La question des migrations germaniques et de la fin de l’Empire romain d’occident connaît un regain d’intérêt depuis une dizaine d’années.Voici quelques titres d’ouvrages publiés en langue française au cours de ces dernières années et traitant tout ou partie du même sujet : Ward-Perkins B., La Chute de Rome. Fin d’une civilisation, Alma Éditeur, 2014, rééd. Flammarion, « Champs », 2017 ; Delaplace C., La Fin de l’Empire romain d’occident. Rome et les Wisigoths, PUR, 2015, Dumézil B., Les Barbares, PUF, 2016 ; Lançon B., La Chute de l’Empire romain. Une histoire sans fin, Perrin, 2017 ; Heather P., Rome et les barbares. Histoire nouvelle de la chute de l’empire, Alma Éditeur, 2017 ; Schmidt J., Le Déclin de l’Empire romain, PUF, « Que sais-je ? », 2018 ; Dumézil B. et Micol H., Les Temps barbares, de la chute de Rome à Pépin le Bref, La Revue Dessinée/La Découverte, 2018. C’est également le sujet de cet atlas paru dans la collection Atlas/Mémoires des Éditions Autrement qui n’est plus à présenter pour la qualité de ses synthèses et de ses cartes. L’auteur, Hervé Inglebert, professeur d’histoire romaine à Paris-Nanterre et ancien membre senior de l’Institut universitaire de France, est accompagné pour ce travail de Claire Levasseur, cartographe indépendante qui a travaillé à plusieurs ouvrages des Éditions Autrement. Ce livre est sorti en librairie en octobre 2018. Il s’agit toutefois d’une deuxième édition, la première datant de 2009. La bibliographie a été réactualisée, prenant en compte les ouvrages parus dans les années 2010.
Le livre est divisé en six chapitres thématiques qui respectent approximativement une progression chronologique. Le point fort de l’ouvrage réside bien évidemment dans la grande richesse de cartes qui viennent appuyer les textes courts, simples et précis de l’auteur sur les différentes thématiques de l’ouvrage. Les cartes ne sont pas les seuls documents présents dans cet atlas qui propose au lecteur des infographies, plans de villes et de bâtiments, généalogies, frises chronologiques et citations de contemporains. L’ouvrage ouvre sur un rappel historiographique, ce qui permet à l’auteur de rappeler les débats encore en cours concernant différents paradigmes de « déclin et chute » de l’Empire romain et d’Antiquité tardive, d’invasions barbares ou de migrations germaniques. Une deuxième difficulté est soulevée, celle de la représentation des phénomènes étudiés, et ce depuis l’Antiquité. H. Inglebert explique que c’est précisément au XIXe siècle, au moment où les cartes sont devenues plus précises qu’elles ont été utilisées pour décrire le phénomène des « grandes invasions ». Pour l’auteur, ce qui importe n’est pas de savoir d’où viennent les populations qui entrent dans l’Empire romain, mais ce qu’elles sont devenues avant de se fixer en royaumes.
Le premier chapitre permet de comprendre la situation au IIIe siècle. L’Empire romain, qui avait effectué des conquêtes sur des peuples « barbares », atteint son extension maximale au cours du siècle précédent. Le territoire impérial est alors protégé par un limes, une zone frontière avec des camps légionnaires. Cette conjugaison des conquêtes et du limes a permis à l’Empire romain de connaître une période où la paix intérieure, la croissance de la démographie et de la richesse ont favorisé la romanisation des populations. Pendant le règne de Marc Aurèle (161-180), le limes est franchi à plusieurs reprises sur le Danube. Toutefois, c’est au IIIe siècle que l’Empire romain connaît ses premières grandes crises. Elle sont liées à la transformation du monde germanique le long du Danube, notamment liées à l’arrivée de nouveaux groupes comme les Vandales et Goths. Entre 249 et 274, l’Empire romain subit des attaques sur le Rhin par différents peuples germaniques, sur le Danube par des Goths et en Orient avec l’invasion des Perses sassanides. À la fin du IIIe siècle, Dioclétien réalise les réformes militaires et administratives nécessaires pour lutter contre les usurpations et pour reprendre l’initiative sur les frontières.
Le second chapitre de l’ouvrage met en avant les deux principaux problèmes que connaît l’Empire romain. Tout d’abord les armées romaines sont dans l’obligation de changer de stratégie pour contenir les peuples germaniques sur le Rhin et le Danube, et les Perses sassanides en Orient. Ensuite, l’Empire romain est confronté à la question du christianisme. Après avoir présenté la diffusion de cette religion, l’auteur montre le rôle central de Constantin dans le triomphe du christianisme.
Comme le rappelle l’auteur dans le troisième chapitre, les peuples à l’origine des royaumes, entrent dans l’Empire romain avant tout pour échapper à l’expansion des Huns. Certains, comme les Goths en 376, réclament la protection de l’empire. D’autres espèrent profiter des ressources de l’empire après la signature d’un foedus (traité). Enfin, certains peuples comme les Francs souhaitent obtenir un refuge autonome. Il est donc important de voir dans ces mouvements de population, des migrations et non des campagnes militaires visant à agrandir un royaume ou piller un territoire. Les cartes permettent de traiter successivement les migrations des peuples barbares dans les Balkans et l’Italie de 395 à 411, en Gaule de 407 à 418, dans les Îles britanniques de 407 à 500, en Hispanie de 409 à 473 et enfin en Afrique de 429 à 455.
Le chapitre suivant permet de comprendre le rôle tenu par les Huns dans les mouvements des peuples germaniques en Europe. Vers 375, les Huns font pression sur les peuples barbares, ce qui provoque l’installation de certains d’entre eux dans l’Empire romain. L’auteur distingue trois époques dans les relations hunniques, germaniques et romaines : jusqu’en 440, les Huns sont utilisés par les Romains comme mercenaires pour contenir les peuples germains ou lors des guerres civiles, entre 440 et 452 le temps de la domination d’Attila, enfin après 453, la disparition de la puissance hunnique renforce les peuples germains à l’extérieur de l’empire.
Enfin les deux derniers chapitres prennent la forme d’une synthèse où l’auteur montre que l’idée d’empire ne s’impose plus en Occident. Les Vandales dans un premier temps, puis les Wisigoths, Ostrogoths, Francs et Burgondes, transforment peu à peu le territoire qu’ils contrôlent en royaume. Toutefois, l’empire subsiste à Constantinople, et les différents royaumes cherchent leur légitimité auprès de l’empereur d’Orient. L’auteur présente les transformations socio-économiques au sein des royaumes germaniques dans les premiers temps de l’Antiquité tardive. L’ouvrage se termine au temps de Justinien et la prise de Rome par son général Bélissaire.
Plusieurs annexes enrichissent l’atlas, on y découvre ainsi le nom des principaux rois barbares des IVe – VIe siècles, une chronologie, un glossaire et une bibliographie de quelques 80 ouvrages ce qui permet de poursuivre la réflexion sur le sujet. Le septième art n’est pas en reste avec quelques péplums issus pour la plupart du cinéma hollywodien de 1954 à 2007.