Ambroise Paré (1510-1590) et André Vésale (1514-1564) sont nés pendant la Renaissance. Leurs parcours se sont régulièrement entrecroisés sans que l’on ait de preuves tangibles qu’ils se soient rencontrés.
Leurs origines sociales et formation opposaient Ambroise Paré et André Vésale.
Ambroise Paré a passé son enfance en Mayenne près de Laval dans un milieu modeste ; il a reçu une éducation sommaire dénuée d’apprentissage du latin et du grec, ce qui lui fermera les portes de la médecine. Il a travaillé avec l’un de ses frères, barbier-chirurgien à Vitré avant de partir à Paris.
André Vésale est né dans une famille aisée qui comptait plusieurs médecins renommés. Il a appris le grec, le latin, l’hébreux et l’arabe ce qui lui a ouvert l’accès aux études médicales. En 1528, il commence son apprentissage de la médecine à l’Université de Louvain avant d’être incité à poursuivre ses études à Paris. Il sera contraint de rentrer au pays en 1537 après le déclenchement de la guerre entre François 1eret Charles Quint.
Les guerres ont rythmé les vies des deux hommes
Attachés au service de leurs souverains, les moments où ils furent rendus à la vie « civile » dans leur foyer dépendaient des périodes de paix.
Paré a opté à 26 ans pour la chirurgie militaire. « Comme chirurgien attaché à la personne de plusieurs nobles seigneurs, puis de quatre rois de France, il passera l’essentiel de son existence en campagne à soigner les blessés. » (P. 12). Il a profité de sa grande expérience pour faire évoluer ses pratiques pour soigner les blessures, notamment celles par armes à feu, et mettre
au point de nombreux instruments de chirurgie contribuant à diminuer la mortalité sur les champs de bataille. Les périodes de paix ont été propices à l’écriture et à la publication d’une œuvre foisonnante.
Suspecté de sympathie huguenote, il a cependant traversé les guerres de Religion sans être inquiété.
André Vésale, anatomiste réputé, a publié des ouvrages majeurs dans son domaine comme la Fabrica. Devenu médecin personnel de Charles Quint puis de son fils Philippe II, les suivra pendant leurs différentes campagnes militaires, mais contrairement à Ambroise Paré, il ne sera pas dans son élément avec la chirurgie militaire.
Il sera envoyé en 1559 au chevet d’Henri II après son accident de tournoi. Son rapport, relatant en latin son intervention et l’autopsie du roi, a été redécouvert par les historiens à la fin du XIXe siècle. Souhaitant fuir l’Espagne, les menaces de l’Inquisition, un mariage malheureux, il a entrepris un pèlerinage en Terre sainte qui s’est terminé tragiquement pour lui.
Ambroise Paré et André Vésale ont en commun d’avoir été tôt intéressés par l’anatomie et à ce titre, ils ont été des visiteurs assidus des morts des gibets. Paré, effectuera de nombreux déplacements dans cimetières et à Montfaucon pendant son service en tant que compagnon barbier-chirurgien à l’Hôtel-Dieu ; la maison familiale d’André Vésale était, quant à elle, située face à la colline du Galgenberg, qu’il fréquentera dès l’âge de 10 ans, pour examiner les corps des suppliciés.
L’enseignant Jacques Dubois dit Sylvius, magister à la faculté de médecine de Paris a été en présence de Paré et Vésale. Le premier, lui a été présenté sur recommandation de son Maître, Vincent Coincterel, l’un de ses anciens élèves ; le second a suivi ses enseignements entre 1530 et 1533, mais il sera victime de sa jalousie et de son opposition, suite à sa remise en question des préceptes de Galien (erreurs dues aux traducteurs et copistes, transposition à l’homme des observations des dissections sur des animaux).
Philippe SCHERPEREEL, Médecin Médiateur au Centre Hospitalier Universitaire de Lille après avoir assumé de nombreuses responsabilités dans la profession au niveau national, européen et mondial, est l’auteur de plusieurs livres dans la même collection.
Philippe SHERPEREEL nous offre un panorama historique de la médecine au travers des existences de Paré et Vésale.
Le cadre rigide professionnel existant à la Renaissance est soigneusement décrit (hiérarchie stricte entre les barbiers, les chirurgiens et les médecins) et permet de comprendre les différentes trajectoires de Paré et Vésale.
Propos de l’éditeur :
« Plus que des vies parallèles comme les eût écrites Plutarque, on peut parler de destins croisés car Ambroise Paré et André Vésale verront leurs chemins se croiser à plusieurs reprises. Ils feront une partie de leur formation à Paris, en ayant les mêmes maîtres et les mêmes condisciples. Ils soigneront les blessés dans les armées des deux camps opposés et serviront les plus grands rois et empereurs de leur époque. L’anatomie fécondera la chirurgie, et de leurs interactions intellectuelles et pratiques naîtra la science médicale moderne. Ils marquent à la fois une rupture avec les dogmes du passé, qui ont figé la médecine pendant quinze siècles, une transition avec la médecine arabe et l’apparition d’une médecine basée sur les faits de l’expérimentation et de la pratique clinique. La Renaissance est un bouillonnement intellectuel qui à travers toute l’Europe va redonner une impulsion à la pensée, aux arts et à la médecine. Au-delà des contributions essentielles de Vésale et de Paré, c’est tout une nébuleuse de talents qui gravite autour de ces deux hommes pour remettre en cause des notions obsolètes et poser les fondements de la médecine moderne. »