Si les grottes ornées connaissent une fréquentation qui témoigne de l’engouement du public pour les reconstitutions, des fac-similé visitables : Lascaux, Chauvet, Cosquer, l’analyse demeure le domaine de spécialistes. Dans cet ouvrage La première civilisation de l’image, Georges Sauvet, spécialiste de l’art préhistorique ouvre une porte vers la connaissance de l’art paléolithique. Il invite à un cheminement à travers les plus grands sites rupestres.
Comment est née l’archéologie ?
Ce rappel de la naissance de l’étude de la Préhistoire est utile. Il permet de souligner l’apport de Jacques Boucher de Perthes et la reconnaissance, à la fin du XIXe siècle de l’art rupestre.
L’auteur fait un point sur l’archéologie aujourd’hui avec l’émergence de l’« archéologie du genre » avec les fouilles récentes, la question d’un art néandertalien se pose.
L’art pariétal paléolithique et la société
Le niveau de maîtrise du dessin ( Chauvet, Lascaux, Altamira…) suppose une place importante de l’art dans la société. L’auteur appuie sa démonstration sur des écrits plus anciens (Durkheim, Francastel, Vischer ou Huyghe) et quelques anthropologues du XXe siècle. Il propose un tour d’horizon des sites, montrant leur diversité, leur chronologie, les réseaux d’échanges décelables du local à des espaces plus vastes.
« Selon E. Guy , l’art paléolithique serait le produit d’une société inégalitaire. » (p. 39)
La thématique de l’art pariétal
Les représentations animales dominent le corpus, étudié en détail : quels animaux, quelle fréquence ? Les représentations humaines, le plus souvent féminines, parfois composites, comme les femmes-bisons de Pech Merle ne représentent que 3 % du total. Les symboles sexuels sont très présents, notamment le sexe fémininVoir Naissance de la vie – Une lecture de l’art pariétal, Michel Lorblanchet, Éditions du Rouergue, 2020.
La thématique non-figurative n’est pas absente. L’intention est difficile à interpréter.
La forme de l’art pariétal
L’auteur interroge le réalisme, la schématisation des formes et la part de subjectivité des auteurs dont on sait si peu de choses. Il semble que l’on puisse reconnaître d’un site à l’autre des conventions graphiques comme la représentation du bouquetin à l’époque magdalénienne. Les hommes préhistoriques ont cherché à représenter le mouvement, la confrontation entre animaux et même une forme de perspective signifiante (panneau de la vache noire à Lascaux).
Le support pariétal
Ce chapitre traite des parois des grottes. Dans certains cas, le relief naturel de la paroi est utilisé pour renforcer le dessin (Bison à Ekan – Guipúzcoa). Certaines représentations s’inscrivent sur de vastes parois (fond de la grotte Chauvet), quand d’autres occupent des recoins cachés.
Pourquoi ce choix des grottes, parfois profondes, une référence à une pensée religieuse ?
L’expressivité de certaines images semblent donner vie à l’animal comme le cheval de la grotte de Commarque (Dordogne).
La composition
Après l’étude de quelques figures, l’auteur aborde la composition des scènes, expression d’un message cohérent et non une addition de figures. C’est notamment le cas du plafond à Altamira.
Cette approche de l’art paléolithique est récente (Leroi-Gourhan). Toutefois certaines scènes dont difficiles à interpréter quand des superpositions correspondent à une utilisation de la grotte répétée dans le temps.
L’art mobilier
Si les grottes ornées sont connues du grand public, on connaît moins les représentations en volume, « l’art mobilier », des galets, des bois de cerfs gravés…
Comme sur les parois, les représentations animales dominent, même si les hommes et les femmes ne sont pas absents, souvent des représentations sexuelles comme le phallus du Mas d’Azil (Ariège). A ce jour, il semble que ces représentations soient inégalement réparties dans l’espace, parfois très abondantes comme au Parpallo (Espagne).
Le passage du temps ; éléments de chronologie
Il s’agit ici de rappeler les grandes étapes de l’arrivée d’Homo sapiens en Europe
Carte très lisible, p. 144
La réflexion sur la recherche de l’origine de l’art vers 38 000 avant notre ère, chez les Aurignaciens, s’accompagne d’une mise en avant des difficultés à déterminer une chronologie stylistique, due notamment à la question de la datation absolue.
Les grandes théories et le désarroi actuel
Ce chapitre montre dans quels contextes théoriques sont apparues les différentes interprétations ; de l’influence de Marcel Mauss sur Salomon Reinach, au début du XXe siècle à la pensée structuraliste de Leroi-Gouhan. Aujourd’hui, les interprétations naturalistes ou comportementalistes proposent de nouvelles pistes qui s’éloignent, parfois, de la reconnaissance d’une forme d’art.
Globalisation du phénomène pariétal
Les grottes ornées européennes sont replacées dans un contexte mondial.
L’explication mythique semble incontournableCarte de répartition des trois cent quatre-vingt-neuf mythes d’émergence, p. 181.
En guise de conclusion, l’auteur s’interroge sur le futur de la Préhistoire.
De très nombreuses représentations complètent le texte, sans rivaliser avec les albums plus touristiques de tel ou tel site. Une analyse indispensable pour aller plus loin que le seul émerveillement devant les grottes ornées.