Le cent-cinquantième anniversaire de l’unité nationale italienne aurait pu être l’occasion de célébrations nombreuses et unanimes. Au lieu de cela, cette commémoration a été traitée sur un mode mineur et a plutôt fait ressortir les divisions d’un pays qui n’en manque pas. Cet Atlas de l’Italie contemporaine nous permet de mieux les appréhender grâce à une documentation abondante, et d’une très grande richesse.

Divisions et émigration

Le Risorgimento a entraîné l’unification de régions dont le niveau de développement social et économique était très différent. L’ouverture aux productions du Nord a contribué à étouffer dans l’œuf le développement du royaume des Deux-Siciles. Plus tard, l’alliance des dirigeants républicains du Nord avec les notables conservateurs du Sud a renforcé les pouvoirs de ces derniers et longtemps bloqué toute évolution. Les réformes agraires ne sont ainsi intervenues que durant les années 1950. L’État, considéré comme oppresseur, n’est jamais parvenu à s’implanter en profondeur dans le Mezzogiorno.
Les migrations internes vers le Nord qui n’ont jamais cessé, incarnent et renforcent en partie ce fossé, dans la mesure où elles privent le Sud de ses forces vives. L’émigration vers l’étranger a pour sa part très fortement diminué dans les années 1980 et l’Italie est devenue une terre d’accueil, dans la douleur et la controverse : l’afflux d’immigrants d’Europe centrale ou du sud de la Méditerranée ne va pas sans créer de tensions xénophobes, volontiers utilisées par les hommes politiques.

Les tensions politiques

Les tensions politiques constituent un autre aspect de l’histoire italienne, caractérisée par une crise politique interminable, puisque pas moins de 47 gouvernements se succèdent de 1948 à 1993. La domination de la Démocratie Chrétienne, qui avait empêché le parti communiste, principale force d’opposition, de participer aux affaires, a fortement limité le pluralisme et multiplié les luttes intestines. La chute des régimes communistes en Europe orientale et les scandales de corruption mis à jour dans le cadre de l’opération « Main Propre » en 1993 ont entraîné une profonde recomposition du champ politique, dont Silvio Berlusconi et son parti Popolo della Libertà sont sortis grands vainqueurs, sans pour autant éradiquer les maux dont souffre la démocratie italienne.

L’Italie, entre rêves de grandeur et réalité

Les autres aspects sociaux et culturels de l’Italie (arts, football, cuisine, médias), sont traités de manière toujours intéressante, et on soulignera en particulier l’attention bienvenue portée aux politiques d’urbanisation (spécialité d’un des auteurs, Aurélien Delpirou), souvent tardives et incomplètes. Elles n’ont empêché ni le mitage de certaines régions sous l’effet d’une périurbanisation diffuse, ni un manque criant de logements sociaux compensé par la multiplication des constructions illégales, mais elles ont aussi permis de rénover des centres anciens – la gentrification étant le corollaire de ces réhabilitations.
Le rôle de l’Italie sur la scène mondiale, et surtout méditerranéenne, est également bien illustré (là aussi, il s’agit d’un thème de prédilection d’un des auteurs, ici Stéphane Mourlane), que ce soit par la remise en cause de l’idée selon laquelle la colonisation italienne aurait été « plus douce » que celle des autres nations européennes, ou par l’analyse du rôle de Gioia Tauro.

L’ouvrage sera donc fort utile à tous ceux qui désirent faire rapidement (car il ne vise pas à l’exhaustivité) le point sur la situation du bel paese aujourd’hui, d’autant qu’il intègre des évolutions très récentes et des considérations très nuancées sur les limites et l’essoufflement de l’économie italienne. Ses nombreux graphiques, plans et cartes sont en général intéressants et tout à fait clairs, mais on déplorera toutefois le choix d’une police de caractères très petite, qui en rend la lecture rapidement fatigante.