Quelle est aujourd’hui l’actualité de la recherche agronomique en matière de développement durable ? Quels apports l’interdisciplinarité sciences humaines / sciences agronomiques peut apporter à la réflexion ? Voilà un ouvrage spécialisé dont la lecture peut enrichir le cours de géographie sur le thème : Nourrir les hommes mais aussi sur le concept de développement durable. Il propose des repères pour donner à voir aux élèves des éléments positifs d’évolution possible et permet de rompre avec une vision souvent manichéenne entre agriculture industrialisée des pays développés et petite agriculture pauvre des pays du Sud.
Repenser l’innovation pour le développement durable
L’introduction de cet ouvrage collectif Publié par les éditions Quae cet ouvrage peut être commandé (+ 5€ frais d’envoi) à l’adresse suivante : Edition Quae, c/o Inra, RD 10, 78026 Versailles cedex, – servicesclients@quae.fr – http://www.quae.com
propose diverses définitions des concepts de développement » et « innovation ». Les auteurs réfléchissent sur le rôle de la recherche innovante, la place des agriculteurs et les modes de diffusion des innovations et mettent en évidence la cohérence générale de l’ouvrage. Une table des matières très détaillée autorise une lecture par centres d’intérêt.
Repenser l’innovation dans un monde incertain
Aux USA l’évolution de la recherche en matière agricole des origines à la dernière décennie a conduit à un accaparement par les grandes entreprises agro-chimiques avec pour seul critère la productivité et avec une appropriation privée des espèces végétales. Le poids des normes est devenu un obstacle pour atteindre l’objectif numéro un de l’agriculture : nourrir la population mondiale. Un encadré sur les conséquences de ces pratiques sur la riziculture en Inde et la recherche agronomique au Brésil offre des textes courts pour un usage en classe.
La Banque Mondiale elle-même s’est interrogée sur les systèmes d’innovation schéma p. 44 et l’implication des divers acteurs au-delà même des organismes de recherche. C’est le concept de système d’innovation qui est analysé et le nécessaire renforcement des interactions recherche/acteurs est montré par un exemple péruvien : comment l’accès au marché pour les petits producteurs peut être un facteur clé dans la diffusion de l’innovation agricole. Des pistes pour une meilleure interaction sont proposées : partenariat public-privé, espaces multi-acteurs, financement de l’innovation, commercialisation des produits, développement de nouveaux programmes d’enseignement pour faire face à la complexité.
Des initiatives innovantes existent en dehors de la recherche, la prise en compte des entrepreneurs innovants est indispensable et à soutenir. Des exemples divers montrent notamment le caractère social et/ou environnemental de ces innovations.
Apprendre à innover aujourd’hui
Le chapitre 4 interroge la situation actuelle d’une agriculture intensive (intrants chimiques, mécanisation) qui permet une forte production à l’hectare mais dont la durabilité semble incertaine. L’analyse des logiques agronomique, économique et sociale de la grande culture céréalière dans le bassin de la Seine met en lumière les effets de la spécialisation liée à l’implantation d’entreprises agro-industrielles qui assurent un débouché aux productions (sucreries, féculeries) : réduction du nombre d’espèces cultivées, emploi de pesticides, rôle du conseil technique constituent un véritable verrouillage qui offre peu de marge de mainoeuvre à l’agriculteur qui voudrait évoluer comme le montre aussi la domination du soja dans la pampa argentine, le coton en Thaïlande ou la banane antillaise. L’auteur pose ensuite un certain nombre d’hypothèses pour sortir de cette spécialisation.
Comment les populations rurales les plus pauvres peuvent-elles profiter des innovations ? L’étude des diverses stratégies pour échapper à la pauvreté montrent une diversification des productions agricoles et des activités non-agricoles, le recours à la migration et l’insertion dans l’économie sociale. Les politiques de lutte contre la pauvreté doivent donc tenir compte de l’émergence d’une nouvelle ruralité dans laquelle le revenu ne dépend plus exclusivement de l’activité agricole. Dans les pays du Sud deux modèles innovants existent : l’intensification productiviste du type Révolution verte (intrants, mécanisation, OGM) dont les résultats sont décevants et, partant de l’impact environnemental, l’intensification agro-écologique (polyculture, lutte biologique intégrée, assolement et association de cultures). Cette seconde voie paraît plus adaptée à l’agriculture familiale si elle n’oublie pas les systèmes de valeurs des populations concernées. Reste à s’interroger sur les effets sur la pauvreté de ces innovations agro-économiques, il semble que les solutions les plus efficaces résident dans une prise en compte de tous les aspects économiques, sociaux, organisationnels et pas seulement techniques (une belle occasion de tester une approche systémique).
Ce nouveau chapitre questionne les certifications (bonnes pratiques, bio, équitable) et leur impact social, la place des petits producteurs et la gouvernance de ces systèmes. Un exemple illustre la réflexion : apprendre à exporter des fleurs au Kenya.
Partant de l’exemple français des « pôles de développement » axés sur les aspects techniques, les auteurs du chapitre 7 montrent qu’en matière de ruralité c’est la gouvernance partagée du territoire qui permet une innovation multi-acteurs développée dans un exemple brésilien.
Concevoir des futurs pour l’agriculture et l’agroalimentaire.
Cette troisième partie donne la parole à des représentants d’institutions sur la manière dont les pouvoirs peuvent soutenir les nouvelles formes d’innovation.
C’est un procureur brésilien qui s’exprime sur le droit national et international en matière de protection de l’agrobiodiversité. En rupture avec les lois conventionnelles sur la propriété des semences, exploitées par les multinationales, il s’agit pour le gouvernement brésilien de protéger les petits producteurs et de favoriser la sélection variétale faite par les agriculteurs eux-même (un ex à propos du quinoa au Chili). C’est la défense non seulement d’un patrimoine génétique mais aussi culturel.
Dans un monde globalisé l’innovation est indispensable pour faire face au défi de nourrir une population toujours plus nombreuse. Les questions de l’accès aux innovations, au crédit, de la relation chercheurs – fournisseurs de services agricoles – société sont au centre de la réflexion des auteurs de ce chapitre. Ils évoquent notamment les stratégies de diffusion de l’innovation en Méditerranée. Ils analysent le « Plan vert marocain » et montent les interactions entre niveau local, national et international.
Le dernier chapitre est consacré à la gouvernance agricole en Afrique. Les auteurs défendent l’idée d’une co-construction, d’une co-exécution et d’une co-évaluation des politiques agricoles. Pour remédier au faible niveau de performances des agricultures d’Afrique noire ils mettent l’accent sur le rôle des organisations professionnelles comme de ROPPA Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest. Ils invitent les états à repenser leur rôle dans le secteur agricole.
La conclusion met clairement au centre de la question de l’innovation les premiers intéressés : les paysans.