L’année 2006 a été marquée par la mise en place d’une journée commémorative de l’esclavage et de la traite (le 10 mai). Les éditions Autrement, au fait de l’actualité de ce sujet polémique, publient un atlas des esclavages. Cette publication est soutenue par l’UNESCO, dans le cadre du projet : La route de l’esclave. L’esclavage est la négation de l’être humain pour le réduire à l’état de force de travail brut. C’est un phénomène universel qui n’est attaché à aucune partie du monde et à aucune civilisation en particulier. A travers une mise en cartes et des représentations graphiques commentées, cet atlas s’attache à retracer l’histoire des pratiques esclavagistes de l’Antiquité à nos jours.

Les auteurs de cet opus sont deux historiens de l’époque Moderne. Marcel DORIGNY est maître de conférence à Paris VIII et spécialiste de Saint Domingue et de l’histoire de l’esclavage. Les recherches du maître de conférence (Paris I – Panthéon Sorbonne) Bernard GAINOT portent sur la Révolution Française et les guerres coloniales de 1750 à 1815.

L’ouvrage s’organise selon cinq grands thèmes :

Les esclavages avant les Grandes Découvertes

Les premiers témoignages écrits de l’esclavage concernent la Mésopotamie (2600 avant JC).
On constate l’existence de l’esclavage dans toutes les sociétés qu’elles soient ou non structurées en Etats. Les motifs de son existence sont le plus souvent la guerre, la dépendance économique et les différences de développement technologique. Ce statut concerne l’Autre, celui qui appartient à un autre peuple, une autre religion. L’esclavage est un phénomène très répandu dans l’Antiquité, au Moyen Age. Il est présent à la fois dans la grande ville comme dans la petite bourgade. Les fonctions de l’esclave sont multiples : manœuvre de chantier, page d’une cour princière, journalier agricole, ouvrier d’atelier, mineur de fond, domestique…

• Les traites légales XVI° – XIX°

Au début du XV° siècle, les marchés d’esclaves d’Asie centrale se sont fermés aux marchands européens en raison de l’avancée turque, alors que les besoins de main d’œuvre servile en Europe méditerranéenne croissaient. Portugais, Génois, Espagnols développent alors un commerce de traite en Afrique.
La colonisation du Nouveau Monde, par les européens, marque une rupture. C’est l’une des plus massives entreprises de déplacements forcés d’êtres humains (12 millions). Le graphique Le rythme de la traite (page 20) permet de voir l’impact des guerres sur le commerce négrier (fort fléchissement lors des guerres d’Amérique et durant la Révolution française). La traite atlantique prend son essor dans les années 1680. L’interdiction de la traite, après 1815, n’amène pas son arrêt. 1829 est l’année de record absolu : 100 000 captifs transportés.
Le débat qui subsiste encore aujourd’hui est de savoir si l’économie de la traite négrière et de plantation a généré les capitaux nécessaires au financement du décollage industriel de l’Europe occidentale. Les recherches récentes ont montré que les bénéfices étaient modestes : de 5 à 10% en moyenne. Mais, ces moyennes cachent de fortes disparités entre expéditions (certaines pouvaient rapporter jusqu’à 150% alors que d’autres se soldaient pas un échec financier total). Les Etats négriers africains, par leur fonction d’intermédiaire obligé, ont fortement profité de ce commerce. Entre 1650 et 1750, le prix des esclaves fait plus que doubler.

Les sociétés esclavagistes : XVIII° – XIX°

Le système esclavagiste est la base de fonctionnement des plantations. Les planteurs se sont longtemps refusé à mettre en place une politique nataliste. L’achat d’esclaves est considéré comme moins coûteux que la formation d’un enfant, à l’espérance de vie aléatoire.
Les révoltes d’esclaves se sont multipliées au XIX°, parallèlement à la diffusion des idées et des mesures abolitionnistes. Le marronnage menace la société coloniale. Il est redouté par les planteurs. A côté de ces évènements ayant laissé des traces historiques, la résistance passive n’est pas à négliger : avortement, suicides, sabotage, rupture du rythme de travail, empoisonnement du maître…

Les abolitions : fin XVIII° – fin XIX°

La contestation de l’esclavage apparaît avec l’essor de l’esclavage colonial dans le Nouveau Monde, au XVI° siècle (Bartholomé De Las Casas) puis au XVIII° siècle avec les Lumières. A la fin du XVIII° siècle, le mouvement abolitionniste prend son essor et se structure. Si la Révolution Française des Droits de l’Homme proclame l’universalité de ces droits, l’Assemblée Constituante ne porte pas atteinte au système colonial esclavagiste. C’est la Révolution des esclaves de Saint Domingue qui permet l’abolition de l’esclavage en 1794 en France métropolitaine. Toutefois, cette revendication apparaît dans de nombreux cahiers de doléances (voir la carte page 51). Cette abolition est de courte durée, exception faite de Saint Domingue, puisque, à partir de 1802, le Consulat rétablit l’ancien régime colonial.
Le mouvement abolitionniste du XIX° se démarque du précédent par le refus du recours à la violence et à l’indépendance des colonies. Trois vagues d’abolition rythment chronologiquement le XX° siècle : en Amérique du Sud, dans les colonies des Etats européens puis à la fin du XIX° aux Etats – Unis à l’issue de la Guerre de Sécession en 1865.
Toutefois, avec les « engagés libres », une nouvelle servitude remplace l’esclavage. Nombreux furent les africains, indiens, chinois ou européens qui tombèrent dans l’engrenage de l’engagement et se retrouvèrent privés de liberté à défaut de pouvoir rembourser leurs dettes ou faute de pouvoir être rapatriés à l’issue de leur contrat de 5 ans.

L’esclavage aujourd’hui

Ce thème est le parent pauvre de l’ouvrage. Seules trois pages y sont consacrées. La carte Les esclavages contemporains (page 71) fait état des pays où l’esclavage perdure. Même si la grande plantation esclavagiste n’est plus le moteur de la mondialisation marchande, le statut servile persiste. Plusieurs formes co-existent aujourd’hui : la servitude pour dettes, la vente d’enfants, l’exploitation de la main d’œuvre dans des conditions de servitude extrême (mines, usines de sous-traitance, plantation), servitude domestique clandestine.

A l’issue de la lecture de cet atlas, force est de reconnaître qu’il s’agit surtout d’un atlas sur l’esclavage à l’époque moderne. Ce constat est révélateur de la spécialisation des auteurs. Il n’en demeure pas moins que ce petit atlas est un bon instrument de travail. Les professeurs du secondaire sauront y trouver de nombreux documents pour construire leurs cours (cartes, graphiques, textes de référence reproduits en fin d’ouvrage), même si la qualité graphique de certains documents (réalisés dans des nuances de gris ou de rose) nuit à leur lecture. De nombreux chapitres des programmes du secondaire se prêtent à l’exploitation de ces documents : en classe de 5°, L’Europe à la découverte du monde ; classe de 4°, Présentation de l’Europe moderne ; classe de seconde, La Méditerranée au XII° siècle, La Révolution Française et les expériences politiques jusqu’en 1851. Le thème peut être, par ailleurs, traité dans le cadre des cours d’éducation civique : en 6° : les droits de l’enfant ; en 5° : l’égalité.

Lire aussi : http://clioweb.free.fr:80/dossiers/colonisation/esclavages.htm

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