Professeur à l’université Bourgogne-Franche-Comté de Besançon, membre du comité Lucien Febvre, Edmond Dziembowski est spécialiste de la culture politique du XVIIe siècle et plus précisément de cette culture en France et en Angleterre. Sa thèse, La France face à la puissance anglaise (1750-1770) montre le choix de cette orientation. Il a été récompensé à de nombreuses reprises pour de précédents ouvrages, notamment La Guerre de Sept Ans, 1756-1763, qui a reçu le prix Chateaubriand et le prix Guizot de l’Académie française.

Dans cet ouvrage, très dense, très riche, très fouillé, la thèse de l’auteur apparaît clairement: tracer une ligne directe, continue entre différents moments révolutionnaires qui ont traversé l’Europe et le monde dans un long XVIIe. L’auteur s’inscrit ici dans une tendance très forte en historiographie, celle de l’histoire globale, une approche comparative qui veut décloisonner, particulièrement en France, des visions et des analyses centrées très souvent sur le microcosme national.

L’auteur a donc choisi un cadre spatial très large: il démarre en 1660 avec la restauration de la monarchie en Angleterre après l’épisode Cromwell pour terminer au début de l’été 1789 en France. Il nous fait voyager et réfléchir dans les îles britanniques, dans les Provinces-Unies, en Pologne ou aux Etats-Unis. Un panorama volontairement très large dans une démarche comparative qui a pour ambition de nous plonger dans ces sociétés du XVIIe où un concept domine mais est remis en cause: l’absolutisme. Ce qui sera appelée plus tard la société d’Ancien Régime est à son crépuscule.

Mais toutes les sociétés étudiées ne vont pas le remettre en cause de la même manière. Et c’est en cela que le travail d’Edmond Dziembowski prend toute sa profondeur. Certains restent attachés aux principes monarchiques, d’autres établissent de nouveaux régimes, de manière plus ou moins violente. A travers ces révolutions, une même envie de liberté et un désir populaire commun de trouver une place dans un monde en transformation.

L’ouvrage est divisé en 3 grandes parties et 18 chapitres. La première partie se focalise sur l’Angleterre, l’après-Cromwell, l’arrivée des Orange et la naissance de la Grande-Bretagne, mais il ne faut pas le résumer à une longue litanie d’événements. Le fil conducteur est celui d’une véritable analyse du fonctionnement sociétal anglais et des réflexions sous-jacentes à de telles évolutions politiques. Tout en montrant les influences des bouleversements britanniques en Europe.

La 2e partie s’intéresse aux conditions intellectuelles des révolutions du XVIIe siècle. Même si, évidemment, ceux qui ont participé à ces révolutions en Europe, une grande partie des peuples de ces sociétés, n’ont jamais lu ni entendu parler de l’ensemble de ces intellectuels, l’auteur nous décrit le cadre de pensée qui amène à la remise en cause de l’absolutisme et de l’Ancien Régime, qui justifie un acte aussi fort si l’on se replace encore une fois dans le cadre du fonctionnement sociétal du XVIIe siècle. Cette partie s’achève sur un moment majeur: la révolution américaine de 1776. Ce changement majeur, cette indépendance américaine, c’est la création d’un modèle qui va entretenir des débats enflammés dans les années et décennies suivantes en Europe.

C’est le thème de la dernière partie: quel modèle choisir? L’auteur détaille les nombreuses expériences et réflexions autour de 1776 pour montrer son influence, soit comme modèle copié, en totalité ou en partie, soit comme modèle rejeté, en totalité ou en partie.

Au final, Edmond Dziembowski nous offre un ouvrage dense, érudit, prenant. Grâce à son style très fluide et très clair, cette somme d’informations se suit sans écueils, se digère avec délectation. Il permet à tout à chacun de remettre à jour ses connaissances, sur une thématique au coeur des nouveaux programmes de 2nd et de 1ère (pour les enseignants). Cette volonté de filiation et de faire comprendre le fonctionnement sociétal et intellectuel au XVIIe siècle, tout en le mettant à portée de tous, est un défi extrêmement relevé mais accompli avec brio.