Jonathan Silvertown est Professeur d’Écologie évolutive à l’Université d’Édimbourg.

Le propos de cet ouvrage est large historique, scientifique et non dénué d’humour. Il est question de suivre l’évolution des aliments en 14 chapitres, comme un hommage à Darwin, aux théoriciens de l’évolution, aux archéologues aussi et à la génomique.

Dès le premier chapitre l’auteur donne un aperçu de son projet à partir des trois ingrédients de la pâte à crêpes : œuf, blé, lait. Une introduction qui donne envie de poursuivre la lecture au fil des pages ou en fonction de ses centres d’intérêt, au menu ou à la carte en somme. C’est une étude de l’évolution des denrées et des interactions avec l’évolution de l’espèce humaine.

L’animal qui cuisine

Ce chapitre est consacré aux premiers hominidés et aux régimes alimentaires que la science parvient à retrouver, une évolution d’un régime végétarien à un régime omnivore. L’auteur s’interroge sur l’apparition de la cuisson comme mode de préparation des aliments qu’il date d’environ 1,5 million d’années, ce qui a entraîné une évolution déterminante d’homo erectus. Une enquête scientifique aussi rigoureuse qu’agréablement rapportée.

Crustacés – Pêche à pied

A partir des plus anciens amas de coquillages (-165 000 ans) l’auteur montre le rôle des crustacés dans la grande migration d’homo sapiens.

Pain – Domestication

Les céréales demandent plus que d’autres denrées une longue préparation pour entrer dans l’alimentation humaine. L’auteur évoque les nombreuses fouilles archéologiques (Egypte, Proche-Orient) qui renseignent sur les débuts de l’agriculture et de la fabrication du pain qui est, dès l’époque antique, la base de l’alimentation : toute une histoire de l’amidonier au blé est ses évolutions génétiques. L’auteur montre le rôle du Russe Vavilov dans la collecte et la connaissances des variétés de céréales dans le monde.

Soupe – Goût

La soupe est une nourriture présente dans le monde entier, c’est l’occasion d’aborder les divers goûts dans la cuisine japonaise et notamment l’umami, lié à l’utilisation des algues, puis l’incontournable sel. C’est ensuite une étude de l’amertume, de l’acidité et le rôle des gènes dans nos perceptions des goûts.

Poisson – Odeur

L’auteur choisit pour ce sixième chapitre de traiter du poisson en commençant par une étude des odeurs et le monde de l’odorat, aspects génétiques des compétences humaines et animales. Il aborde un mets antique : le garum.

Viande – Carnivores

Incontestablement, depuis toujours, l’homme consomme de la viande même si cette consommation évolue : crue ou cuite, issue de la chasse ou de l’élevage comme le montre les peintures rupestres et les traces archéologiques tant de la consommation de viande que de la domestication animale notamment des volailles (carte de la domestication du coq et de sa diffusion, p. 128) et de l’auroch.

Légumes – Variété

Culture, sélection à partir des plantes sauvages, les légumes que nous mangeons sont le fruit d’une longue évolution et adaptation à des environnements divers, ce qui explique une très grande variété pour un même légume même si cette variété régresse par exemple pour la tomate. L’auteur aborde aussi les origines andines et la dispersion de la pomme de terre mais aussi les modalités de la sécurité alimentaire dans l’empire inca. Il insiste sur l’inventivité des hommes pour détoxifier certains végétaux : pomme de terre amère, manioc. Cette toxicité est souvent liée à la défense contre les agressions externes (insectes, maladies).

Herbes et épices – Piquant

Jonathan Silverstown rappelle la quête des épices dans la découverte du monde aux XVe et XVIe siècles et leur rôle sanitaire, les épices ont des propriétés microbiennes connues depuis très longtemps tout comme l’ail ou l’oignon. Sont analysées les adaptations des végétaux aux températures et les conséquences quant à leur composition biochimique : thym, menthe, piments.

Desserts – Péché mignon

On découvre les raisons du goût des humains pour les deux composants essentiels des desserts : le sucre et les graisses. Les différentes formes du sucre sont présentées avec une étude spécifique sur le miel, sur leur rôle dans l’obésité et les débats sur les facteurs génétiques de ce dérèglement.

Fromages – laitages

Nourriture du bébé, le lait est souvent mal toléré par les adultes qui ont inventé le fromage il y a plus de 7 000 ans pour le consommer. Une occasion pour présenter les bactéries utiles du yogourt ou des fromages.

Vin et bière – Intoxication

Si les grands singes peuvent être alcoolisés c’est avec la fermentation des fruits dont ils sont friands. Le chapitre aborde cette question des levures, de la transformation des jus de fruit en alcool, de la transformation des sucres en éthanol. C’est la fermentation naturelle qui a été exploitée par l’homme dans la vinification, l’auteur montre pourquoi l’homme est génétiquement assez tolérant à l’alcool. Vitis vinifera a sans doute été domestiquée dans les montagnes de Zagros il y a plus de 7 000 ans ou dans le Caucase, une longue histoire où la pratique du greffage, depuis longtemps maîtrisée, a permis de surmonter la crise du phylloxera. Le chapitre se termine sur une rapide évocation des bières.

Festoyer – Société

Ce chapitre est consacré aux moments de partage de la nourriture à partir de quelques exemples. L’auteur s’interroge, après les évolutionnistes, sur ce qui permet ce partage de la nourriture au sein du groupe familial ou en dehors. Il faut peut-être le mettre en relation avec la longue histoire des hommes depuis les chasses communautaires de nos lointains ancêtres.

Nourriture du futur

Ce chapitre prospectif reprend des éléments de l’histoire du XXe siècle : croissance de la population, Révolution verte et OGM, la solution selon l’auteur.

 

Une lecture passionnante, un ouvrage très documenté tant en paléontologie, en histoire qu’en sciences : botanique, chimie, génomique.