Jean et André Sellier : Atlas des peuples d’Europe occidentale, La découverte Novembre 2011 39 €

Nouvelle édition d’une série d’Atlas que les deux mêmes auteurs, ensemble ou séparément ont conçus depuis 1991, parcourant l’Europe centrale, l’orient, l’Asie et l’Afrique, cette livraison des éditions La découverte est sans doute la plus utile qui soit dans le contexte actuel.
Oui, l’Europe occidentale nous est familière, avec sa construction politique, sa zone de paix, ses convulsions économiques actuelles et ses dirigeants qui font partie de notre paysage, invités permanents de nos étranges lucarnes et autres écrans.
Et pourtant, ce sont peut-être ces cousins d’Europe que nous connaissons peut-être le moins, sans doute parce que nous croyons les bien connaître.

Cet atlas est d’abord un atlas historique, et même si cela n’est pas prononcé, géopolitique. Au delà de la cartographie de Anne Le Fur, ce sont les textes, précis, documentés qui attirent l’attention. Chaque chapitre commence au début du moyen âge, et cela ouvre de belles perspectives, surtout lorsque l’on écrit ces lignes de Septimanie, le nom que Georges Frèche, le turbulent Président de région, voulait donner au Languedoc Roussillon.
En réalité, les auteurs ont voulu présenter une synthèse à partir des espaces linguistiques. Cela règle d’après les auteurs les questions liées aux espaces ethniques considérés comme des fruits de l’histoire. Evidemment, les espaces linguistiques le sont tout autant mais peut-être permettent-ils de trouver une approche originale pour présenter des cadres aux contours un peu flous. Il est vrai que des zones de superposition sont nombreuses, à commencer par celles qui traversent la Francia occidentalis.
La question de ces superpositions s’oppose à la construction de l’ordre westphalien, celui des Etats-Nations aux allégeances uniques. Elles sont aujourd’hui remises en cause par la construction de l’Europe, par les ouvertures de frontières, par les affirmations régionales, plus ou moins avancées dans les différents pays. Mais ce mouvement à notre sens aurait peut-être tendance à s’inverser, et l’histoire des vingt dernières années, nous a montré que rien n’est irreversible.

Des aires mouvantes aux États-Nations

Il n’empêche, et même si les auteurs se défendent de proposer un résumé de l’histoire de six espaces européens, cette présentation permet de se forger une culture historique sur des espaces que l’on ne connaît pas très bien. On trouvera avec intérêt des informations sur les questions linguistiques de cet espace italique. La langue de Dante, n’est pas, contrairement au Français la « langue du Roi » mais bien une langue littéraire qui émerge comme langue nationale au milieu du XXe siècle. On pourra observer avec intérêt les limites linguistiques dans les Alpes qui sont largement différentes des frontières des Etats.
Pour l’espace ibérique, on pourra lire avec intérêt les pages sur la constitution du Portugal et sa naissance singulière au tournant du XIIIe et du XIV siècle. Anomalie peut-être que cet espace atlantique qui se lance précocement dans l’expansion outre-mer. Menacé de disparition avec l’Union personnelle avec Philippe II en 1580, le Portugal parvient malgré tout à conserver son identité.
Pour l’Espagne contemporaine, les auteurs choisissent délibérément le découpage des communautés autonomes. Une façon de montrer que peut-être cette Espagne si proche est quand même bien différente de nos schémas habituels.
La question basque et catalane sont largement traitées, au-delà de leur seule importance linguistique. Présenté comme une survivance étrange, le nationalisme basque qui est aussi un ethnisme, est amené à une forme d’intégration concrétisé par la trêve unilatérale et permanente de l’ETA en 2011.
Pour l’espace gallique qui correspondrait, hors zones celtes et basques, à la France, on insistera, ce qui est logique sur la construction du territoire, un texte bien utile pour des professeurs dans le cadre de ce qui reste des programmes et sur les différentes extensions du domaine Royal. Page 94 la superposition des provinces d’ancien régime et des régions actuelles est assez éclairante mais on aurait bien aimé que les auteurs évoquent les projets Balladur de grandes régions, au moins rapidement. Il est vrai que ce projet semble bien enterré pour le moment.
La partie la plus dépaysante, car elle est trop rarement étudiée dans les cycles universitaires est l’espace scandinave qui a pourtant été un foyer économique de l’Europe au moyen âge et jusqu’à l’époque moderne. Dans une perspective de développement de la Russie cette ouverture baltique serait sans doute, comme au XVIIe siècle un enjeu majeur et ces cartes et ce récit de cet espace devraient aider l’observateur à comprendre comment les rapports de puissance à venir ont pu s’inscrire dans ce bras de mer au nord ouest du vieux continent.

Bruno Modica ©