Fruit d’une collaboration entre 70 auteurs, pour la plupart géographes et sociologues, ce copieux atlas souhaitait, en guise d’anniversaire, faire écho à l’ouvrage publié en 1980 à l’initiative du CNRS, « L’Ouest bouge-t-il ? » lui-même témoin des évolutions de 30 années de bouleversements sociaux et culturels.
Passionnant mais difficile exercice que de faire le tour de trois décennies de changements et sans doute même au-delà si l’on en croit l’original échange épistolaire fictif (proposé, pp 258-259, par Hervé Davodeau et David Montembault, tous deux maîtres de conférences à l’université d’Angers) entre un géographe contemporain et son homologue du XIXe siècle au sujet des transformations de l’agriculture périurbaine.
Bien sûr, cet exemple n’a pas vocation à résumer l’ensemble du problème mais il constitue, en plus de l’introduction générale et des introductions spécifiques, une bonne façon d’entrer dans l’esprit de cet ouvrage très riche et très complet. Comptant près de 300 pages pour 5 parties de 3 sous-parties chacune, l’opus alterne avec équilibre les analyses générales et les études de cas, les phénomènes étudiés à un instant « T » ou leurs évolutions, les illustrations entre des photographies, des croquis, des graphiques et surtout des cartes qui constituent un régal pour les yeux tant la finesse de leur réalisation rend hommage au désir de précision de leur conception.
On appréciera ce souci de mettre à distance les sources existantes pour qualifier des manifestations spatiales (pp 68-69 en comparant, à l’aide de petits graphiques juxtaposés, les seuils démographiques de l’urbain et du rural pour l’INSEE) ou de trouver des entrées moins convenues pour les définir (en expliquant la classique occupation de l’espace par le taux de présence effectif de la population, pp 78-79 ou la classique composition de l’espace par l’analyse du revenu, pp 38-39).
Certains sujets, nécessitant davantage approfondissement, trouvent à se répondre sur plusieurs pages : pp 122-123 et pp 128-129, les très pédagogiques explications de Valérie Jousseaume, maître de conférences à l’université de Nantes, définissent bien ce qu’est un « village » dans son sens armoricain, ce groupement d’habitations qui constitue une alternative au « lotissement ».
Quel portrait alors de ce Grand Ouest ? Une région beaucoup moins agricole qu’il y a 30 ans (6 % d’emploi agricole aujourd’hui contre 33 % en 1968), un emploi agricole qui se féminise, des campagnes profondes pas si dépeuplées qu’on ne pourrait le croire, une attention portée au cadre de vie, un réseau associatif solide, une grande capacité d’innovation…un mode de vie en somme que la conclusion invite à étudier sous l’angle encore peu développé de la psychologie de l’environnement en zone rurale.
Pour un prix plus qu’honnête eu égard à sa qualité, l’ouvrage se complète d’une solide bibliographie, Bdgraphie et filmographie. Concis et précis, les textes sont tout à fait clairs et parlants pour un grand panel de lecteurs, étudiants, enseignants, grand public…et professionnels, élus ou techniciens, que le témoin privilégié de ce Grand Ouest qu’est Jean Renard, professeur honoraire à l’université de Nantes, interpelle de par leur trop faible réactivité à tenir compte des analyses proposées par les sciences sociales, d’où la valeur ajoutée de ce genre d’atlas qui commence à être reconnue.
S’il est une ou deux petites choses à éventuellement regretter, ce serait peut-être dans l’absence de reproduction de certaines planches BD lorsqu’elles sont évoquées dans l’analyse (pp 46-47) ou de regards vers des échelles européenne et mondiale (l’intéressant portrait, pp 114-115, de la présence des Britanniques dans les campagnes aurait pu trouver relais avec d’autres entrées sur le tourisme, le commerce…). Mais il est vrai que des ouvrages de ce type, qui plus est très collectifs comme ici, nécessitent de faire des choix et l’on ne se plaindra pas, au contraire, de voir d’autres entrées originales comme l’aménagement des ronds-points, la cartographie des bistrots, les expérimentations en matière de voisinage voire même les kitchissimes cartes postales érotiques !
En comparaison des atlas de géopolitique (ceux du « Dessous des cartes » ou ceux à l’initiative de Pascal Boniface) et de très nombreux titres de chez Autrement, ce volume apparaît sans équivalent similaire dans ce créneau éditorial. L’occasion de souligner le dynamisme de nos chercheurs de l’Ouest français et le relais des toujours satisfaisantes Presses Universitaires de Rennes en espérant que cet atlas fasse des émules dans d’autres régions.