transnationale de la politique universitaire internationale de la France (années 1870-années 1930), avec comme directeur de thèse Patrick Weil. C’est ainsi qu’il devient le spécialiste de l’histoire de la Cité internationale universitaire de Paris.

Avec cette biographie sur André Honnorat, Guillaume Tronchet achève, en quelque sorte, un parcours de recherches d’une quinzaine d’années. Cette publication de 448 pages inclut une préface de l’historien Patrick Weil (p. 7-11), un avant-propos (p. 13-19), 22 chapitres (p. 21-432), des remerciements (p. 433-436), les sources (p. 437-440), une bibliographie (p. 441-442), une table des matières (p. 443-446), sans oublier un cahier photographiques de 24 pages (p. 240-241).

Pour les besoins de cette recension, nous avons regroupé sciemment les 22 chapitres de l’ouvrage en quatre parties distinctes : la première partie regroupe les 6 premiers chapitres (p. 21-120) allant de sa naissance à sa première élection comme député des Basses-Alpes (1868-1910), la deuxième partie concerne ses trois mandats à la députation (1910-1921) soit les 8 chapitres suivants (p. 121-256), la troisième partie comprend 3 chapitres (p. 257-302) qui relatent son ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts (janvier 1920-janvier 1921) et, enfin, la quatrième partie comprend les 5 derniers chapitres (p. 303-432) correspondant aux trois mandats de sénateur des Basses-Alpes (1921-1945) ainsi que les 5 dernières années de sa vie d’homme public (1945-1950).

André Honnorat : le parcours exemplaire d’un républicain autodidacte (1868-1910)

Cette première partie (p. 21-121), d’environ 100 pages, qui retrace le parcours d’André Honnorat – de sa naissance jusqu’à sa première élection comme député des Basses-Alpes (1868-1910) -, comprend six chapitres intitulés comme suit : 1-Jeunesse d’un autodidacte (p. 21-38), 2-Premiers combats (p. 39-62), 3-Naissance d’un lobby (p. 63-76), 4-Un ardent dreyfusard (p. 77-86), 5-Antichambres (p. 87-104) et 6-Le candidat (p. 105-120).

Fils d’un négociant et d’une pigiste, né le 10 décembre 1868 (à Paris dans le 9e arrondissement), André Honnorat entame à Lyon des études secondaires qu’il est contraint d’abandonner à cause des difficultés financières que connaît sa famille, en n’ayant donc pu passer le baccalauréat [chapitre 1-Jeunesse d’un autodidacte (1868-1889)]. Journaliste à l’origine en étant rédacteur au quotidien républicain et radical Le Rappel [chapitre 2-Premiers combats (1889-1896)], André Honnorat s’est distingué, dès 1896, en fondant l’Alliance nationale pour l’accroissement de la population française, avec Émile Javal, Charles Richet et Jacques Bertillon [chapitre 3-Naissance d’un lobby (1896-1899)]. Toujours en tant que rédacteur au quotidien Le Rappel, il milita en faveur de l’innocence du capitaine Alfred Dreyfus et du gouvernement de « Défense républicaine » de Pierre Waldeck-Rousseau, dont le futur ministre de la Marine Jean-Louis de Lanessan remarque André Honnorat [chapitre 4-Un ardent dreyfusard (mars 1899-juin 1899). Ce dernier devient chef de cabinet du radical de Lanessan, ministre de la Marine (juin 1899-juin 1902) et du radical Fernand Dubief, ministre de l’Intérieur. (12 novembre 1905 – 18 février 1906). Pour services rendus en tant que chef de cabinet, Jean-Louis de Lanessan fit d’André Honnorat un fonctionnaire. Sa carrière administrative l’amena au grade de sous-directeur au ministère de la Marine où sa puissance de travail et ses compétences sont appréciées et reconnues [5-Antichambres (1899-1910)]. En 1907, il est élu conseiller général du canton de Lauzet, dans les Basses-Alpes et le demeurera jusqu’à sa mort, en 1950, soit durant 43 ans, et, dans l’intervalle, obtiendra la présidence du Conseil général des Basses-Alpes à 7 reprises ! Dès lors, il se lance dans la campagne électorale à la députation [6-Le candidat (mars 1910-avril 1910)] qu’il remporte de justesse, au 2e tour, le 24 avril 1910, par 1476 voix contre 1475, soit par une seule voix d’écart, en étant membre de l’ARD !

André Honnorat : les trois mandats du député républicain des Basses-Alpes (1910-1921)

Cette deuxième partie (p. 121-256) de 135 pages, qui relate peu ou prou la période des trois mandats de député des Basses-Alpes (1910-1921) d’André Honnorat, comporte huit chapitres qui sont les suivants : 7-Un député tenace (p. 121-142) (1910-1914), 8-Un beau mariage (p. 143-152), 9-Engagé volontaire (p. 153-166), 10-Haro sur la tuberculose ! (p. 167-178), 11-Le père de l’heure d’été (p. 179-198), 12-La prophétie de Novicow (p. 199-214), 13-Au service de la diplomatie universitaire (p. 215-240) et, enfin, 14-Le ministre qui n’avait pas son bac (p. 241-256).

En raison de l’écart d’une voix et d’un gros problème de santé, l’élection d’André Honnorat à la députation n’est validée à la Chambre des députés par ses pairs que le 7 avril 1911, mais à une écrasante majorité (247 voix contre 93). Il devait être réélu, par la suite, le 26 avril 1914 et le 16 novembre 1919. Sur les listes de la « Gauche radicale démocratique », son activité parlementaire fut considérable pendant cette période. Il s’intéressa particulièrement : aux retraites ouvrières et paysannes, aux habitations ouvrières, à l’expropriation pour cause d’utilité publique, à la caisse nationale pour la vieillesse, à l’impôt sur le revenu, au fonds national de chômage, aux plans d’extension des villes, à l’institution de dispensaires d’hygiène sociale, aux dépenses militaires, à l’utilisation de l’énergie hydraulique [7-Un député tenace (1910-1914)].

En juin 1913, à l’âge de 45 ans, André Honnorat finit par se marier avec Madeleine Destamps, veuve fortunée de l’ingénieur Léon Serpollet. En raison de l’impossibilité d’avoir un enfant et d’un mari entièrement consacré à l’action publique, le couple divorce en 1919 [8-Un beau mariage (1913-1914)].

Durant la Première Guerre mondiale, bien que réformé au moment du service militaire, André Honnorat fait une demande d’engagé volontaire au ministre de la Guerre, où il rejoint la 13e section des secrétaires d’État-major, stationné à Clermont-Ferrand, le 9 août 1914. A la faveur d’une mesure du général Joffre donnant le libre choix aux députés-soldats de rester au front ou revenir au Parlement, le député des Basses-Alpes choisit le retour à l’Assemblée nationale, afin de mieux servir son pays, au début de 1915 [9-Engagé volontaire (juin 1914-novembre 1914)].

André Honnorat propose plusieurs amendements sur l’hygiène et les soins apportés aux jeunes hommes effectuant leur service militaire (22 janvier 1914), notamment l’interdiction de renvoyer un soldat dans son foyer sans qu’il n’ait été traité contre la tuberculose. La Chambre des députés ratifie cet amendement quelques mois plus tard, le 15 avril 1915, en votant des crédits qui permettront des installations sanitaires où les poilus seront curés contre la tuberculose. Il fonde avec Léon Bourgeois, en 1916, le Comité national d’assistance aux anciens militaires tuberculeux. La même année, afin d’économiser l’énergie du pays en guerre, il propose l’adoption de l’heure d’été [10-Haro sur la tuberculose ! (novembre 1914-septembre 1919)].

André Honnorat est à l’origine de l’heure d’été. Pour faire des économies de combustibles, précieux pour l’effort de guerre, il présenta le 21 mars 1916 une proposition de loi pour avancer l’heure légale pendant la durée de la guerre. Adoptée, celle-ci devint la loi du 9 juin 1916, qui avança l’heure légale d’une heure et retarda d’autant celle du coucher du soleil, mais jusqu’au 1er octobre 1916 uniquement. En décembre 1916, le député de Barcelonnette déposa une nouvelle proposition de loi pour pérenniser le dispositif : adoptée, elle devint la loi du 19 mars 1917 créant l’heure d’été [11-Le père de l’heure d’été (mars 1916-mars 1917)].

Profondément acquis à la prophétie du sociologue français Jacques Novicow en faveur de la suprématie de la langue et la culture françaises au sein de l’Europe, André Honnorat veut servir le rayonnement intellectuel français à l’étranger : en préparant l’accueil des élèves et des étudiants réfugiés serbes (aux enfants des soldats serbes morts au combat), à partir de décembre 1915 ; en étant l’artisan des relations scolaires franco-scandinaves (Norvège et Suède), à partir de septembre 1918 ; en créant, à partir de 1917, un « Comité de protection et d’éducation des orphelins de guerre et fils de Français résidant à l’étranger » [12-La prophétie de Novicow (mai 1915-novembre 1918)].

En défendant une conception universitaire de la propagande, André Honnorat est à l’origine de la création de la Bibliothèque-Musée de la Guerre (BMG), au cours du second semestre de 1917 ; au cours de l’année 1918, ce dernier concourt à la création de l’école des Poilus afin de combattre le « cafard » des Poilus et il se fait considérer comme le chantre et le porte-drapeau du monde universitaire [13-Au service de la diplomatie universitaire (décembre 1916-juin 1919)].

Avec sa réélection comme député des Basses-Alpes au sein de la liste du Bloc national, André Honnorat adhère au groupe parlementaire de la « Gauche républicaine démocratique », aile gauche du Bloc national. Ce troisième mandat de député est son dernier, avant qu’il ne prenne son poste de ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts. Ainsi, le député des Basses-Alpes l’est resté pendant près de 11 ans (24 avril 1910-22 mars 1921) [14-Le ministre qui n’avait pas son bac (novembre 1919-janvier 1920)].

André Honnorat : le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts (1920-1921)

Cette troisième partie (p. 257-302) de 45 pages, qui remémore le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts (1920-1921) d’André Honnorat, compte trois chapitres qui sont les suivants : 15-La revanche de l’autodidacte (p. 257-280), 16-La création de la Cité universitaire de Paris (p. 281-288) et, enfin, 17-L’inconnu de l’Arc de Triomphe (p. 289-302).

En 1920, il participe à la fondation de l’Union internationale contre la tuberculose et, le 20 janvier 1920, il est nommé ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts dans le premier cabinet Millerand (succédant ainsi au ministre Louis Bérard) et conserva ce portefeuille dans le deuxième (Millerand II) jusqu’au 24 septembre 1920. En cette qualité, il soutint brillamment le budget de son ministère et prit l’initiative d’un projet de loi tendant à la translation au Panthéon de l’urne contenant le cœur de Léon Gambetta [15-La revanche de l’autodidacte (janvier 1920-janvier 1921)].

Entre 1917 et 1920, il multiplie les fondations et les amendements à but humanitaire ; Comité de protection et d’éducation des orphelins de guerre et des fils de Français résidant à l’étranger (1918), loi dite « loi Honnorat » qui institue des sanatoriums pour les tuberculeux. Mais, son œuvre majeure demeure la création de la cité internationale universitaire de Paris (1919), dont il fut président-fondateur jusqu’à sa mort en 1950, construite à partir de 1923, avec la collaboration de la Suède, de la Norvège et celle de David David-Weill, Jean Branet et Paul Appell. La cité internationale universitaire de Paris doit tout à André Honnorat : il en conçut l’idée, en poursuivit avec ténacité la réalisation et en fut jusqu’à sa mort le principal animateur [16-La création de la Cité universitaire de Paris (mai 1920-juin 1921)].

À la chute du deuxième cabinet Millerand, le 20 septembre 1920, le président de Conseil Georges Leygues lui offrit de conserver son portefeuille de ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts dans son cabinet. Il accepta et continua à gérer ce ministère jusqu’au 16 janvier 1921. C’est alors qu’il fit voter le projet de loi relatif à la translation à Paris des restes d’un soldat inconnu mort pour la France. Au total, André Honnorat est resté ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts pendant près d’un an (20 janvier 1920-16 janvier 1921), sous trois gouvernements (Millerand I et II, puis Leygues), soit 11 mois et 27 jours [17-L’inconnu de l’Arc de Triomphe (août 1920-décembre 1920)].

André Honnorat : les trois mandats du sénateur républicain des Basses-Alpes (1921-1945)

Cette quatrième partie (p. 303-432) de moins de 130 pages, qui reprend les trois mandats de sénateur des Basses-Alpes (1921-1945) d’André Honnorat, englobe cinq chapitres qui sont les suivants : 18-La sécurité de la France (p. 303-320), 19-L’esprit international (p. 321-358), 20-Les jours sombres (p. 359-392), 21-« La France est déshonorée » (p. 393-406) et, enfin, 22-« Le monde est fou » (p. 407-432).

Le 9 janvier 1921,  André Honnorat est élu sénateur des Basses-Alpes pour la première fois et se démet de son mandat de député, le 22 mars 1921. Par la suite, il fut réélu sénateur des Basses-Alpes, le 20 octobre 1929 puis le 23 octobre 1938. Au Sénat, il devient membre des commissions des Affaires étrangères, de l’Éducation nationale et de la Santé publique. Son activité parlementaire ne se relâcha pas et continua à porter sur la plupart des questions qu’il avait traitées lors de ses mandats de député. Il siégeait sur les bancs du groupe sénatorial de l’ « Union Républicaine ». Il devint, en 1925, président du Comité national de défense contre la tuberculose et devait le rester jusqu’à sa mort. Hommage mérité à un homme qui, dès 1920, avait été l’un des promoteurs de la législation antituberculeuse en France. En 1925, il est fait président du Comité national de défense contre la tuberculose (CNDT) avant de devenir membre de l’Institut Pasteur de 1932 à 1934, date à laquelle il crée la Fondation Roux qui attribue des bourses aux jeunes scientifiques étudiant à l’Institut Pasteur [18-La sécurité de la France (février 1921-février 1923)].

Cette période qui court du milieu des années 1920 jusqu’au milieu des années 1930 constitue l’une des plus productives de l’activité parlementaire et extraparlementaire d’André Honnorat. Cette productivité, s’il la doit à son tempérament, à ses réseaux et à la position d’intermédiaire qu’il occupe dans le champ du pouvoir entre gouvernement, parlement, administrations et une nébuleuse d’acteurs de la société civile locale, nationale et transnationale, André Honnorat la doit aussi au soutien de sa seconde épouse : Marguerite Cordin, de 20 ans sa cadette, qui partage sa vie après son divorce, en 1919, et avec qui il se marie en 1924, à l’âge de 56 ans. En 1930, il participe au troisième cours universitaire de Davos, avec de nombreux autres intellectuels français et allemands. [19-L’esprit international (p. 321-358) (1924-1935)].

La Grande Dépression de 1929 et la crise mondiale qu’elle engendre, l’échec de la Conférence mondiale pour le désarmement, sonne la fin d’une période de relative confiance en l’avenir. La victoire des nazis aux législatives de novembre 1932 et la nomination d’Adolf Hitler comme chancelier d’Allemagne, en janvier 1933, confirme l’inquiétude d’André Honnorat. Ce dernier facilite l’accueil des 25000 réfugiés allemands sur les 65000 qui quittent l’Allemagne nazie. [20-Les jours sombres (1933-1940)].

Après l’invasion allemande et la défaite française en mai-juin 1940, André Honnorat compte parmi les parlementaires qui s’abstiennent volontairement lors du vote des pleins pouvoirs à Philippe Pétain, le 10 juillet 1940, à Vichy. C’est à cette date que son mandat de sénateur des Basses-Alpes prend fin, mandature sénatoriale ayant duré près de 20 ans (9 janvier 1921-10 juillet 1940). Pendant toute la durée de l’occupation allemande, et avec le concours de ses propres réalisations (CNDT), il aide les tuberculeux à rejoindre les sanatoriums de la zone libre [21-« La France est déshonorée » (été 1940-été 1944)].

En 1944, il est choisi par Charles de Gaulle, pour intégrer l’Assemblée consultative provisoire, quelques mois avant son élection au Conseil de l’université de Paris et son élection à l’Académie des sciences morales et politiques, le 24 février 1947. André Honnorat s’éteint le 24 juillet 1950, dans sa 82e année, à la Cité internationale universitaire de Paris, la fameuse résidence pour les étudiants du monde entier à laquelle il aura consacré trente ans de sa vie. Il est inhumé au cimetière de Montmartre [22-« Le monde est fou » (automne 1944-été 1950)].

André Honnorat : un homme politique visionnaire injustement oublié ?

Pour conclure, André Honnorat est une passionnante figure parlementaire du premier XXe siècle, dont les combats en faveur de la santé publique, des étrangers, des réfugiés, de la démocratisation culturelle, sont d’une étonnante actualité. Autodidacte, journaliste dreyfusard, haut-fonctionnaire en charge de la séparation des Églises et de l’État, député puis sénateur pendant trente ans, il est le seul ministre de l’Éducation nationale à n’avoir pas passé le baccalauréat. Novateur, fin politique, passionné par l’action publique, ce travailleur acharné est surtout un réformateur et un bâtisseur tous azimuts : pionnier des politiques familiales, à l’origine de la législation antituberculeuse et de la création des sanatoriums, promoteur de la médecine préventive pour les étudiants, on lui doit également l’instauration de l’heure d’été en France et la création de bibliothèques, de musées et d’instituts universitaires.

Engagé pour l’ouverture de la France aux étrangers, il est l’un des grands réformateurs de la nationalité française et s’active pour faciliter la circulation des intellectuels en Europe et à l’international, en étant notamment l’initiateur de l’accueil d’étudiants réfugiés en France pendant la Première Guerre mondiale et le président-fondateur de la Cité internationale universitaire de Paris, avec le soutien de grands mécènes internationaux (David-Weill, Guggenheim, Rockefeller, Rothschild, etc.) au profit d’une jeunesse mondiale alors en formation (Blixen, Bourguiba, Césaire, Pompidou, Sartre, Senghor, etc.). Figure majeure de l’accueil des réfugiés juifs dans les années 1930, il s’abstient de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en 1940, s’oppose au régime de Vichy et retrouve le Parlement à la Libération. Globe-trotter infatigable, il aura sillonné le monde jusqu’à plus de soixante-dix ans, comme peu de parlementaires de sa génération.

Plongeant au cœur des réseaux d’influence et de pouvoir à l’origine de la fabrique de l’État social et républicain, dans les arcanes d’une société parlementaire aujourd’hui oubliée, l’auteur Guillaume Tronchet nous livre ici la biographie inédite et nécessaire de l’une des personnalités politiques les plus marquantes de la IIIe République.

© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)