Révélatrice d’un monde où tout est désormais interrelié, la crise sanitaire du Coronavirus a inspiré le géographe Michel Lussault qui reprend, dans ce petit opus, les dix épisodes de ses chroniques vidéo postées sur Youtube durant le premier confinement du printemps 2020. Aux retranscriptions s’ajoutent commentaires a posteriori et un intéressant dessin schématique signé Lou Hermann, habilement replié dans la couverture du livre.

 

Evoqué lors du FIG 2020, le propos contenu dans l’ouvrage débute sur le constat que l’urbain désormais généralisé est de type « extractiviste » et que tout apparaît exploitable sans tenir compte des impacts pouvant aller jusqu’à l’épuisement des ressources. Hyperurbain, le monde d’aujourd’hui est également hyperspatial (la mobilité aérienne en est le témoin mais aussi la cause) et hyperscalaire (toutes les échelles spatiales peuvent être sollicitées synchroniquement à l’image de ce virus qui contamine d’abord les corps et se diffuse ensuite irrésistiblement).

 

Divers points sont abordés ensuite : le système de santé apparaissant comme défaillant et ne laissant de la place que pour une médecine de catastrophe et non une médecine de crise (avec notamment les soucis de carences en masques, respirateurs…) ; l’insuffisance des sociabilités numériques qui ne peuvent remplacer une véritable pratique de l’espace ; les variations interrégionales et locales qui nous invitent à ne pas caricaturer le caractère mondial de l’épidémie.

 

Sur ce dernier point, Michel Lussault détaille cinq facteurs explicatifs :

  • la pénétration initiale du virus dans un territoire qui dépend de divers facteurs (tourisme de masse, pas forcément urbain d’ailleurs ; lieux de concentrations exceptionnelles comme les temples, les stades, les fêtes via de « super diffuseurs »),
  • les caractéristiques socio-démographiques d’une population (fragilité des populations fortement exposées par leur emploi et leur proximité familiale et résidentielle),
  • la situation pré-pandémique du système de soins (le dispositif hospitalier et son maillage géographique),
  • l’état de préparation des pouvoirs publics et de la société (le français apparaît ici mauvais élève…),
  • de manière plus large, la configuration géographique de la contrée considérée (le type de densité à lire finement pour voir s’il y a de fortes interactions sociales ou non; le plus ou moins grande acceptabilité des masques…).

 

La fin de l’ouvrage s’ouvre sur l’idée que les pathogènes sont par nature géographiques. Leur étude a permis de d’enrichir le concept de diffusion. Les virus ont besoin des corps pour se transmettre et donc les mesures prises (confinement, distanciation, quarantaine) sont des réponses qui apparaissent obligatoires dans ces cas-là. Mais comme il s’agit ici d’un virus peu mortel et que le vaccin n’est pas encore massivement diffusé, il faudra sortir un minimum pour participer à l’immunité de groupe et participer à l’affaiblissement du « stock démographique » auquel s’attaque le virus. Il faudra revoir nos distances, accepter les masques, repenser notre occupation et nos pratiques de l’espace.

 

Ce virus s’inscrit dans une dynamique moderne de successions de catastrophes et fait prendre conscience au monde entier de la dimension planétaire des relations entre les êtres humains. Est-ce là l’opportunité de développer « l’empowerment » et se réconcilier avec le non-humain sans le dominer et vouloir le contrôler à tout prix ?

 

Un solide éclairage sur la question où le propos, riche et limpide, fait bel écho au schéma illustratif l’accompagnant.