Je ne connais pas Angoulême, mais ce beau livre est une invitation à découvrir la ville et ses environs.

Le texte clair, tout en étant bien documenté, est servi par des illustrations de grande qualité. Des cartes très lisibles illustrent chaque chapitre. Une frise chronologique, en haut de page, permet au lecteur de se situer dans le temps, on voit les qualités pédagogiques de l’auteur, Stéphane Calvet, professeur d’histoire et géographie au lycée Guez de Balzac d’Angoulême.

Des premiers Angoumoisins à l’héritage antique

Une succession ininterrompue d’occupations a effacé bien des traces préhistoriques, demeurent les fresques rupestres (Roc de Sers, Mouthiers sur Boëme). Les travaux urbains, tels ceux de la médiathèque ont offert de belles découvertes paléolithique et mésolithique. Chaque trace de la vie des hommes à Angoulême est resituée dans un contexte plus large.

Le casque d’Agris, actuellement au musée de la ville, témoigne de l’époque gauloise avant que la paix romaine ne s’installe. (Plan de la ville IIIe et IVe siècles – p. 21)

Moyen Age

Après le passage des Vandales en 406, ce sont les Wisigoths qui s’installent jusqu’à leur défaite face à Clovis, décrite par Grégoire de Tours, dans son Histoire des rois Francs. L’auteur, précis dans ses informations, est toujours soucieux de rester au plus près des connaissances les plus récentes.

Le Haut Moyen Age est marqué par la christianisation des campagnes, les désordres des temps mérovingiens et carolingiens.

Les Xe-XIIIe siècles sont, pour la ville, une période de renouveau après les derniers raids vikings. Au centre du duché d’Aquitaine, le comté d’Angoulême est au contact des ambitions des Capétiens et des Plantagenêts. Outre l’évocation des pouvoirs comtaux et de la montée en puissance des petits seigneurs locauxCarte de la construction des mottes et châteaux p. 48.

Stéphane Calvet présente l’art roman angoumoisin et notamment la cathédrale Saint-Pierre ainsi que la vie économique d’une ville au centre d’un terroir agricole. Il consacre un paragraphe à un épisode sombre pour la communauté juive, la ville est placée sur l’itinéraire des Pastouraux (1320).

La ville est tassée derrière ses murs d’enceinte, autour du château et des églises.

Les malheurs de la guerre de Cent Ans, aux frontières des possessions anglaises et françaises, atteinte aussi par la peste noire, Angoulême connaît des temps difficiles. En 1361, la ville devient anglaise, tout en obtenant le respect de ses chartes et privilèges. Le Prince noirÉdouard de Woodstock, prince de Galles séjourne, plusieurs fois, dans la ville qu’il préfère à Bordeaux. Elle est reconquise par les Capétiens en 1372 et obtient de Charles V une charte de franchise.

Angoulême à l’époque moderne

L’essor économique est en demi-teinte sous l’impulsion de Jean d’Orléans, dans cet espace de contact entre langue d’oïl et langue d’ocCarte p. 95 qui participe de la renaissance intellectuelle des XVe et XVIe siècles. L’auteur dresse un portrait de Marguerite d’Angoulême et d’André Thevet, natif d’Angoulême, cet aventurier et géographe, voyageur infatigable en Europe, embarque pour le Brésil en 1552 et semble être le premier à avoir rapporté du tabac en Europe.

Les guerres de religion marquent fortement l’histoire de la ville. On peut y voir la maison « dite de Calvin ». Elle est assiégée deux fois par les Protestants, c’est dans cette ville affaiblie que naît l’assassin d’Henri IV.

L’auteur consacre un long paragraphe à la peste qui revient à plusieurs reprises entre 1349 et 1651.

Le XVIIe siècle est celui de l’affirmation du pouvoir central : accueil de troupes royales pendant le siège de La Rochelle, pression fiscale croissante. Dans la ville qui a choisi le parti du roi pendant la Fronde, la Contre-réforme s’inscrit dans la construction de nombreux couvents, qui abritent aujourd’hui divers services : cité administrative, collège-lycée Saint-Paul.

A cette époque les édiles municipaux voient leurs pouvoirs décliner face à celui de l’intendant de la généralité de Limoges. Restent du domaine des maires et échevins la gestion des épidémies et des déchets, l’approvisionnement en eau d’une ville d’environ 3 000 habitants au début du XVIIIe siècle. Les projets de Turgot, place la ville sur la grande route d’Espagne, le port est actif. L’activité papetière est dynamique et une fonderie est implantée par le marquis de Montalenbert.

L’auteur rappelle que, même si c’est plus modestement que les ports atlantiques, la ville a profité de la traite négrière, un passé souvent oublié par les historiens locaux.

Révolution, Empire

Durant cette période troublée, les Angoumoisins ont une attitude attentiste que Stéphane Calvet replace dans le cours plus large des événements. Il met l’accent sur les Cahiers de doléances, la création du département de la Charente et fait le portrait de quelques acteurs locaux. La guerre de Vendée entraîne quelques contrecoups avec l’instauration d’un comité de surveillance. Cette période trouble est présentée en détail et illustrée par des photographies des graffiti du donjon/prison du château.

L’auteur décrit Angoulême, petite ville de l’Empire, et son personnel politique. Elle est peu touchée par les guerres napoléoniennes, quelques logements de soldats en route vers l’Espagne, en 1808. Elle reçoit aussi des blessés et des prisonniers espagnols.

L’auteur dresse un portrait économique et social de la ville. Il s’intéresse aux Angoumoisins dans la Grande Armée et plus particulièrement au colonel Jean-Baptiste Limouzain.

Époque contemporaine

Les différents chapitres s’étoffent plus on se rapproche du temps présent. On suit le développement de la ville, la vie des sociétés littéraires et les inimitiés politiques après l’Empire et le ralliement à la monarchie. L’émeute d’août 1832 met en évidence la place des guerres de Vendée dans la mémoire collective. L’évolution architecturale est illustrée par un long texte de Michelet qui y séjourna en 1835.

Dans cette ville plutôt conservatrice, la vie politique est rythmée par la politique nationale. Louis-Napoléon qui a été plébiscité par 89 % des électeurs, inaugure la chemin de fer le 10 octobre 1852. Sous le Second Empire, la ville se dote de nouveaux bâtiments. Les activités autour du papier se développent, la caserne soutient la vie commerciale et la culture n’est pas en reste.

Le chapitre sur les deux conflits mondiaux met l’accent sur l’industrie d’armement en 1914-1918 avec une main-d’œuvre féminine et coloniale (jusqu’à 3 000 hommes en 1918), l’accueil des blessés illustré de nombreux clichés photographiques.

L’entre-deux-guerres est marqué par une reprise des activités industrielles. C’est une période de modernisation (éclairage public, égouts). En avril 1939, Marcel Déat est élu député de Charente.

Les Allemands entrent dans la ville le 24 juin 1940, sont décrits le régime d’occupation, le sort des Juifs, l’existence de deux camps d’internement : le camp des Alliers pour les Tziganes et celui de Basseau pour les troupes coloniales, la politique de collaboration des autorités municipales et un timide réseau de résistance qui se renforce après la mise en place du STO.

Angoulême connaît deux bombardements, 15 juin et 14 août 1944, qui touchent la gare et des quartiers d’habitation. Les combats du 30 août visent à la libération de la ville.

Croissance, crises et mondialisation

Que retenir de cette seconde moitié du XXe siècle ?

La reconstruction et les trente glorieuses ont conforté la dimension industrielle dans le domaine de la métallurgie et de la mécanique alors que la papeterie connaît des difficultés.
L’exode rural soutient le développement démographique de l’agglomération. La ville demeure une ville moyenne dans l’ombre de Poitiers, mais elle a su trouver sa place en créant en 1974 le Festival de la BD qui a permis l’émergence d’un pôle d’innovation autour de la BD et du cinéma d’animation. La vie culturelle s’appuie aussi sur le Festival des musiques métisses, les gastronomades, le Festival du film francophone.

Au plan politique, l’auteur évoque les rivalités entre droite libérale, centrisme et socialistes.

 

Pour la conclusion, je garderai la dernière phrase : « Et il faudra sans doute plus qu’un festival de la bande dessinée pour répondre aux défis qui l’attendent au XXIe siècle » (p. 278).

Un livre qui se lit avec plaisir et donne envie de venir découvrir la ville.