Pierre-Yves BEAURAPAIRE et Silvia MARZAGALLI sont professeurs d’histoire moderne à l’université Côte d’Azur. Ils ont rédigé ensemble la 3e édition de cet Atlas de la Révolution Française. Il est à noter que le sous-titre a changé depuis la 1e édition. Il est passé de Circulations des hommes et des idées, 1770-1804 à Un basculement mondial, 1776-1815. Ce changement est symptomatique de la volonté des auteurs de sortir de la trame évènementielle de la décennie 1789-1989, mais aussi de décentrer le regard et de varier les échelles d’observation. Il s’agit également d’intégrer et de croiser les apports des recherches en cours en histoire économique, culturelle, sociale, religieuse et politique, pour mettre en évidence les circulations qui parcourent, déstabilisent et réorganisent l’espace européen et américain des révolutions. La première carte intitulée L’Atlantique en ébullition (1770-1830) en est l’illustration.

Un vent de liberté

Les travaux récents autour des circulations des hommes, des idées, des biens, des dynamiques et des tensions qu’elles provoquent permettent de comprendre les logiques de « ce basculement majeur dans l’histoire du monde ». Les circulations d’hommes, de biens, de modèles administratifs et culturels à travers l’Atlantique et l’interconnexion croissante entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique affectent en profondeur les sociétés des trois continents. Précédée et accompagnée par une abondante production écrite et par une importante circulation d’hommes et des idées qu’ils véhiculent à travers l’Atlantique, la Révolution américaine ouvre en effet une période de fermentation politique. Floraison d’idées nouvelles et critiques qui parcourent l’Europe, l’esprit des Lumières participe à l’ébranlement de l’Ancien Régime. Les difficultés financières et industrielles des années 1780, et plusieurs années de récoltes médiocres ou franchement mauvaises ont enfin fragilisé les couches les plus pauvres de la société française mais aussi la petite bourgeoisie des métiers qui redoute le déclassement. En ville et dans les campagnes, les tensions et rébellions se multiplient. L’État monarchique, gangréné par une situation financière dramatique, et qui se heurte à l’impossibilité de toute réforme fiscale, ne peut répondre alors aux envies de changements.

Entrer en Révolution

L’échec des tentatives de réformes nécessitent de convoquer les États Généraux. Les hommes et les femmes nés sous l’Ancien Régime font alors l’apprentissage d’un processus inédit de transformation radicale. Les clubs et les sociétés politiques se multiplient. De nouveaux équilibres territoriaux s’installent. Religion ou l’esclavage dans les colonies font discussion. Le séisme politique que constitue la fuite du roi, pose enfin la question de la fin de la Révolution, nécessaire pour garantir les acquis de 1789.

La radicalisation révolutionnaire

A partir de 1792, la psychose de la trahison contre-révolutionnaire s’empare de l’opinion. Le 11 juillet, la patrie est proclamée en danger. Le 22 Septembre, la République est proclamée. Pour lutter contre les ennemis de l’extérieur et de  l’intérieur, la Convention décrète la levée en masse puis que le gouvernement sera révolutionnaire jusqu’à la paix. Les sans-culottes sont alors au cœur du processus de radicalisation révolutionnaire et sont à l’origine de la dictature de salut public. Elle met à l’épreuve les patriotes, notamment aux États-Unis et dans les Républiques-Soeurs.

La France de Bonaparte une consolidation de la Révolution ?

Le coup d’État de brumaire marque un tournant dans l’histoire de la Révolution, aboutissant à une pacification de la société française au prix du renforcement du pouvoir exécutif et d’une limitation des libertés. Outre la réconciliation religieuse (politique du Concordat) et le retour de la paix extérieure, la stabilisation qui s’opère sous le Consulat passe par la reconstitution d’un vivier d’administrateurs et de fonctionnaires. Cette administration mène à bien une série de réformes. Napoléon modifie par exemple en profondeur l’instruction secondaire. En 1802, quelque 1500 bureaux de poste assurent le départ du courrier au moins 3 fois par semaine grâce à l’amélioration de la viabilité des routes.

L’intérêt de cet atlas est d’envisager l’ensemble des espaces européen et atlantique dans la longue durée, conformément aux avancées historiographiques de ces dernières années sur la Révolution Française. Les échelles des cartes sont variées : continentales, nationales, régionales, voire même locales. Cartes de synthèse alternent avec des zooms permettant ainsi d’individualiser les parcours et les trajectoires des acteurs sociaux, culturels et politiques. Certains exemples pourront être utilisés avec profit en classe au collège comme au lycée : circulations atlantiques d’Étienne CLAVIÈRE, Jacques Pierre BRISSOT, Thomas PAINE ou Benjamin FRANKLIN dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, en France d’Arthur YOUNG pendant la Révolution ou la marche du volontaire Aymez entre 1792 et 1795. Complété par une chronologie et une biographie raisonnées, cet ouvrage est en tout cas un ouvrage complet pour « entrer » dans la Révolution, qui comme le dit Georges CLEMENCEAU à l’Assemblée nationale le 29 janvier 1891 « est un bloc […], un bloc dont on ne peut rien distraire ».