Chiffrant le nombre d’individus en mouvement à 1 milliard sur les 7 que compte la planète, cet atlas rédigé par Dina Ionesco et Daria Mokhnacheva, membres de l’Organisation internationale pour les migrations ainsi que par François Gemenne, politiste aux universités de Liège, Versailles Saint Quentin en Yvelines et Sciences Po Paris s’affiche comme le premier du genre consacré à la question des migrations environnementales.

Le phénomène est justement plus complexe à chiffrer en détail dès lors que l’on cherche à cerner les individus qui migrent pour des raisons environnementales (une première frise chronologique, p 24, montre que l’on estimait à 10 millions les « réfugiés environnementaux » en 1988 et que l’on pourrait osciller entre 150 et 300 millions d’individus d’ici 2050). Les raisons de cette difficulté à circonscrire les chiffres sont multiples et c’est une des grandes forces de l’ouvrage que de tenter de les exposer.

Tout d’abord, ce qu’on entend par migration environnementale est à clarifier : certaines personnes se déplacent suite à des catastrophes naturelles, d’autres pour des raisons de confort (snowbirds et sunbirds nord-américains par exemple), d’autres encore parce que le changement climatique commence effectivement à affecter leur quotidien.

Il est ensuite difficile d’isoler le facteur environnemental d’autres causes comme les éléments politiques ou économiques : d’intéressants graphiques, pp 74-75, montrent l’aspect multicausal de la migration et l’interdépendance des facteurs qui vont générer le déplacement.

Enfin, la caractérisation fine du déplacement est à étudier puisqu’il peut être question d’une migration temporaire ou permanente, d’un parcours à étapes, d’une mobilité saisonnière de type transhumance…

L’atlas apporte de la nuance dans un discours en plein ébullition dans la sphère médiatique : l’histoire montre déjà que le phénomène n’est pas neuf (pp 14-15), que les points de vue des uns et des autres s’affrontent ou se réconcilient entre les alarmistes et les sceptiques (p 16-17), que des couloirs de migration préexistent (p 18-19) et que la dimension environnementale n’est pas si spécifique ou encore que certains facteurs de migration sont moins médiatisés que d’autres (l’accaparement des terres fait moins recette que les séismes, tempêtes et autres inondations).

Les enjeux de demain sont également bien intégrés à la réflexion notamment par le biais de cercles vicieux plus ou moins théoriques : l’urbanisation causée par la fuite vers les villes ne risque-t-elle pas d’accroître leur vulnérabilité (pp 90-91) ? Le regroupement dans des camps ne risque-t-il pas d’accroître les tensions et de générer des conflits (pp 92-93) ?

Des réponses existent, elles sont nombreuses. La chronologie de la « croisée des agendas internationaux » (pp 122-123) expose un accroissement de l’intérêt porté au phénomène depuis 1975.

Du point de vue didactique, on retirera de la richesse de ce livre une possibilité de cerner finement les composantes d’un déplacement : l’espace (des allers simples, des allers-retours, des circulations, des distances courtes, longues, des trajets avec ou sans étapes…), le temps (durées et fréquences diverses), l’organisation (les moyens de transports mobilisés) et la motivation (ici fortement basée sur la contrainte, parfois même jusqu’au retour comme en témoigne l’exemple de Fukushima, pp 34-35).

De quoi alimenter les conceptions de séquence sur des nouveaux programmes de géographie faisant la part belle aux questions de déplacement.

A noter une petite erreur de mise en page (pp 14-15) : la légende, basée sur des carrés, devait être sans doute en couleur initialement, ce qui n’est pas le cas sur l’ouvrage et ce qui ne permet pas d’appréhender les causes des migrations à travers l’histoire sur la frise chronologique présentée. Cette coquille mise à part, les infographies apparaissent de grande qualité !