Un Atlas de l’hyperpuissance américaine en mutations, tout en nuances, pour actualiser ses connaissances sur tous les domaines (économie, société, géopolitique, etc.)
L’Atlas de l’empire américain de Gérard Dorel fournissait une bonne base aux collègues désireux de préparer un cours sur les États-Unis. Il date cependant de 2006, et utilise donc des chiffres datant du début des années 2000. Le monde a beaucoup changé depuis et c’est à l’aune de ces mutations, la crise de 2008-2009 n’étant pas la moindre, qu’une réactualisation semblait nécessaire.

C’est désormais chose faite, sous la plume de Christian Montès (spécialiste des villes, grandes mais aussi petites, aux États-Unis, Professeur des Universités à Lyon II) et Pascale Nédélec (agrégée de géographie et auteur d’une thèse sur Las Vegas, enseignante-chercheuse à l’ENS), toujours aux éditions Autrement, dont la qualité est désormais solidement éprouvée dans le paysage universitaire et scolaire français. Cet Atlas ne dépare pas, tant s’en faut, avec une multitude d’images (cartes, graphiques, tableaux, schémas, etc.) de qualité (que l’on doit au travail du cartographe Cyrille Suss) et une relecture qui a dû être minutieuse, chose devenue si rare de nos jours.

Fondé principalement sur les sources officielles du gouvernement des États-Unis, cet atlas s’appuie aussi sur des articles scientifiques (par exemple, outre ceux des auteurs, J. Hernandez pour l’analyse du passage dévastateur de Katrina à la Nouvelle-Orléans en 2005). Il réussit avec succès le défi d’un panorama global très complet, même si les auteurs ont dû faire des choix, tout en maintenant une distance critique et une neutralité à l’égard d’un pays qui déchaîne les passions, comme l’ouvrage le rappelle d’ailleurs. Pas d’anti-américanisme ni d’admiration béate mais une analyse fine visant à déconstruire les clichés, quand ils sont infondés.

Le fil conducteur de l’ouvrage est bien celui, classique, annoncé par le sous-titre du livre, à savoir l’idée du « colosse aux pieds d’argile » donc celui d’une hyperpuissance et de ses limites. Cette approche est à replacer dans le contexte contemporain de la crise mondiale de 2008, partie des États et qui les a très fortement touchés, avec une résilience assez forte mais très sélective (la chute du nombre de saisies immobilières, indéniable à l’échelle du pays, est en réalité variable en descendant à une échelle régionale). Christian Montès et Pascale Nédélec montrent une société dynamique et contrastée (avec des clivages politiques et idéologiques, une immigration toujours très forte mais avec une intégration qui n’est et ne fut jamais parfaite derrière les mythes), les polarisations croissantes de l’économie (métropolisation, nouvelles technologies mais aussi révolution des hydrocarbures non conventionnels), les tendances géopolitiques du pays (redéploiement vers le Pacifique où l’endiguement de la Chine devient un nouvel avatar du containment qui prévalait à l’égard de l’URSS durant la Guerre Froide). LAmerican way of life et le soft power culturel qui en découlent ne sont pas en reste ; à cet égard la présence en annexes d’une double page présentant une chronologie des grands films et principaux livres créés aux États-Unis, avec un bref commentaire, est précieuse et permettra le cas échéant de se mettre rapidement à jour, tout en suggérant des documents originaux pour travailler en classe.

L’Atlas des États-Unis fournit de belles ressources pour traiter en 4ème de leur intégration dans une mondialisation qu’ils ont largement contribué à façonner à leur image, avec ses défauts. L’ouvrage est encore plus utile pour traiter du chapitre de Terminales visant à comparer les États-Unis et le Brésil. La première partie permet de voir les logiques de peuplement et d’extension progressive depuis la côte nord-est ; les parties 2 et 3 fourniront des ressources pour comprendre les logiques d’organisation et de mises en valeur du territoire, avec leurs contrastes à différentes échelles, comme le recommande la fiche Eduscol ; la toute dernière double page questionne le mythe de l’Alaska comme dernière « Frontière » (au sens américain de front pionnier, d’espace à mettre en valeur) du pays, facilitant la comparaison avec l’Amazonie brésilienne sur laquelle il est sensiblement moins difficile de trouver des ressources.

L’intérêt de cet Atlas s’étend bien au-delà de l’utilité pédagogique et d’une remise à niveau globale dans le contexte d’un monde qui change. Une partie de la plus-value de l’ouvrage réside en effet dans son appréhension d’éléments moins connus comme la « diaspora américaine » (renversement de perspectives par rapport à l’approche habituelle, celle des diasporas d’autres pays sur le sol des États-Unis), la question de l’espace public, le poids de l’État fédéral dans la propriété foncière au pays du libéralisme, ou le semis de petites villes. Se cultiver sur l’envers du décor comme les grandes mutations est un plaisir avec ce livre, les petites touches d’humour régulières facilitant sa lecture sans nuire à la solidité et à l’intérêt du fond.