Géographe et ancien diplomate, Michel Foucher est titulaire de la chaire de géopolitique appliquée au Collège d’études mondiales (FMSH, Paris). Spécialiste de la question des frontières, il signe ici son dernier ouvrage offrant son analyse à la crise provoquée actuellement par la rapide diffusion du virus SARS-CoV2. Au-delà de cette situation pandémique, Michel Foucher nous propose d’interpréter le retour des frontières constaté depuis quelques années. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, nous dit Foucher, cette réaffirmation des frontières, quand elles ne sont pas réduites à des murs mais envisagées en tant que limites, est une bonne nouvelle.

            Une frontière délimite le périmètre de l’exercice de la souveraineté d’un État, selon un tracé agréé ou imposé à l’issue de traités. La paix et l’interdépendance, les échanges et la circulation modernes en font une interface active. Ce marqueur symbolique car historique est nécessaire à un ensemble social en quête d’un dedans pour interagir avec un dehors. Cette distinction anthropologique, affirme Foucher, est le fondement de toute conscience politique collective, sans préjudice du rapport à l’autre. La rhétorique murale trumpienne est insignifiante : 138 millions de passagers dans 55 millions de voitures, 3,7 millions de camions chargés de 380 000 conteneurs ont franchi la frontière mexicaine depuis 2019. La crise sanitaire que nous traversons en ce moment révèle chaque jour l’ampleur des interdépendances entre États.

            Qu’elles soient terrestres ou maritimes (cas de la mer de Chine), partout les frontières s’imposent que ce soit pour des motifs sanitaires, politiques ou économiques. Elles définissent une aire d’influence où s’exerce le pouvoir d’un État. Ce sont des limites qui ne peuvent aller à l’encontre de l’individu et de sa liberté de circuler. « Les humaines ont besoin de lois pour n’avoir pas besoin de murs » (p.17).

            Dans la dernière partie de l’ouvrage, Michel Foucher fournit quelques solutions pour endiguer les flux de population à l’échelle de la planète et plus particulièrement à l’échelle de l’Europe. Il propose de fixer des limites extérieures et de gérer les méta-frontières orientale et méridionale. Les différences économiques nourrissent, en migrant, l’espoir d’améliorer son sort et d’assurer une « sécurité sociale » pour sa famille. Des actions de formation sur place, financées par les pays européens pour permettre des séjours brefs de formateurs, sont une option. Michel Foucher propose de travailler avec les structures locales, d’organiser une « mobilité contractuelle » avec des étudiants, des apprentis, des acteurs sociaux et animateurs d’association, des journalistes en leur offrant une formation avec l’engagement des bénéficiaires de revenir servir leur pays.