Bruno Modica est chargé de cours en relations internationales à l’IEP de Lille dans le cadre de la prépa-ENA
Les éditions Nathan publient ce mois ci un ouvrage indispensable qui devrait figurer au plus vite dans les bibliothèques, les cabinets d’histoire et les CDI. En effet, cette somme très accessible vient combler un manque car le dernier ouvrage de ce type en français date de 1923.

Pour le professeur de collège, on trouvera dans cet ouvrage des
références sur l’histoire des hébreux, le peuple de la bible, présentées avec un grand souci de précision et en même temps accessible. Les articles et les textes sont courts et précis et permettent également d’approfondir la question. Seul petit bémol, on aurait aimé quelques pages sur l’archéologie biblique qui auraient davantage éclairé le propos.
Pour le professeur de lycée, ayant a traiter en seconde le christianisme et par voie de conséquence ses relations complexes avec le judaïsme, l’ouvrage est également précieux.
Des textes inédits ou en tout cas rarement présents dans tous les manuels du marchés, publiés de façon suffisamment longue pour y faire une sélection utile, une mise en situation historique très bien conçue, et nous disposons des outils pour répondre à tous les questionnements que l’on peut rencontrer dans nos classes. Au collège comme au lycée en effet, nous sommes très souvent confrontés à des interrogations de nos élèves sur les rites et parfois sur des sujets plus ardus comme la kabbale, objet d’une captation par des sectes diverses. De ce point de vue, cette préoccupation sur les interrogations de nos élèves à propos des questions religieuses et sur notre responsabilité en tant qu’historiens dans ce domaine. Loin de toute volonté de spiritualiser nos enseignements, nous avons au
contraire à fournir des références historiques et des connaissances permettant la formation d’une pensée critique. Et de ce point de vue,n tout ce que l’on trouve dans cet ouvrage, notamment sur l’exégète rabbinique ou le Talmud peut nous être d’un grand secours.

Mais l’ouvrage ne se limite pas aux périodes fondatrices du judaïsme, au contraire. La démarche de Francine Cicurel vise à inscrire cette histoire dans la longue durée et permet, toujours au professeur de collège comme de lycée, de présenter la place des juifs dans la chronologie des croisades, (cf. le moyen-âge en cinquième, la Méditerranée au XIIe en seconde, mais aussi la shoah en troisième ou en première.) De très nombreux encarts permettent aussi de situer précisément des auteurs de textes très fréquemment croisés dans les manuels, comme Flavius Josèphe, Judah Halévi ou Maïmonide.
En terminale, dès lors que l’on cherche à répondre aux questions concernant les conflits au proche orient, cet ouvrage devient aussi une mine de références.

Racines de l’antisémitisme

Comprendre l’évolution de la diaspora au XIXe siècle permet d’expliquer ensuite les ressorts de formation de la pensée sioniste, sans pour autant rentrer dans les détails multiples de cette démarche où les clivages sociaux et politiques sont légion. Le sionisme de Jabotinsky étant sensiblement différent de celui de Theodor Herzl.
De la même façon, on pourra également s’appuyer sur cet ouvrage pour répondre aux questions sur l’antisémitisme, sur les trois dimensions de cette pensée si l’on peut utiliser ce terme. Les racines de l’antisémitisme, classiquement déclinées en trois branches, antisémitisme économique, chrétien et racial, auquel il faut rajouter la dimension arabo-musulmane dans sa spécificité, méritent d’être traitées en tant que telles.
La partie que consacre Georges Bensoussan a ses « mosaïques juives » est indéniablement une référence, y compris, malgré la difficulté de l’exercice, le chapitre rédigé avec Denis Charbit sur le sionisme et la création d’Israël. On appréciera dans cette partie le texte prémonitoire de l’écrivain russe, Ahad Ha’am, écrivant en 1891 a propos de la présence juive en Palestine : « le jour où la présence de notre peuple prendra une dimension telle qu’elle empiète sur les positions des autochtones, ce n’est pas de bon gré qu’il nous cèderont leur place. »

Outil de culture générale

On appréciera aussi cet ouvrage pour préparer aux concours d’enseignement à la fois en histoire mais aussi en lettres et en philosophie. Les deux parties « questions philosophiques et pensée juive » et « littératures et identités » sont également parfaitement documentées et apportent un éclairage synthétique indispensable.
De façon plus globale, et pour préparer à l’épreuve de culture générale dans différents grands concours, je ne peux que conseiller cet ouvrage aux étudiants de tous niveaux. Ces textes courts, mis en perspective grâce aux chapeaux et encadrés très synthétiques rédigés par les différents auteurs, sont particulièrement utiles et permettent d’illustrer les copies ou d’argumenter sur un oral. Cela va au-delà du judaïsme d’ailleurs et des questions religieuses ou de relations internationales. On trouvera ici des références à Freud, Hannah Harendt ou Jacques Derrida parmi bien d’autres, qui sont souvent cités, voire exploités par les concepteurs de sujets.
Dernière remarque enfin, et déjà exprimée dans ces colonnes, la qualité de présentation et de maquette de cette collection qui présente également l’avantage de fournir des ouvrages de référence à un prix accessible. (Moins de 30 € pour cette anthologie du judaïsme)

Bruno Modica