Tim Bouverie, l’auteur d’Apaiser Hitler, est-il un historien ? Ce jeune journaliste britannique de Channel 4, ayant participé à des documentaires historiques tranche en tout cas avec la figure classique de l’historien. Avec un point de vue essentiellement britannique, Bouverie montre les atermoiements face à la montée du nazisme en Allemagne et face aux provocations de plus en plus osées d’Adolf Hitler. Le style peut agacer certains, et on sent, dans l’écrit, la « patte » du réalisateur TV, sur certains mots, sur certaines formules toutes faites. Comme je l’ai dit, le point de vue est britannique. Le titre original ne trompe pas : Apeasing Hitler, Chamberlain, Churchill and the road to war, traduit en français par le manichéen Apaiser Hitler, ils voulurent la paix, ils eurent la guerre. Comme si, pour le lecteur français, il y avait eu quelque chose d’écrit, de tautologique dans le déroulement de cette histoire. Des français Bouverie en parle peu, ce n’est pas son propos, et c’est souvent de façon caricaturale et souvent à charge. Ce n’est pas non plus un livre sur Hitler, même si on voit comment ce dernier joue des hésitations de ses adversaires/partenaires avec une habileté surprenante, arrivant à se présenter pendant très longtemps comme un authentique pacifiste. Hitler qui, pour une partie de l’élite britannique, présente aussi l’avantage d’être un anticommuniste déterminé dans un Royaume Uni ou le stalinisme fait paniquer. Bouverie montre aussi une certaine complaisance de cercles britanniques (le duc de Westminster, Hugh Grosvernor, notamment) envers Hitler et, surtout, envers les Allemands, jugés plus proches culturellement et même ethniquement des Anglais que les Français et même confortés dans leur désir de remettre en cause le traité de Versailles. A cette ambiance se retrouve aussi le pacifisme ambiant de cette période, et aussi les difficultés économiques liées à la crise de 1930, et ses séquelles, qui pendant longtemps vont peser sur le budget militaire britannique ; empêchant toute éventualité de guerre réelle avec le Reich. « On aurait pu les battre en 1936 » entend-on. Sauf que personne, ou presque, n’avait la volonté de se battre. Une dichotomie se met vite en place dans le livre de Bouverie entre les tenants de l’apaisement (Chamberlain, Halifax, Eden) et ceux qui, dès le début, voient la guerre arriver (Churchill). La fin du livre est une apothéose churchillienne, certes, mais elle montre bien comment Chamberlain a pu se duper lui-même, de part sa propre éducation et sa propre morgue, sur les intentions réelles d’Hitler. Bouverie cherche aussi à remettre en question ici une historiographie récente qui réhabilite Chamberlain, le présentant comme un grand pragmatique et le sauveur de la Nation.
Ce livre est destiné malgré tout aux spécialistes de l’histoire contemporaine britannique. Il reste long à lire, car il est très détaillé (ce qui n’est pas en soi un désavantage) mais on se plait quand même à retrouver, dans beaucoup de citations et de phrases rapportées, cet humour et ce flegme typiquement british qui à fondu comme neige au soleil lors des débats sur le Brexit.
Mathieu Souyris, lycée Pau Sabatier, Carcassonne.