François-Xavier Nérard, maître de conférences à l’Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, est spécialiste d’histoire sociale de l’Union soviétique. Il est notamment co-auteur de plusieurs manuels scolaires chez Hatier. De lui, on pourra lire son ouvrage de 2004 : Cinq pour cent de vérité : la dénonciation en URSS, chez Tallandier.

Marie-Pierre Rey, professeur d’histoire de la Russie et de l’Union soviétique à l’université Paris 1-Panthéon Sorbonne, est directrice du Centre de recherches en histoire des Slaves et directrice de l’UMR SIRICE. On lira avec profit son Lénine, paru pour le centenaire de la Révolution de 1917.

Cyrille Süss, cartographe indépendant, a réalisé les cartes de cet atlas. Cartographe de talent, il collabore régulièrement aux Atlas des éditions Autrement, ce qui nous permet de citer son Atlas géopolitique de la Russie, où Pascal Marchand tient la plume.

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Cet Atlas a été également chroniqué par notre collègue, Jean-Pierre Costille sur ce même site : https://clio-cr.clionautes.org/atlas-historique-de-la-russie-divan-iii-a-vladimir-poutine.html. On se reportera utilement à son texte, qui nous épargnera de reprendre la description du contenu de cet Atlas et nous permettra de nous concentrer sur les aspects critiques, notamment en ce qui concerne la cartographie.

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Cet Atlas historique de la Russie a le mérite, en remontant à des temps relativement anciens, d’analyser les permanences, si l’on ose écrire, de la Russie éternelle. On ne saurait trop insister sur l’importance de la domination mongole dans l’élaboration de la culture politique de la Russie : ce que l’Atlas ne fait que trop peu, et avec des cartes aux dimensions et à l’échelle, nous semble-t-il, inadaptées. De même, la vulnérabilité russe, qui traverse l’histoire et alimente son complexe obsidional, aurait pu faire l’objet de représentations plus explicites, détaillées, voire démonstratives. Pourquoi ne pas avoir cartographié les raids tatars, ou les interventions étrangères qui transpercèrent le territoire de 1914 à 1922 ? Cette histoire et cette cartographie des représentations russes de leur territoire et de sa vulnérabilité, bien loin de nos perceptions occidentales, auraient mérité, d’après nous, de plus amples développements, rendus impossibles par le caractère restreint de la collection. On imagine la frustration des auteurs… sans doute bien pire que la nôtre.

Sur un strict plan cartographique, on dirait même sémiologique, on retrouve, malgré des cartes d’excellente facture, les travers récurrents de cette collection. Toujours très bien sourcées, de nombreuses cartes souffrent cependant de défauts sémiologiques certainement volontaires, destinés – on l’espère du moins – à décourager le scan ou la photocopie. On ne peut certes qu’approuver la volonté de préserver le travail des auteurs, et ce d’autant plus chaleureusement que ce travail est d’excellente qualité, tant dans le texte que dans les cartes associées. Mais il faut bien admettre que, de nos jours, un scanner passable allié à des connaissances également passables de Photoshop permettra de piller allègrement ce travail. Il ne reste alors que la gêne qu’éprouve le lecteur légitime devant des couleurs trop peu différenciées pour l’œil humain.

La carte page 20 (sur les migrations russes fin XXe siècle) est ainsi un modèle du genre : vert et bleu sont à ce point pastel qu’on les distingue à peine du blanc. Les éléments du texte ne sont pas non plus toujours repérés sur la carte (page 14 par exemple), ce qui nuit à la compréhension d’un texte remarquable. Les contraintes éditoriales rendent certains graphiques peu lisibles, tel l’arbre généalogique des tsars (page 19). D’une manière générale, l’adéquation du texte avec la cartographie n’est pas toujours sans reproche : pourquoi ce plan d’un monastère (page 18) alors que nulle référence dans le texte ne le justifie ni n’en montre l’intérêt ? La page 37 analyse l’émergence décisive du chemin de fer… avec une carte où le chemin de fer ne figure pas. Il faut se reporte à la page 14 pour revoir le réseau en question.

Dans le détail, on peine parfois à comprendre les choix sémiologiques : les canaux en rouge (page 14), des frontières en bleu et des fleuves en blanc (page 39), une montée en valeur proprement illisible (page 42), des hachures qui auraient mérité un changement d’orientation (page 44)…

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Que le lecteur ne s’y trompe pas, toutefois. Si l’on a un peu de mal à valider certains choix cartographiques ou éditoriaux, cet Atlas est globalement d’une très belle facture. Le texte est riche, précis, bien documenté, intelligent. C’est l’œuvre de vrais spécialistes contraints par un format peut-être un peu limité. La partie cartographique est l’œuvre d’un cartographe de talent, dont le travail mériterait de s’exprimer un peu plus à l’aise. Ainsi en est-il d’une collection des Atlas Autrement qui est d’une utilité toujours remarquable à notre profession. Sans doute le format de cette collection n’est-il pas parfait et nos critiques peut-être injustement précises. Mais, en cette célébration de Mai-68, il nous revient à l’esprit ce slogan qui résume assez bien nos attentes envers cette collection : « Soyez réalistes, demandez l’impossible » !

 

Christophe CLAVEL

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