L’histoire de la Suisse depuis le Paléolithique à travers les cartes

Avec le succès en librairie de l’Atlas historique mondial de Christian Grataloup, les enseignants disposent d’un ouvrage particulièrement fiable, alliant la rigueur de courtes synthèses à des représentations cartographiques ne se limitant plus forcément aux limites traditionnelles. Dans cette lignée, et avec le même objectif pédagogique, les éditions Livreo-Alphil originaires de Neuchâtel publient un bel atlas de la Suisse, pays dont le dernier atlas historique datait de 1951 ! Une parution attendue.

La rédaction de ce livre a été l’objet d’une collaboration. Professeur à l’Université de Genève, François Walter est accompagné de Marco Zanoli, professeur de gymnase (l’équivalent du lycée en France) en charge des cartes. La traduction des textes et des cartes est signée par Laurent Auberson.

Dans l’avant-propos, Marco Zanoli précise que le projet a débuté par la publication de cartes historiques de la Suisse sur Wikipédia. Rapidement, il remarque que les cartes publiées rencontrent un petit succès auprès de ses élèves et des lecteurs de l’encyclopédie. C’est en 2018 qu’un véritable projet de publication, porté par Alain Cortat et François Walter, voit le jour. L’objectif est de rassembler les cartes publiées, en les réadaptant et en ajoutant de courtes synthèses historiques pour mieux les comprendre.

L’ouvrage présente l’historique de la Suisse en vingt-cinq chapitres qui tous comprennent un texte d’introduction et au moins trois cartes. La première carte de chaque chapitre (à l’exception du chapitre 1) montre l’espace alpin dans un contexte assez large.

Dans chacune de ces phases, les cartes illustrent quelques thèmes importants parmi lesquels le souci de clarté a contraint à une sélection. Les cartes à cadrage plus serré sur la Suisse permettent, tout au long des chapitres, de suivre la genèse et l’évolution complexes de l’espace helvétique sur les plans linguistiques, confessionnel et politique. Des cartes plus détaillées expliquent la formation territoriale des cantons et des entités historiques environnantes.

Préface de Marco Zanoli, Atlas historique de la Suisse – Deuxième édition, Livre-Alphil, 2021, page 7

A la fin de la lecture de l’ouvrage, le lecteur sait que le pari de départ est réussi.

Tessin, Argovie, Valais, Thurgovie, Obwald, ou encore Schwytz : la construction historique d’une confédération organisée en cantons

Parcourir cet atlas est une balade historique à travers la Suisse et les pays voisins. De Neuchâtel à Zurich, en passant par Vevey, Berne, la Tène, St-Gall, Coire, Bâle et Sion, les villes et les monastères jouent un rôle majeur depuis le début du Moyen-Age dans l’organisation du territoire. Parmi les très nombreuses situations présentées, les professeurs d’histoire-géographie exerçant en France trouveront de nombreuses cartes pouvant être mobilisées en collège ou en lycée : le partage de l’Empire carolingien (page 39), les voies commerciales entre le XI et le XIIIe siècle (page 57), la comparaison de l’appartenance confessionnelle entre 1540 (page 98) et 1700 (page 99), la situation de la Confédération durant la guerre de Trente Ans (page 103) mais aussi les conséquences du Congrès de Vienne (page 139).

Notons également la présence qu’une excellente carte (numéro 92) de l’industrialisation du pays vers 1860, laissant apparaitre des régions industrielles fonctionnant en archipels : l’horlogerie et la bijouterie d’Yverdon à Délémont en passant La-Chaux-de-Fonds et Bienne, la soierie de Zoug à Zurich, ou encore l’essor de la broderie dans la région de St-Gall, dans l’Est de la Confédération. Les deux guerres mondiales du XXe siècle ne sont pas oubliées. Les dernières cartes insistent sur la position de la Suisse au sein de l’Union européenne de 1957 à 2020 puis sur l’instauration progressive du suffrage féminin entre 1959 (Canton de Vaud et de Neuchâtel), et 1990 dans l’Appenzell. Par exemple, le vaste canton des Grisons n’a accordé le droit de vote aux Suissesses qu’en 1983. Une belle mise en perspective du cas français est donc possible à partir de cet ouvrage, dans le cadre d’une séance d’EMC.

C’est en 1909 qu’a été fondée l’Association suisse pour le suffrage féminin. A cette époque, seules la Finlande et la Nouvelle-Zélande avaient accordé les droits politiques aux femmes. En Suisse, les mentalités ne s’ouvrent guère avant les années 1950, quand les citoyennes de la plupart des pays occidentaux ont déjà obtenu le droit de vie. La marche vers l’égalité politique est ardue, d’autant que seuls les hommes s’expriment sur la question dans les urnes (ce qui est unique au monde !) et qu’il faut distingue les différents niveaux de la vie politique (fédéral et cantonal).

François Walter et Marco Zanoli, Atlas historique de la Suisse – Deuxième édition, Livre-Alphil, 2021, page 185

En conclusion, cette mise en perspective s’avère très réussie et particulièrement didactique pour étudier et enseigner l’histoire suisse grâce à la cartographie, dans une démarche géohistorique. Les collégiens et lycéens frontaliers pourront également mieux apprécier le rôle des relations entre leur région et la Confédération.

A noter que les professeurs d’histoire-géographie pourront également se pencher sur le livre intitulé « Les victimes oubliées du 3e Reich : les déportés suisses des camps de concentration », toujours chez Livreo-Alphil, dont la sortie est très récente (29 avril 2021).

Pour aller plus loin :

  • Présentation de l’éditeur -> Lien

Antoine BARONNET @ Clionautes