« Grâce à près de 120 cartes, cet altas permet de comprendre comment l’Europe s’est transformée d’un point de vue politique, économique et culturel ». Telle est l’ambition de son auteur Pierre-Yves BEAUREPAIRE, professeur d’histoire moderne à l’université Nice Sophia-Antipolis et spécialiste du monde des Lumières, de la sociabilité et des réseaux. Il est aidé pour la cartographie par Cyrille SUSS.
Dans l’introduction, l’auteur présente d’emblée l’importance de la carte comme un outil pour penser l’Europe moderne. Elle permet de se repérer pour se déplacer à travers le continent et au-delà, mais « bien plus encore, elle est la clé d’accès à la compréhension du territoire » ou plutôt des territoires occupés par les Européens. Cet atlas, compilation de nombreuses cartes, vise cet objectif au fil de quatre chapitres :
1. L’Europe de la Renaissance : Né en Italie dès avant le XVème siècle, les mouvements de la Renaissance se diffusent en Europe au fur et à mesure que se déploient les circulations artistiques. A l’image des artistes, les humanistes sont également de grands voyageurs comme Érasme qui séjourne en France, en Angleterre ou en Italie. L’imprimerie permet alors un meilleur accès à la connaissance et révolutionne la diffusion de leurs idées. Les voyageurs, dont ils font partie, sont les témoins précieux des Guerres (en Italie par exemple), de la montée des divisions entre protestants et catholiques et de l’accroissement des échanges commerciaux entre Empire Ottoman et Occident chrétien en Méditerranée.
2. L’Europe divisée : Les XVIème et XVIIème siècle sont profondément marqués par la guerre. Les réformes protestantes et son pendant catholique sont à l’origine de la guerre de Trente Ans qui opposent les princes au sein du Saint-Empire. Le sac de la place protestante de Magdebourg (1631) devient le symbole d’une violence de guerre qui n’épargne personne. De nouvelles puissances s’affirment comme les Provinces-Unies tandis que les anciennes s’affrontent tels l’Angleterre, la France ou l’Espagne pour conquérir territoires et hégémonie. Les circulations se multiplient : émissaires et négociateurs ou diasporas huguenote et jacobite en sont des exemples.
3. Ouvertures européennes : Aux XVIIème et XVIIIème siècle, l’Europe se déploie à travers le monde. Forcées ou désirées, les migrations recomposent l’espace européen et au-delà. Des empires coloniaux se constituent : ibériques, français et britanniques, prolongeant les conflits continentaux outre-mer. Des connexions atlantiques d’abord fortuites puis organisées se constituent. Parallèlement, les innovations scientifiques et techniques s’intensifient, les collaborations entre chercheurs se multiplient créant de véritables réseaux, matérialisés par la publication de périodiques scientifiques. Une République des Lettres s’affirme dans toute l’Europe. Les collections d’histoire naturelle connaissent un véritable essor.
4. L’Europe des Lumières : Les conflits deviennent mondiaux comme la guerre de Sept ans. Londres et Paris apparaissent comme des capitales européennes voire globales. De tout le continent, les voyageurs y convergent notamment à Paris, polarisant l’Europe des Lumières. Les expéditions savantes changent de dimension pour se projeter jusqu’aux limites du monde connu. L’activité épistolaire se voit démultipliée. Un des symboles de cette mondialisation des échanges restent les flux des idées qui traversent l’Atlantique et la Manche pendant la période des révolutions européenne et américaine.
« Du XVème au XVIIIème siècle, l’Europe moderne est bien une Europe en mouvement ». Cet atlas le transcrit parfaitement. Le texte est clair, précis et veille à garder constamment le lien avec les cartes. Quoi de mieux en effet que des cartes pour montrer, prouver tous ces mouvements qui agitent ce vieux Continent « moderne » et ses dépendances ultra-marines. Certaines retiennent davantage l’attention que d’autres : l’Europe de Thomas Platter (p.21), les affaires des Médicis et des Fugger (p.26), Pierre-Paul Rubens, peintre et envoyé diplomatique (p.39), une vie à traverser l’Europe : Henri Joseph Delilez (p.61), parcourir l’Europe (p.76), le transit de Vénus en 1769 : une mobilisation européenne (p.82) ou le tour d’Europe du rhinocéros Clara (p.83) qui peuvent nourrir de belles études de cas au collège ou au lycée. Un très bon atlas donc, accompagné d’une bibliographie raisonnée pour aller plus loin si besoin.