« 4,2 milliards d’habitants vivront en ville d’ici 2050 »

Comment s’organisent les villes en 2020 ? Pour répondre à cette question, la géographe Charlotte Ruggeri s’est entourée de cinq collègues (Frédérique Célérier, Marine Duc, Daniel Florentin, Léo Kloeckner et Flaminia Paddeu) et nous propose un atlas particulièrement original ayant nécessité deux années de travail.

Agrégée de géographie et enseignante en CGPE, Charlotte Ruggeri codirige la revue en ligne nommée Urbanités. Elle est spécialiste des mobilités et conflits dans les villes nord-américaines. Frédérique Célérier est agrégée de géographie, enseigne dans un lycée du Val-de-Marne et a rédigé une thèse sur les territoires du vin en France. Marine Duc est doctorante à l’université Bordeaux Montaigne et termine sa thèse sur les mobilités et migrations au Groenland. Daniel Florentin est maître-assistant en urbanisme à l’Institut Supérieur d’Ingénierie et de Gestion de l’Environnement et en environnement à l’Ecole des Mines de Paris. Léo Kloeckner est agrégé de géographie, enseigne dans un lycée de Seine-Saint-Denis et a rédigé une thèse sur les villes chinoises. Enfin, Flaminia Paddeu est maîtresse de conférence à l’Université Sorbonne Paris Nord et travaille sur les pratiques alimentaires et environnementales dans les villes françaises et états-uniennes. Cette jeune équipe est renforcée par la cartographe Aurélie Boissière, auteure de très nombreuses cartes pour les différents atlas chez Autrement (http://boiteacartes.fr/).

L’atlas s’organise en 4 chapitres. La première partie consiste à présenter les villes selon un découpage régional et à s’interroger sur la pertinence des modèles urbains régionaux. Le tourisme dans les villes européennes est illustré par une carte des sites parisiens les plus populaires sur Instagram entre 2010 et 2019. Les critiques envers le tourisme de masse sont ensuite mises en perspective à l’échelle européenne. La reconfiguration des acteurs dans les villes africaines est habilement présentée par l’étude du projet d’une ville nouvelle en Angola, Kilamba. Située à un vingtaine de kilomètres au sud de Luanda, la première pierre est posée en 2008, avant d’être officiellement inaugurée en 2011. Après plusieurs baisses du prix de vente des logements et un scandale politique en 2014, la population de cette ville nouvelle est estimée à 95 000 habitants en 2016. Cet exemple illustre la montée en puissance de la Chine en Afrique : dès 2008, des prêts chinois avaient été accordés pour la construction. Enfin, la double-page dédiée aux « villes circumpolaires » (pages 22-23) est particulièrement réussie et originale. « Cette urbanisation de la conquête » se caractérise par « des créations exogènes, accompagnant le front pionnier » (page 22). Le cas de Nuuk au Groenland permet de mieux saisir les mutations de ces petits pôles (vieillissement des centres urbains, crise du logement).

Le second chapitre aborde principalement la production de la ville à travers les acteurs. tandis que les deux derniers chapitres abordent la vulnérabilité (risques dont la Covid19, frontières etc.), les circuits alimentaires et les smart city. La fragmentation de la ville du Cap est particulièrement visible à travers la répartition des groupes raciaux par quartier. La transformation des townships témoigne de la différenciation progressive de l’habitat : « plus on est proche du Cap, plus les habitations sont grandes et équipées » (page 27). Le schéma de la page 27 aborde la gentrification en s’appuyant sur la thèse de Marie Chabrol. La composition d’un immeuble de type « parisien » se caractérise par le départ progressif des occupants les plus précaires en faveur d’occupants plus aisés. La production de la ville passe également à travers le développement de « l’économie de la connaissance » (page 34). Les enseignants préparant une séquence sur le thème 6 en classe de Terminale HGSSP pourront s’y reporter afin d’utiliser un planisphère présentant les lieux de l’innovation scientifique dans le monde, ou celui présentant Singapour comme un véritable « hub de l’éducation » (page 35). Rappelant un sujet de géographie hors-programme pour le concours externe de l’agrégation, la double-page 40-41 est entièrement dédiée à la nuit urbaine (émissions lumineuses, horaires et fréquences des coupures d’électricité à Rio, intensité des mobilités nocturnes à Paris de 22h à 6h). L’atlas ne se limite pas aux cartes. Le drapeau de Montréal est analysée à travers les différents symboles : la croix héraldique rappelle les origines chrétiennes, la fleur de lys pour la France, le chardon pour l’Ecosse. Depuis 2017, un pin blanc évoque également la présence ancestrale des autochtones. Signe que les temps changent !

L’atout majeur de ce nouvel atlas est de présenter des documents originaux et parfois très peu diffusés. Par exemple, pour illustrer l’habiter des villes en exil, la carte de la page 45 est une adaptation d‘un article de la Revue Urbanités sur le parcours des exilés à Berlin. Cet article est une adaptation du travail de terrain réalisé par Sophie Garcia dans le cadre d’un mémoire de master 2. Le schéma de l’article de 2017 a donc été réadapté pour en faire une véritable carte. Parmi les cartes originales, notons la présence de la ville éphémère de Burning Man dans le Nevada (page 61), les circulations des cougars en Californie (page 74) et la course-poursuite dans Mission Impossible – Fallout à travers Paris (page 81). Notons qu’une petite coquille a été repérée sur la carte de la ferme urbaine de l’Est de Nantes (« St-Luce sur Loire » au lieu de « Ste Luce sur Loire »). Un oubli anecdotique au sein d’un atlas très riche.

Source : extrait de la page 12 de « l’Atlas des villes mondiales » publié sous la direction de C. Ruggeri, Autrement, Septembre 2020

En conclusion, ce nouvel atlas chez Autrement s’avère être très plaisant à lire, présentant à la fois des thématiques classiques réactualisées et des sujets originaux. Il trouvera aisément sa place dans les CDI, aussi bien dans les collèges que les lycées. La simplicité de l’écriture permet d’en faire un véritable outil pour le traitement des programmes de lycées, notamment en Première et Terminale HGGSP. A ce titre, la lecture de certaines double-pages pourra permettre aux lycéens de rédiger des fiches de lectures pour compléter le cours dispensé en classe.

Les enseignants désirant continuer à se former de façon autonome trouveront un ouvrage clair, actualisé et relativement court. Son utilisation dans la préparation des différents concours (Capes, Agrégation) semble incontournable pour de nombreux thèmes (métropolisation, environnement, risque, alimentation, mobilités etc). Un atlas de référence pour mieux comprendre les villes en ce début de XXIe siècle !

Pour aller plus loin :

Antoine BARONNET @ Clionautes