Ce neuvième volume (sur 16 ouvrages prévus) de l’excellente collection des Mondes Anciens aux Éditions Belin, dirigée par Joël Cornette, est le premier volet d’une trilogie sur Rome, dirigée par Catherine Virlouvet, professeur émérite de l’Université d’Aix-Marseille, historienne spécialiste du monde romain des derniers siècles. Professeur d’histoire romaine à l’Université Lumière Lyon 2, Stéphane Bourdin s’intéresse particulièrement à l’organisation sociale, territoriale et politique des peuples de l’Italie préromaine et la République romaine.

Onze chapitres présentent les dernières recherches sur la première période du monde romain, de la fondation de l’Urbs à la fin de la République, nourris de plus de deux cent documents iconographiques largement commentés ainsi que de nombreuses cartes. Ils sont suivis du traditionnel atelier de l’historien propre à cette collection, d’une vingtaine de pages de repères chronologiques, d’un glossaire et enfin d’une bibliographie restreinte.

Les propos liminaires expliquent le choix chronologique des rédacteurs. Si 753 s’impose par les auteurs antiques qui affirment que Rome a été fondée par Romulus, la date de 70 ne va pas de soi. Pourtant cette dernière marque le doublement du nombre de citoyens romains après l’intégration de tous les alliés italiens. Par l’ouverture du corps civique, les Romains affirment leur prétention à l’universalité et à l’éternité de leur domination. Le statut de civis romanus reste un privilège jusqu’à l’édit de Caracalla même si Rome intègre rapidement les élites des vaincus, conséquences de l’extraordinaire expansion territoriale. Sa politique d’assimilation diffère des autres cités antiques. Les perspectives d’enrichissement alimentent la volonté de conquêtes. La domination de vastes contrées offre à l’économie de Rome et aux régions conquises, des possibilités de développement considérable, ainsi qu’une évolution politique de la monarchie à la République.

Chapitre 1 : la naissance de Rome

L’archéologie a montré que le site a été occupé depuis le paléolithique. Mais doit-on considérer que l’on est à la genèse de Rome ? Depuis le XIXe siècle, on a tendance à considérer les récits primitifs comme des légendes reconstruites par les écrivains anciens. L’histoire de Rome peut être comparée à celles des cités étrusques ou grecques. Grâce aux fouilles récentes, il est possible de retracer les  premiers moments de Rome.

Pourtant insalubre et inondable, le site est choisi par son nœud naturel de communication, un passage facile entre les deux rives du Tibre permettant de relier la Campanie et l’Étrurie. Plus au Nord, Véies connaît un semblable intérêt.

Rome est à l’origine d’une communauté latine parmi d’autres mais elle se démarque par la rapidité de son développement.

Les principales cités du Latium sont occupées depuis le XIVe siècle. On parle de culture archéologique. A la fin de l’âge du bronze, la région voit une croissance démographique qui entraine le développement de communautés villageoises agropastorales de culture latiale (incinération des morts dans les fameuses urnes cabanes). Au début de l’âge du fer, une concentration plus grande de la population permet de parler de centres proto-urbains. Certaines tombes se distinguent par la richesse de leur mobilier (vases importés du monde mycénien ou phénicien). Une aristocratie clanique apparaît dans de véritables cités comme Tivoli ou Rome. Au VIIIe siècle, des colons grecs s’installent au large de Naples amenant l’écriture alphabétique qui se diffuse rapidement. En Etrurie, se créent des cités-Etats d’importances : Tarquinia, Vulci…

A partir de quand, peut-on qualifier de « latins » les populations présentes dans le Latium ? Voilà une question débattue depuis longtemps…

Il semblerait que l’identité latine soit symbolisée par la célébration annuelle de sacrifices accomplis par trente cités en commun en l’honneur de Jupiter Latianis, divinité tutélaire des Latins. Des rites montrent le regroupement autour du Palatin d’une ligue de villages protohistoriques, amorce de la future Rome. Avant la date officielle, fin IXe-début VIIIe, des communautés ont entamé un processus de synœcisme, dont l’histoire commune a déjà commencé.

On connaît les légendes fondatrices de l’Urbs. En réalité, chaque cité du Latium possède ses propres traditions. Élaborées progressivement, certaines légendes ont été forgées dans le monde grec, d’autres à partir d’un vieux fond mythologique italien. Il s’agit de montrer que Rome, puissance émergente, n’est pas une cité barbare.

L’émergence de la ville comme cité-Etat résulte d’un processus graduel entamé dès le Xe siècle attesté par les fouilles archéologiques, qui s’achève au VIIe siècle avec la mise en place de tous les éléments constitutifs de Rome illustrés par sa monumentalisation (pavement du Forum, construction de la Regia (la résidence royale) …).

Chapitre 2 : Les rois de Rome

A partir du VIIIe siècle, Rome se présente comme une ville gouvernée par des rois au sujet desquels se sont développés une infinité de récits et de légendes (voir la théorie tripartite de Dumézil). Récemment, on a tendance à chercher dans les vestiges enfouis une confirmation d’un cadre chronologique des institutions et de l’organisation de la cité. S’il est difficile de se faire une idée précise de cette histoire pendant les premiers siècles, on sait que Rome a connu une évolution similaire aux autres cités du monde grec ou étrusque. En premier lieu, la mise en place de la monarchie institue un roi, l’arbitre entre les différentes familles. Ensuite le régime s’est transformé en tyrannie sous le règne de Tarquin le Superbe (au sens d’orgueil insolent). L’archéologie confirme la chronologie des trois derniers rois.

La croissance exceptionnelle de la cité présage de son destin hors norme. Grande unité urbaine ouverte par son avant-port maritime et son port fluvial sur le commerce méditerranéen, le doublement de sa surface au VIe siècle fait de Rome la ville la plus étendue et la plus peuplée du monde antique. A cette époque, la puissance des Romains devient visible par sa parure monumentale (le forum drainé par la cloaca maxima, le circus maximus, le temple de Vesta, le Curia Hostilia, le Comitium)

Chapitre 3 : La mise en place de la République

Les historiens romains considèrent que la fin de la monarchie se situe en 509 quand Tarquin le Superbe est détrôné par une révolution de palais. Ainsi ce serait établi un régime républicain plus libre avec l’acquisition de droits pour tous les citoyens. Cette fiction historique semble cohérente par rapport à ce qu’ont connu les autres cités. Mais ce chapitre montre une mise en place très progressive du nouveau régime qui s’est forgé dans un climat de fortes tensions internes opposant surtout les plébéiens riches et les patriciens (qui se prétendent les descendants de Romulus), dans un contexte de luttes contre les populations voisines, les Étrusques mais aussi les Latins, les Sabins, les Volsques et les Eques.

Un équilibre est trouvé dans la loi des XII tables datant de 449 et qui correspond à la mise par écrit du droit romain. Si le texte, rédigé sur des tables de bronze et exposé au forum n’est pas conservé, de nombreuses références y sont faites par les auteurs antiques. Chaque table contient un ensemble de formules appartenant à la même thématique. Il s’agit d’un recueil de normes, de lois et de règles de jurisprudence. Cette loi des XII tables met un terme à l’arbitraire des magistrats qui seuls détenteurs des lois avaient connaissance des lois.

Peu à peu la présence des plébéiens s’affirme, discrète mais réelle notamment avec les tribuns militaires à pouvoir consulaire qui sont présents à la tête de la cité.

Chapitre 4 : Rome et l’Italie (Du VIe au milieu du IVe siècle)

Rome, un des principaux centres du Latium, apparaît comme la plus riche métropole. Elle pratique un commerce intensif avec les cités grecques, phéniciennes et étrusques. Elle organise avec les populations des montagnes le déplacement des troupeaux. Les intérêts de la cité dépassent rapidement le Latium voire l’Italie centrale. En témoigne, le traité sur la navigation en mer Tyrrhénienne conclu entre Rome et Carthage vers 509. Les autres populations d’Italie péninsulaire connaissent une évolution semblable. Certaines cités se lancent dans des mouvements d’expansion. Rome ne fait pas exception. Elle entame sa politique de conquêtes (Véies en 396) puis la soumission de Faléries et de Capène en 394. Durant la première moitié du IVe siècle, la cité a fait la démonstration de sa puissance par sa capacité à repousser les raids gaulois, à mener des opérations militaires sur plusieurs fronts (au Nord contre les Étrusques et au Sud et à l’Est contre toutes les populations qui obstruent leur chemin) et enfin à organiser les territoires conquis.

Chapitre 5 : L’acquisition de la primauté en Italie (vers 380 – 264)

Au IVe siècle et au début du IIIe siècle, la République revêt sa forme définitive illustrée par les auteurs classiques comme le Grec Polybe ou Cicéron : le système des magistratures, les circonscriptions de vote des citoyens et les assemblées (comices centuriates et tributes), l’importance prégnante du sénat. Un certain équilibre est atteint entre les plébéiens et les patriciens qui s’unissent pour former un nouveau groupe dirigeant, la noblesse (nobilitas). Cette dernière contrôle les rouages politiques de la libera res publicas romaine, un régime aristocratique ou oligarchique. Ainsi peut se poursuivre la politique d’expansion engagée au siècle précédent. Elle permet à Rome de soumettre l’ensemble de l’Italie péninsulaire à son autorité : la soumission des Latins (354 –338), l’assaut de l’Italie centrale contre les Samnites et les Étrusques, la prise de Tarente et la défaite de Pyrrhus. Au milieu du IIIe siècle, toutes les communautés politiques de l’Italie péninsulaire sont soumises à Rome. Les cités transformées sont engagées dans un système d’alliance et contribuent à l’effort de guerre romain en fournissant des troupes auxiliaires.

La nature de l’expansionnisme romain a longtemps été discutée par les historiens. Aujourd’hui, la thèse de « l’impérialisme défensif » est remise en cause. Les Romains n’ont pas de plan de conquête mais utilisent les distensions internes et les élites profitent ainsi de la politique agressive et de l’enrichissement de la cité. Sous le dictateur Marcus Furius Camillus, l’armée est réorganisée : les soldats sont soldés (tributum) pour les frais d’équipement. Ce dernier est réformé (bouclier ovale léger (scutum) et javelot (pilum) à la place de la lance).

Sur les territoires conquis, sont installées des colonies de citoyens romains ou des colonies latines reliées par des voies romaines restaurées ou construites en étoile à partir de la Ville.

Chapitre 6 : Le duel entre Rome et Carthage et les débuts de l’impérialisme romain (264 – 202)

A peine les dernières populations italiennes vaincues, le sentiment de ne pas contrôler les couloirs maritimes, pousse les Romains à ouvrir les hostilités contre les Carthaginois.

Au préalable, est présentée Carthage, la puissance maritime en Méditerranée occidentale. Venant des cités-États du Levant, les Phéniciens s’installent sur la côte méditerranéenne africaine, à Utique, puis à Carthage qu’ils fondent à la fin du IXe siècle ou au début du VIIIe siècle. Cette ville nouvelle mêle des émigrés et des populations autochtones que les Grecs appellent des Libyques. Elle devient une cité considérable, contrôlant un territoire fertile permettant une production riche (blé, vin huile…). La civilisation punique se caractérise par un haut degré de développement culturel et économique, visible dans l’urbanisation. Son organisation politique est peu connue, sans doute proche d’une oligarchie après une monarchie plus ancienne.

La puissance de Carthage s’est étendue dans l’arrière-pays où les peuples vaincus acceptent de livrer des troupes auxiliaires. Les Numides fournissent des cavaliers redoutables et les Libyques des troupes montées légères. Les Carthaginois recrutent des mercenaires et combattent avec des éléphants venant essentiellement d’Asie. Depuis le VIe siècle, Carthage signe des traités avec les Romains. Elle lance des voyages d’exploration au-delà des colonnes d’Hercule (le détroit de Gibraltar) vers les côtes africaines et vers l’Europe.La flotte de guerre punique est exceptionnelle. Durant le IVe siècle, elle comprend entre 200 à 270 vaisseaux, soit 60 000 et 80 000 rameurs.

Pour les Romains, les guerres puniques correspondent à la poursuite des conquêtes déjà engagées comme l’a souligné Polybe, l’historien grec. Les Romains prétendent se défendre contre l’impérialisme ennemi.

L’organisation militaire de Rome lui permet d’intervenir rapidement sur tous les théâtres d’opérations. Le système de recrutement dans l’armée s’est modifié dans les années 280, le niveau de fortune minimal étant abaissé, ce qui augmente considérablement les capacités de mobilisation.

Les cités grecques, notamment Massalia, forment un troisième partenaire sur les routes commerciales de la Méditerranée occidentale, toujours prospères malgré la prise de contrôle des Romains de la Grande Grèce. En Sicile, Syracuse impose sa domination avec les tyrans (Denis Ier, Hiéron II).

Sur terre comme sur mer, la  première guerre punique (264 – 241), se déroule en Sicile où les Romains ont voulu « secourir » les Mamertins dans le détroit de Messine. Les vingt-trois années de conflit ont montré la capacité de Rome à maintenir huit légions en arme et à reconstituer sa flotte avec une rapidité extraordinaire.  En s’emparant de la Sicile, elle acquiert une des principales zones céréalière de Méditerranée, un immense butin et une grande quantité d’esclaves. Les conditions de paix sont rudes (perte de terres, tribu de 3 200 talents, interdiction de naviguer dans les eaux italiennes et de recruter des mercenaires dans la péninsule) pour les Carthaginois qui doivent supporter des révoltes de mercenaires qu’ils ont du mal à mater.

Ce premier conflit donne à Rome le contrôle sur des régions hors d’Italie, en Sicile, en Corse et en Sardaigne. Pour surveiller ces territoires, les Romains désignent des magistrats chargés de les gouverner. Leur sphère de compétences est appelée « provincia ». Par métonymie, le mot s’étend au territoire où s’exerce l’autorité du magistrat. On parle alors des provinces de Sardaigne, de Corse et de Sicile dirigées par des gouverneurs aux pouvoirs très étendus.

En parallèle d’opérations contre les Gaulois et l’Illyrie, les Romains suivent la progression des généraux carthaginois.

Une seconde guerre (218-202) affecte le pourtour de la Méditerranée occidentale (Espagne, Italie, Sicile et Afrique). Parti d’Espagne conquise par son père, le fameux Hannibal est victorieux à Cannes en Apulie le 2 août 216. Évitant les batailles rangées dans la péninsule, les Romains réussissent à user les troupes carthaginoises et à isoler Hannibal qui est rappelé en Afrique. Scipion dit l’Africain le poursuit et impose une défaite cuisante à Zama en 202. Rome impose à Carthage de renoncer à l’Espagne, de livrer sa flotte, ses prisonniers, ses éléphants et  un lourd tribut.

Rome sort profondément transformée du conflit. Elle a pu montrer la solidité de son système militaire, de son système d’alliance et de l’efficacité de ses institutions. Cependant les conséquences démographiques ont pesé longtemps : plus de 100 000 hommes sont tombés pendant les conflits avec Carthage. Les tensions et les rivalités politiques restent fortes au sein de la nobilitas qui utilise la gloire et la fortune acquise lors des campagnes militaires. Certains ambitieux n’ont pas suivi les étapes de la carrière des honneurs comme Scipion et l’image du général victorieux émerge pour devenir plus manifeste durant les guerres du IIe siècle.

Chapitre 7 : La conquête du bassin méditerranéen (202 – 133)

Après la deuxième guerre punique, la reprise se fait rapidement et en moins de 70 ans, Rome poursuit son expansion dont voici quelques étapes : le rétablissement de la domination romaine en Italie et en Cisalpine, la difficile implantation de Rome en Espagne divisée en deux provinces, la deuxième guerre de Macédoine et le conflit contre le royaume séleucide, la guerre de Persée et enfin la troisième guerre punique avec la destruction complète de Corinthe et de Carthage en 146 dont le territoire devient la province d’Afrique.

Chapitre 8 : La République mise à mal (146 – 100)

Pour le demi-siècle envisagé dans ce chapitre, on ne manque pas de sources, souvent plus tardives. Pourtant cette période est difficile à saisir. Les Romains ont eu la sensation que l’équilibre des institutions s’est rompu. L’historien Salluste date cette impression de crise dès 146 à la chute de Carthage. Les raisons véritables de cette rupture sont débattues parmi les spécialistes.

La société romaine s’avère en pleine évolution. Les élites, les cadres de l’armée, les gouverneurs de provinces s’enrichissent et profitent de l’ager publicus, les territoires pris aux vaincus. Les campagnes se transforment par l’affirmation d’une agriculture spéculative née au IIIe siècle et développée ensuite, dans un mode de production esclavagiste sans que l’on sache vraiment la part des esclaves dans la population (peut-être un quart voire un tiers de la population italienne). Suivant les régions des révoltes ont surgi comme en Sicile.

Il semblerait qu’il y ait eu des difficultés de recrutement dans l’armée (selon Polybe). Est-ce l’appauvrissement de catégories modestes ou la peur d’affronter des combats difficiles ? Des recherches récentes nuancent ces propos. Ces épisodes seraient dus à des tensions au sein de la classe politique. On peut noter aussi les problèmes d’approvisionnement suivant les lieux qui entraînent la cherté des céréales.

Des évolutions importantes, au niveau politique, sont la conséquence des conquêtes et de la perception des conséquences sociales. La classe politique se transforme. Les magistrats doivent rendre compte de leurs actions politiques et peuvent même être traduits en justice. Les tribuns de la plèbe reprennent de l’importance, comme défenseurs des droits des citoyens. Ainsi deux lois tribunitiennes introduisent le vote à bulletin secret. Un courant se développe alors qui estime que le peuple doit participer plus activement à la vie politique. Il s’incarne dans l’action des Gracques.

L’année 133 du tribunat de Tiberius Gracchus, est perçue comme une rupture dès l’Antiquité. L’épisode gracchien est aujourd’hui aussi considéré comme un nœud de l’histoire de la République. Les deux sources complètes, Appien et Plutarque sont plus tardives. Elles sont partisanes et font débat parmi les historiens.

Élu tribun de la plèbe, Tiberius Gracchus propose une réforme agraire qui consiste à redistribuer une partie de l’ager publicus aux citoyens les plus pauvres grâce à un triumvirat agraire élu par le peuple. Tiberius rencontre une vive opposition du sénat. Il meurt alors dans des circonstances troubles. Son cadet Caius lance une réforme plus ambitieuse, un véritable programme. Reprenant les dispositions de la loi agraire de l’aîné, Caius ajoute une loi frumentaire qui fixe un maximum pour le prix du blé acheté dans Rome, inférieur à celui du marché libre, afin de tenter de résoudre les difficultés d’approvisionnement de la Ville. Une autre loi met à la charge du trésor l’équipement des soldats. L’ordre équestre devient un troisième acteur de la vie politique puisqu’il fait partie du tribunal chargé de juger les magistrats sortis de charge. Désavoué notamment par le sénat, Caius et ses partisans sont mis à mort.

Les années qui suivent l’échec des Gracques voient reprendre les guerres extérieures (contre Jugurtha) et la cristallisation de la vie politique entre les populares et optimates. Elles conduisent à l’affirmation du pouvoir personnel comme celui de Marius, général populaire, sept fois consul et l’inventeur de l’isoloir. Ce dernier incarne la virtus de l’homme nouveau et la défense du peuple contre les abus de l’oligarchie politique. Jamais un général n’a atteint une telle gloire.

Chapitre 9 : Trente années qui changèrent Rome (99 – 70)

Les premières décennies du premier siècle de la République sont marquées par des conflits d’un nouveau genre et des évolutions qui ont fortement modifié le paysage politique. Les changements se portent sur la péninsule italienne avec les soulèvements des alliés italiens appelés la guerre sociale qui conduit à l’intégration des élites dans le corps civique et son doublement (910 000 hommes). Il s’agit là d’un changement d’échelle et une étape dans l’universalisme de la cité romaine.

Des combats s’apparentent à des guerres civiles. Actif pendant la guerre sociale, Sylla, commence la lutte contre Mithridate, roi du pont. Afin de se débarrasser de ses ennemis, il pratique la proscription qui consiste à établir une liste d’ennemis publics à éliminer. Les Romains ont été durablement marqués par ce procédé qu’ils condamnent unanimement. Les massacres ont traumatisé l’aristocratie sénatoriale sur plusieurs générations.

Il inaugure un pouvoir d’un genre nouveau, la dictature constituante. Il fait voter la loi Valeria créant un dictateur pour écrire des lois et donner des fondements à la République. Les réformes ont été très nombreuses et Sylla abdique la dictature de son plein gré en se retirant des affaires. Les historiens sont divisés sur les motivations de Sylla. Aucun politique qui lui a succédé ne revendique son héritage.

Les troubles intérieurs et extérieurs montrent les années suivantes que la restauration syllanienne est un échec et que la dictature n’a rien réglé. On assiste aux derniers feux de la guerre civile, au retour de Mithridate, aux exactions des pirates et à la révolte servile conduite par Spartacus.

L’année 70 marque définitivement des ruptures déjà annoncées. L’arrivée au consulat, conjointement, de Crassus et de Pompée marque l’échec des réformes de Sylla. Le sénat reste à la merci d’un coup de force des généraux vainqueurs.

En cette fin de chapitre, l’auteur pose la passionnante question de l’interprétation des sources liées au contexte troublé de leurs auteurs.

Chapitre 10 : La religion et la cité de Rome

On a trop tendance à calquer la religion romaine sur celle des Grecs. Ces pages montrent l’importance de la religion romaine dans le fondement de la vie publique. Elles détaillent les rites et les auspices à Rome ; et l’évolution du système religieux pendant les siècles concernés.

Chapitre 11 : De la cité-État à l’ « Empire-monde »

Les mutations de l’économie romaine

Les sept siècles couverts par cet ouvrage correspondent à l’extension de l’économie d’échanges, le développement du capital commercial et les transformations d’une agriculture tournée davantage vers le marché. L’historien Jean Andreau parle d’« économie-monde », expression utilisée par Fernand Braudel. Ce chapitre présente les sources et les débats qui concernent l’économie du monde romain, puis les évolutions en fonction des siècles traversés.

Les deux derniers chapitres intégrés à l’atelier de l’historien permettent de comprendre « la fabrique de l’histoire »

Inutile d’insister sur l’intérêt de cet ouvrage remarquable pour les professeurs d’histoire. Clair, précis, d’une lecture plaisante, ce manuel aborde les questions que se pose le spécialiste comme le néophyte sur la pérennité de la domination romaine. Les raisons de la réussite de l’expansion de ceux qui prétendent à l’universalité constituent le fil rouge du questionnement des trois volumes de la collection consacrés à Rome.