Archéologia propose un dossier sur les traces de la Seconde Guerre mondiale qui a durablement marqué paysage et mémoire.

 

Ce nouveau numéro d’Archéologia débute, comme à l’accoutumée, par la rubrique « Actualité des musées » dans laquelle on trouvera, entre autres, l’évocation de l’inauguration du « Centre de lumières » au sein de la Saline royale d’Arc-et-Senans (le centre est mentionné comme étant une « immense cathédrale numérique » présentant notamment plusieurs sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO) ou encore la mention d’une exposition consacrée à Méduse au musée des beaux-arts de Caen.

Dans les « grandes questions de l’archéologie », Jean-Paul Demoule a rédigé un article intitulé « l’archéologie, science des rapports ». Le scientifique y présente la lente et progressive mise en place d’une législation encadrant l’archéologie nationale et les difficultés rencontrées par cette institution aujourd’hui.

Dans « l’actualité des fouilles », rubrique particulièrement fournie, on peut mentionner les fouilles qui ont eu lieu à Paris à l’occasion de l’aménagement d’une nouvelle sortie du RER B, avenue de l’Observatoire. Le « cimetière gallo-romain de Port-Royal » était déjà connu depuis le XIXe siècle et la nouvelle fouille entreprise a permis de mettre au jour une cinquantaine de sépultures, toutes à inhumation.

Un article est également consacré à « Thorin », l’un des derniers Néandertaliens connus et dont des restes ont été mis au jour devant la grotte de Mandrin, dans la Drôme (il a été enterré autour de 45000 à 50000 ans).

Sous le titre « Énigmatiques trukatrous ! », Sophie Féret et Rémi Saget présentent les fameux « dodécaèdres bouletés » dont la fonction nous échappe encore aujourd’hui…

Vincent Mistrot et Laurent Védrine sont ensuite interviewés dans le cadre d’une exposition se déroulant au Musée d’Aquitaine et intitulée « L’art préhistorique de l’Atlantique à la Méditerranée ». L’exposition a pour fil rouge la notion d’art préhistorique et elle est l’occasion de découvrir de très beaux artefacts comme un pendeloque en forme de tête de cheval (abri Duruthy, Sorde l’Abbaye), la conque de Marsoulas ou encore un fac-similé de la « carte de la Grotte d’Abauntz », « pierre gravée (…) considérée comme le plus ancien tracé cartographique d’Europe de l’Ouest (p.23) ».

Dossier consacrée à l’archéologie de la Seconde Guerre mondiale

Il débute par une contribution de Vincent Carpentier intitulée « « Naissance de l’archéologie française de la Seconde Guerre mondiale ». 90 % des découvertes ont lieu en Normandie. Les champs d’étude de cette « nouvelle » pratique archéologique concernent les champs de bataille, des structures comme le mur de l’Atlantique mais également les camps. L’auteur écrit (p.31) qu’en « une décennie à peine, les archéologues français ont su développer des problématiques adaptées au patrimoine français de la Seconde Guerre mondiale et dépasser le mythe héroïque du « Jour le plus long » pour atteindre, grâce au croisement des données archéologiques et des archives historiques, des photographies ou des témoignages, la matérialité objective du conflit et des comportements spécifiques à la violence de guerre contemporaine ». Le même auteur, dans un second article (« Du champ de bataille aux théâtres d’opérations »), souligne l’importance de la région normande dans le cadre de l’archéologie des combats du second conflit mondial.

Cécile Sauvage (« Le Débarquement de Normandie vu par l’archéologie maritime ») s’intéresse ensuite aux apports de l’archéologie sous-marine pour la compréhension du Débarquement de Normandie (« près de 150 sites sous-marins témoignent encore, dans les fonds de la baie de Seine, du Débarquement de Normandie », p.34).

Benoît Labbey et Antoine Le Boulaire dans « Le mur de l’Atlantique révélé par l’archéologie » évoquent les fouilles menées autour de ce monument. Les deux auteurs écrivent que des découvertes effectuées près de Caen ont permis de « bousculer et nuancer l’image d’un Atlantikwall infranchissable vanté par la propagande nazie (p.37) ».

Juliette Brangé, Alexandre Bolly et Michaël Landolt (« Le camp de concentration de Natzweiler-Struthof : étude d’un espace de détention et de travail forcé ») viennent conclure le dossier et relatent les fouilles menées à Natzweiler-Struthof, camp de concentration dans lequel 22 000 déportés décédèrent pendant leur période de détention. Ils mentionnent également les fouilles effectuées sur les vestiges de la chambre à gaz qui est présente sur ce site. Les auteurs indiquent (p.39) que « du 11 au 19 août 1943, 86 déportés juifs provenant du camp d’Auschwitz sont gazés par le commandant du camp, Josef Kramer. Leurs corps devaient servir à établir une collection de squelettes pour le professeur August Hirt, directeur de l’institut d’anatomie de la Reichsuniversität de Strasbourg ».

Frédérique Duyrat a rédigé un article sur Henri Seyrig (« Henri Seyrig. Père de l’archéologie syrienne ») qui fut le fondateur et le directeur de l’Institut français d’archéologie de Beyrouth de 1946 à 1967. Il est, entre autres, à l’origine du dégagement du temple de Bêl à Palmyre.

Julien Cuny (« Île de Tylos. Bahreïn au cœur du commerce antique ») évoque les fouilles menées depuis 2017 par le CNRS et le musée du Louvre à Bahreïn dans « une nécropole de l’époque du Tylos moyen (Ier siècle avant notre ère-Ier siècle de notre ère), période au cours de laquelle la culture de ce petit archipel du golfe Persique connaît un regain de prospérité grâce au boom des échanges entre le monde méditerranéen, l’Orient hellénisé, séleucide puis parthe, et le sous-continent indien (p.47) ».

Le numéro comporte, en sus, le programme de la quatorzième édition des Journées Européennes de l’Archéologie des 16, 17 et 18 juin 2023.

Grégoire Masson