Sécurité globale numéro 14, éditions Choiseul, 28 €

Le dossier central de cette revue que La Cliothèque présente à chaque parution depuis plusieurs années est consacré au contrôle des armements et aux politiques de désarmement.
Toutefois, l’article d’ouverture est consacré à la poussée islamiste dans les entreprises, avec un article d’Éric Denécé, directeur du centre français de recherche sur le renseignement. Cet article s’appuie sur différentes sources, notamment celles des renseignements généraux, ou de l’organisme qui lui a succédé, la direction centrale du renseignement intérieur. Dans cet article l’auteur traite avec plusieurs détails de la pénétration du fondamentalisme islamiste dans différentes entreprises, le plus souvent situées dans la région parisienne.
Cette pénétration touche notamment les secteurs de la grande distribution, ou des sociétés de sécurité, avec des entreprises qui emploient souvent un personnel non qualifié. Les formes de pénétration sont les mêmes que celles que l’on a pu trouver dans le monde éducatif, avec la question du port du voile, mais avec des liens avec la culture syndicale, pour tout ce qui concerne les revendications.
Les islamistes formulent d’abord des demandes pouvant apparaître comme « légitimes » : la création de salles de prière sur le lieu de travail, l’adaptation des pauses quotidiennes pour permettre la pratique religieuse, l’aménagement du temps de travail lors du ramadan ou pour pouvoir disposer du vendredi comme jour chômé, le respect des interdits alimentaires dans les restaurants d’entreprise.
L’auteur parle d’exemples nombreux, en citant Eurodisney ou en 2002 une sociétés de fret de l’aéroport de Roissy. Il semblerait que dans un certain nombre de cas, des filières de recrutement par cooptation sur critères religieux se soient développées. Cela rappelle ce qui a pu exister pendant très longtemps dans le recrutement des dockers par la CGT ou par Force ouvrière à Marseille.
L’auteur évoque également les sociétés de sécurité, cibles privilégiées pour les islamistes, en raison du faible niveau de qualification requis pour les tâches de gardiennage. Les sociétés sont invitées à recruter des individus issus des minorités visibles, afin que leurs agents ne se fassent pas taxer de racisme lors des contrôles. Le véritable problème est d’ailleurs, et c’est évoqué par l’auteur, celui du recrutement d’agents de sécurité avec de faux papiers. Il semblerait que cela concerne les sociétés sous-traitantes de la grande distribution qui emploieraient des personnels avec de faux papiers dans 30 % des cas.
La pénétration islamiste ne relève pas seulement du djihad. Il semblerait que le point de départ soit plutôt celui de micro trafics, dont la finalité est celle de l’enrichissement personnel. La délinquance utilise l’islam comme prétexte mais il semblerait que parfois la frontière soit ténue avec le financement local du terrorisme.

La pénétration s’exerce également à partir de la filière halal, qui représente 1/10 du volume de la viande consommée en France. Les ventes à Rungis représentent plus de 40 000 t par an et plusieurs enseignes de la grande distribution ont choisi de développer cette filière. L’opacité de cette filière, les revenus obtenus à partir des cartes de sacrificateurs, délivré par les mosquées de Paris, Lyon et Évry, peuvent constituer des sources de revenus importantes, dès lors que chaque kilo de produits certifiés halal est redevable d’une taxe qui varie entre trois et 0,15 € d’euros. La somme totale pourrait atteindre 45 millions d’euros.
L’auteur conclut cet article en expliquant que pour les entreprises françaises, la montée en puissance de l’islam radical représente une nouvelle menace qui doit être assimilée à un risque sectaire davantage que contestataire. L’islam est en train de remplacer la CGT comme soutien des travailleurs musulmans dans leurs revendications contre la hiérarchie. Ce phénomène exprime surtout une volonté de prise de contrôle des comportements et des modes de pensée d’autres salariés afin d’imposer un système de valeur conforme à l’idéologie religieuse qu’il préconise.
On peut s’interroger sur les particularités de cet article qui paraît dans un contexte politique marqué par la mise en avant de la question de l’islam et de ses rapports avec la laïcité. Il est évident que l’ouverture de ce « débat » s’inscrit dans des préoccupations très clairement électorales. À lire cet article rien ne permet de parler d’une véritable menace, mais simplement de tendance qui mérite d’être observée. Il n’en reste pas moins que le problème est bien réel. Cette mise en avant identitaire d’un islam rigoriste peut parfaitement conduire à des comportements de type sectaire, et à ce moment-là constituait un danger pour les structures, entreprises, établissements d’éducation et d’enseignement, services publics, qui y seraient confrontés.

Le thème principal de ce dossier
Armements : contrôler, désarmer ? est introduit par Elisande Nexon, qui présente le cadre des négociations passées et en cours, sur le contrôle des armements. Si l’on connaît bien les questions qui traitent des armes nucléaires, le traité sur la non-prolifération est entré en vigueur en 1970, les questions qui traitent des armements conventionnels ont jusqu’à présent beaucoup moins suscité l’attention. Ce sont pourtant les armements de ce type qui sont à l’origine de différents phénomènes de déstabilisation, depuis la fin de la guerre froide, même s’ils étaient largement présents auparavant.

Le traité sur les forces conventionnelles en Europe a contribué à instaurer la confiance en renforçant la transparence et la prévisibilité, par le biais d’échanges d’informations et de mesures de vérification. Il n’en reste pas moins que depuis 2010, même si la guerre en Géorgie en 2008, a pu geler les négociations entre l’OTAN et la Russie, les discussions semblent avoir repris. Mais il n’en reste pas moins que certains pays jouent un rôle profondément déstabilisant dans ce domaine comme la Biélorussie, où la Transdniestrie, cette enclave située entre la Moldavie et la fédération de Russie qui a pu servir d’arsenal dans différents conflits.
La France est très impliquée dans le processus de contrôle des armements, comme le montre cet article de Christel Doudies, qui présente l’unité française de vérification comme outil de la diplomatie de défense. Cet organisme a été créé le 1er juin 1990, sous l’autorité du chef d’état-major des armées, et a pour mandat d’exécuter l’ensemble des mesures de vérification ordonnée au titre des accords internationaux de maîtrise des armements dont la France est signataire. La tâche de cet organisme est considérable, puisqu’il s’agit de traiter aussi bien les questions touchant au domaine non conventionnel, armes nucléaires, chimiques et bactériologiques, le démantèlement des armes nucléaires russes, mais également les armes légères et de petit calibre ainsi que leurs munitions. Le régime « ciel ouvert » permet de réaliser des survols de territoires permettant une vérification de la réalité des engagements pris par les états signataires.

Pascal Jeanmougin, traite pour ce qui le concerne de la lutte contre la dissémination des armes légères et de petit calibre et de la problématique des munitions. Quelques chiffres introduisent cet article, notamment les 900 millions d’armes légères qui sont en circulation dans le monde, dont seulement 230 millions sont détenues par les états. Ces armes légères et de petit calibre apparaisse comme un démultiplicateur de violence et la disponibilité de ces armes peut entraver le développement des pays. Ce sont les armes légères et de petit calibre qui s’inscrivent dans toute une série de trafics, qui sont extrêmement difficiles à maîtriser, dès lors que des acteur étatique ou para étatiques, s’y engage. Depuis 2008, dans le cadre des Nations unies, différentes mesures ont été prises pour limiter et réduire la dissémination, et pour faciliter la destruction de stocks susceptibles d’être détournés. On le voit aujourd’hui en Libye, comme en ex-Yougoslavie, et ailleurs, ces stocks d’armes et de munitions peuvent alimenter différents réseaux, criminels et/ou terroristes, sans oublier les mouvements de déstabilisation des états qui peuvent s’en emparer.

Perrine Le Meur traite pour sa part de la réglementation des transferts internationaux d’armes classiques au niveau international, en évoquant la mise en place d’un traité sur le commerce des armes. Lors de sa 65e session de travail, l’assemblée générale des Nations unies n’a pourtant pas adopté de résolution concernant ce traité. Le transfert en matière d’armement bénéficie d’une place particulière dans les relations économiques internationales, puisqu’ils sont vus comme des attributs essentiels de la souveraineté des états. La campagne sur le contrôle des armements a commencé en 1995, mais les états ont des perceptions très différentes de la question en fonction de leurs intérêts propres. Des pays comme la Chine ou la Russie se montre très réservée pour tout type de réglementation qui puisse remettre en cause leurs droits à exporter des armes. Les pays importateurs souhaitent plutôt que la réglementation concerne le commerce illicite plutôt que les activités légales en matière de transfert. Il n’est pas évident d’harmoniser les différentes législations et d’amener les états à adopter un texte soutenu par l’ensemble de la communauté internationale.

Viviane du Castel, dans les varia de ce numéro de sécurité globale, présente la situation de la mère de Barents, comme laboratoire d’une nouvelle diplomatie énergétique. Il aurait d’ailleurs pas été inutile pour illustrer cet article, de joindre une carte avec un découpage des différentes zones convoitées par les pays voisins, au premier chef la Russie tout comme la Norvège. On a tendance à oublier en effet que la Norvège le troisième exportateur net de pétrole au monde qui fournit par ailleurs 14 % du gaz naturel consommé en Europe. Ces gisements se trouvent à proximité des centres de consommation, ce qui constitue également un atout non négligeable. La particularité de la Norvège et d’avoir également créé un fonds de pension globale qui a pour but de gérer les excédents de réserves de changes générés par l’exportation de pétrole. Ce fonds qui est censé être géré de façon éthique doit assurer le financement des prestations, notamment de retraite pour les générations futures. En 2007, la Russie a fait de même et dispose, grâce à ses excédents pétroliers d’un fonds souverain qui participe de la création d’une nouvelle G.O. finance qui s’est imposé aux marchés internationaux. Toutefois, le fonds souverain russe semble s’imposer comme une puissance silencieuse et opaque aux effets potentiellement menaçants. Les perspectives en mer de Barents sont également prometteuses dès lors que le réchauffement climatique permettra des accès facilités aux supertankers et aux grands navires méthaniers. La question qui évidemment se pose est celle de la vulnérabilité environnementale de ses installations, y compris des risques terroristes que peuvent constituer dans ces zones isolées des quantités de matières explosives considérables.

Bruno Modica