La lecture de ce nouvel opus de la collection Atlas Autrement, paru à l’occasion de la rentrée scolaire, vient à point nommé en cette fin octobre, marquée par des manifestations et autres blocages lycéens. Ce mouvement, interprété comme le reflet de l’inquiétude de la jeunesse vis-à-vis de son avenir, met sur le devant de la scène les questions de scolarisation et d’éducation. Avec la remise en cause de la carte scolaire, la suppression de postes d’enseignants à chaque rentrée, l’idée d’une égalité des chances fait long feu. C’est pourquoi la publication d’une géographie de l’école est la bienvenue pour prendre la mesure des changements qui sont en cours. Ces travaux montrent notamment que c’est bien l’hétérogénéité qui l’emporte dans les offres de formation sur le territoire. L’école est désormais à la fois une source et l’expression des inégalités sociales et géographiques. La « promotion républicaine » semble quelque chose de plus en plus abstrait même si des opérations phares (accueil de boursiers à Sciences Po) font oublier qu’on s’en éloigne de plus en plus.
Les auteurs (professeurs de géographie à l’Université de Caen – Basse Normandie et chercheurs dans l’équipe CNRS ESO – Caen) se demandent si l’école ne contribue pas à la reproduction des inégalités sociales et géographiques. Ils analysent l’offre et les besoins de l’enseignement de la maternelle aux études supérieures, abordent la question de l’échec scolaire comme de la réussite aux examens, décryptent les stratégies mises en œuvre par certaines familles pour accéder aux meilleures écoles, sans oublier d’analyser la place des élèves handicapés dans ce système. Il apparaît, à l’issue de cette étude, que tout enfant n’a pas les mêmes chances selon qu’il habite à la campagne ou dans une zone urbaine sensible. La fréquentation d’une école de centre-ville comme le fait d’avoir des parents aguerris aux usages du système scolaire joue pour beaucoup dans le degré de réussite. Le phénomène est éminemment géographique. Ainsi, l’offre scolaire doit s’adapter aux flux de population. Conséquence de la mobilité des ménages avec jeunes enfants, le périurbain et les communes rurales doivent désormais gérer des apports de population juvénile, en ouvrant des classes ou des collèges alors que, dans le même temps, les centres-villes à la population vieillissante voient leurs établissements sous exploités.
L’ouvrage comporte une multitude de documents statistiques et cartographiques à différentes échelles qui permettent de rendre compte de la complexité du phénomène. On regrettera, toutefois, que certaines légendes obscures aient échappé à la relecture active des auteurs et rendent l’interprétation des documents énigmatique (Par exemple, page 9 : La France des moins de 20 ans ; page 21 : l’âge des enseignants à Paris ; page 40 : résultats au bac attendus et corrigés dont la gamme de couleurs employée rend les éléments ponctuels bien peu lisibles). Au-delà de ces remarques formelles, qui ne sont en rien représentatives de la qualité générale des documents du volume, la lecture de cet ouvrage apporte beaucoup et permet de prendre la mesure de l’impact territorial des réformes engagées depuis quelques temps tant au collège et au lycée. L’école apparait comme le reflet de la société. Lieu d’inégalités sociales et géographiques mais aussi reflet des déséquilibres hommes – femmes. Les graphiques de la page 20 (statut des enseignants) permettent de constater que la population active enseignante, majoritairement féminine, subit, elle aussi, les distorsions à la parité constatée dans d’autres métiers : beaucoup moins d’agrégés chez les femmes que chez leurs collègues hommes, une précarité renforcée dans le cas des institutrices suppléantes de l’enseignement privé… Et encore, les auteurs n’ont pas pu disposer du nombre de vacataires embauchés « à la petite semaine » par l’Education nationale pour assurer des remplacements !
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