L’ouvrage propose plus de 100 cartes, mais comme toujours, avec certaines disposées sur deux pages, ce qui en réduit grandement l’intérêt pour les professeurs qui souhaiteraient les utiliser avec les élèves.
Il serait dommage de s’arrêter à cet aspect pratique tant cet ouvrage rendra des services pour faire le point sur les connaissances actuelles sur l’Empire romain.
Des atlas relookés
Les atlas Autrement ont été relookés et proposent notamment une page de conclusion pour chaque chapitre qui constitue en même temps l’introduction du suivant. Le thème de l’empire a été profondément renouvelé depuis quelques années comme le signale l’auteur. Rome apparait ainsi comme la matrice de tous les empires. Christophe Badel souligne aussi quelques difficultés pour cartographier un tel sujet à cause de la disparition des cartes romaines, à laquelle il faut joindre la difficulté d’estimer les différences de perception selon les époques. Le livre comprend une introduction, cinq parties, des annexes, des schémas, un glossaire et une bibliographie. On trouve aussi des pastilles intitulées « verbatim » qui sont autant d’occasions de faire résonner les textes et paroles d’époque. Un système de couleurs permet d’isoler les différentes parties.
Vers l’empire universel
La première partie est d’abord chronologique et retrace en une quinzaine de pages l’histoire de la formation de l’Empire romain. Les cartes proposées couvrent la période entre – 300 et 200 après Jésus-Christ. Sont donc passés en revue les épisodes incontournables comme les guerres puniques ou la guerre des Gaules. L’ouvrage s’intéresse ensuite à la République impériale en insistant sur le fait que l’Empire romain est un empire conquis par une cité et non par un monarque. Christophe Badel revient ensuite sur un point classique à savoir l’armée de citoyens. Il développe alors le système des provinces en insistant sur le système du royaume client. Il termine en évoquant ce qu’il nomme les deux visages de la colonisation.
La pax romana
L’ouvrage s’attache ensuite à décortiquer ce que l’on nomme couramment « pax romana ». Il dessine ainsi les multiples formes d’une expansion dynamique. Rome n’a jamais renoncé à réaliser des avancées, y compris sous forme de grignotage de zones. Ce ne fut pas toujours spectaculaire, mais finalement décisif en terme d’espace. En effet, les grandes guerres sont plus rares qu’on ne le croit. Ce fut donc un mélange subtil d’expansion limitée et de stabilisation progressive.
Christophe Badel rappelle que 40 % des Romains étaient nourris par l’Etat. Il en profite pour distinguer les « ludi » des « munera ». Les premiers correspondaient à des spectacles publics de pièces de théâtre et de courses de chars donnés en l’honneur des dieux, tandis que les seconds étaient des combats de gladiateurs liés au départ aux funérailles nobiliaires.
Christophe Badel revisite des termes comme le « limes » qui n’est pas une ceinture fortifiée, mais un chemin puis un réseau de routes et forts. Ce n’est qu’à la fin du 1er siècle que certains adoptent un caractère linéaire. L’auteur souligne les interrogations qu’il convient d’avoir quand on envisage les révoltes provinciales comme faits de résistance. En effet, le système romain repose et fonctionne sur l’adhésion des populations.
Gérer l’Empire
Une fois l’espace conquis, il faut l’administrer. Auguste installe un service de poste impériale qui s’appuie sur un réseau de stations tous les 40 ou 50 km. Il permet un gouvernement de l’empire par correspondance, un courrier impérial pouvant franchir 75 kilomètres en une journée. Mais la Bretagne reste à 20 jours de Rome. Le pragmatisme de Rome apparaît dans la question des cités. Les réalités du terrain sont très diverses en fonction du site et de l’histoire antérieure de la ville et donc bien loin d’un moule unique. Christophe Badel aborde également des points peut-être plus inattendus quand il souligne que l’empereur était réactif, toutes proportions gardées, aux demandes grâce aux libellés et aux rescrits. Cela compense, en partie, le fait qu’il n’est que rarement présent dans les provinces. L’auteur raconte aussi l’ascension de deux frères africains et rappelle donc combien le Sénat pouvait constituer un creuset de l’intégration des élites.
Visages de la romanisation
Le concept de romanisation ne fait plus consensus chez les historiens qui estiment qu’elle implique une démarche consciente qu’il n’est pas toujours facile de déterminer. Les historiens se tournent de plus en plus vers des termes comme « créolisation » pour désigner l’élaboration de nouveaux cultes par transfert d’éléments extérieurs.
De toutes façons, comment estimer le phénomène ? Les critères matériels ne sont pas suffisants. Christophe Badel compare ainsi la consommation d’époque du vin au fait de boire actuellement du Coca-Cola : cela ne fait pas forcément de nous des personnes totalement américanisées. Si l’on aborde la question de façon géographique, à travers l’exemple des Gaules, on remarque un clivage durable entre le sud du pays qu’on peut comparer à l’Italie, et le Nord beaucoup moins romanisé. Ce qu’on peut dire tout de même, c’est que la romanisation, appelons-la encore ainsi, devait être suffisamment avancée pour que Caracalla publie son édit sur la citoyenneté en 212.
Cet atlas permet donc d’actualiser ses connaissances sur un sujet qui pourrait sembler bien connu. En terminant par le chapitre sur la romanisation et ses doutes, il ramasse très efficacement toutes les informations apportées précédemment. Un livre qui remplit ses objectifs et notamment celui de répondre à cette interrogation de Polybe mise en exergue sur la quatrième de couverture : » Par quels moyens les Romains ont-ils pu se rendre maîtres en moins de 53 ans de presque tout le monde habité ? »
© Jean-Pierre Costille, Clionautes
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