Cette BD donne vie en images aux témoignages de six enfants et adolescents juifs d’Europe centrale qui ont survécu à la Shoah et qui ont été accueillis en Suède en tant que réfugiés. Leur témoignage s’adresse à des jeunes de leur âge et a pour mission la transmission de la mémoire aux jeunes générations.
La Bande Dessinée intitulée Nous rentrerons bientôt à la maisone importante dans le monde de la politique, de l’art, de la science ou du sport.
Cet ouvrage aborde un sujet difficile mais de manière délicate. Les auteurs suédois Jessica Bab Bonde et Peter Bergting donnent vie en images aux témoignages de six enfants et adolescents juifs d’Europe centrale qui ont survécu à la Shoah et qui ont été accueillis en Suède en tant que réfugiés. Il s’agit de Tobias Rawet et Selma Bengtsson de Lodz, Emerich et Elisabeth, un frère et sa sœur originaires de Vinogradov, Livia Fränkel et Susanna Christensen qui ont grandi en Roumanie et en Hongrie.
Les récits sont simples, accessibles à des collégiens de 3ème et l’ouvrage conçu de manière très pédagogique avec des cartes de l’Europe centrale en 1939 qui situent les lieux évoqués, un glossaire et une chronologie de la Seconde guerre mondiale. Personnellement et ceci ne reste qu’un point de vue personnel, je n’en conseillerai pas la lecture à des enfants plus jeunes, en particulier de primaire car les sujets abordés sont difficiles et violents malgré la pudeur des récits.
La vie d’avant la guerre
Tous évoquent la situation familiale et sociale dans laquelle ils ont grandi. Livia est d’une famille de classe moyenne, elle parle beaucoup de l’importance que la radio revêtait pour sa famille. Susanna vient d’une famille pauvre, les parents de Tobias ont un magasin à Lodz. Certains racontent aussi l’importance de l’école pour eux.
La guerre
Petit à petit, leur récit raconte le début de la guerre, l’invasion par les allemands. Tobias et Selma qui habitaient à Lodz évoquent la transformation de la ville en ville allemande, l’incendie des synagogues lors de l’anniversaire de la nuit de cristal… Les enfants qui habitaient en Roumanie et en Hongrie vivent d’abord des discriminations effectuées par les voisins, la maîtresse comme dans le récit de Susanna. Livia ne peut plus aller à l’école de la commune et doit aller en internat.
Tous racontent les différentes étapes du processus d’anéantissement et d’extermination propre au génocide. Les enfants racontent comment ils ont dû quitter leur maison qui apparaît comme un cocon, un refuge et comment ils ont été ensuite regroupés dans les ghettos. Ils en montrent la dureté, la faim, les cachettes comme dans le récit de Tobias. Leurs parents ou grands parents y meurent de faim. Cette question de la faim et du manque de nourriture irrigue tous les récits. Livia raconte comment sa mère coupait le pain pour dix jours en tranches pour le garder le plus longtemps possible et déjouer ainsi le rationnement. Ils évoquent aussi les soupes dans les camps, le poids qu’il pesait à leur libération et Livia par exemple raconte comment elle cachait du pain alors qu’elle était en Suède par peur de manquer.
La déportation
L’étape suivante de la déportation dans les camps est elle aussi évoquée par les enfants. Ils racontent les longs voyages en train et leur horreur puis leur arrivée dans les camps, la vie qu’ils y mènent, la fatigue du travail éreintant, l’arbitraire et les humiliations subies. Les enfants racontent comment ils sont séparés de leurs parents, comprenant parfois qu’ils ont été gazés dans les chambres à gaz et le processus de déshumanisation : tonte des cheveux, douche, numéro. Tobias était à Ravensbrück, Livia, Emerich, Elisabeth à Auschwitz. Selma et Susanna ont travaillé dans une ferme en Autriche et dans une usine Krupp à Berlin. Emerich évoque comment il était contraint de casser des cailloux, Tobias comment il construisait une route. Emerich, Tobias, Livia racontent l’horreur des marches de la mort. Le père d’Emerich y trouve la mort, exécuté.
La Libération des camps
Elle est vécue comme une délivrance mais non comme une solution. Les enfants voient les gens mourir, n’ont souvent plus de famille (Livia, Selma, Susanna), sont livrés à eux-mêmes, errant en Europe comme Emerich qui dit « peu m’importait la destination, j’ai voyagé dans l’Europe en ruines pendant plusieurs semaines ». Il retrouve sa sœur réfugiée en Suède tardivement et il décide de la rejoindre. Tobias est le seul à retrouver son père et il rejoint la Suède où il retrouve son oncle et sa tante. Sa nouvelle vie passe par son changement de nom.
Les autres enfants sont pris en charge par la Croix-Rouge suédoise. Ils racontent le lent et progressif processus de reconstruction, l’isolement et la quarantaine (certaines ont la tuberculose), le repos dans des lieux paisibles et le retour vers une vie en paix même si comme le dit Elisabeth « elle ne s’est plus jamais sentie comme une personne à part entière ». Chaque histoire se termine avec le portrait de ce que sont devenus ces enfants : leur mariage, leur descendance, l’importance qu’ils accordent au témoignage dans les écoles auprès des enfants et à la transmission de la mémoire.
Enseigner l’histoire de la Shoah
Quelques exemples de séances en collège
Guillaume Ribot, Le cahier de Susi, Sceren CNDP-CRDP, 2013
Isaac Millman, Je m’appelle Isaac et j’ai été un enfant caché, Editions du Cercil, 2012
Éric Heuvel, Ruud van der Rol Lies Schippers, Secret de famille – La quête d’Esther, Éditions Belin/ Maison Anne Franck, 2009
Aranka Siegal, Sur la tête de la chèvre, Folio Junior, 2017
Michael Morpurgo, The Mozart Question, Paris, 2015, Éditions Gallimard Jeunesse