Louis Albrand n’est pas historien, il le dit lui-même. Il s’est intéressé aux Vaudois après avoir découvert le sort de certains de ces ancêtres des hautes vallées alpines.

Une introduction très personnelle, un dithyrambique portrait de famille ? Médecin à l’Argentière Louis Albrand s’interroge sur ces ancêtres vaudois de la vallée de Dormillouse.

Au-delà de Pierre Valdo l’auteur fait remonter l’hérésie à quelques personnages entre le VIIIe et le XIe siècle comme Jean de Turin, évêque en révolte contre le pape dont les fidèles se réfugièrent dans le Val de Suze, la Vallouise et la Queyras. Ces communautés chrétiennes en rupture avec la papauté, car elles refusaient les images, étaient très présentes dans les vallées alpines. Elles entèrent en contact avec les disciples de Valdo, les « pauvres de Lyon », au XVIe siècle.

Les hérétiques

C’est un tour d’horizon de tous ces groupes qui depuis l’Antiquité tardive s’opposent aux autorités politiques et religieuses. Le principal point de désaccord portait sur la pauvreté, idéal évangélique. L’auteur parle ainsi des Cathares qui inaugurent le système de répression de l’inquisition.

Les massacres de 1488

A l’initiative de l’évêque d’Embrun et de l’inquisiteur Cattanéo s’est une véritable guerre qui est menée contre les Vaudois des hautes vallées, politique soutenue par le gouverneur du Dauphiné. L’auteur décrit les mécanismes de cette « croisade ». Malgré la solidarité rien ne pouvait arrêter la répression. L’auteur est disert sur les événements de Saint Crépin, son village natal.

Le bilan est lourd : tués dans les grottes où ils se sont réfugiés ou sur le bûcher.

Les conséquences du massacre

Grâce à l’exil des survivants les petits seigneurs locaux ont récupéré des terres libres, comme Fazy le châtelain de Rame on on a les comptes dans son journal (1471-1504). Il est très étonnant que l’auteur n’évoque pas la République des Escartons qui explique la situation particulière de ces hautes vallées.

La fuite a conduit les rescapés vers la Provence (Lubéron) ou l’Italie (Volturata). Quelques uns vont tenter de récupérer leurs terres auprès du roi de France (ordonnance de 1501 en leur faveur).

XVIe siècle le synode de Chanforan

François 1er reprend la répression (1545) notamment dans le Lubéron mais les vaudois dont certains sont retournés à Freissinières sont soutenus par Lesdiguières.

En 1532 à la suite de Georges Morel et Guillaume Farel, les Vaudois se rapprochent de la Réforme calviniste. On regrette que l’auteur considère que la présentation du synode de Chanforan ne fasse pas partie de son sujet. Si cette adhésion a protégé les Vaudois après l’Édit de Nantes, lors de sa révocation on assiste à des départs vers l’Allemagne, les pays-Bas, l’Angleterre même si le Duc de Savoie Victor Amédée II leur accorde en 1694 la liberté religieuse à l’origine de la Chiesa Valdesa, une église vaudoise encore dynamique aujourd’hui en Italie.

L’auteur évoque la répression menée par Catinat dans l’Embrunais.

XVIIIe – XIXe siècle

Entre l’église vaudoise piémontaise, l’adhésion au protestantisme et les départs définitifs, notamment depuis le village de Dormillouse vers l’Algérie13 familles et l’instituteur Emile Niel s’installent dans l’Oranais.

Pierre Valdo / Saint François d’Assise

L’auteur propose une mise en parallèle de deux vies, deux doctrines pas si éloignées, deux destins très différents par des choix différents dans les relatons avec la papauté.

Monde intérieur

Dommage qu’il faille attendre la page 123 pour un aperçu de la doctrine vaudoise fondée sur la vie intérieure. Leur austérité et leur discrétion les ont, parfois, fait accuser de sorcellerie.

L’auteur passe en revue, très brièvement, une hérésie corse, les Amish, les vieux croyants russes, la société chinoise des adorateurs de Dieu et les puritains.

Un peu surprenant, l’auteur n’utilise jamais la majuscule pour désigner les Vaudois ou les Cathares.

60 pages d’annexes diverses qui concernent la famille de l’auteur ou les Vaudois ? On ne peut que regretter de ne pas connaître la nature (les fiches d’audition des Vaudois par l’inquisiteur en anglais) ou l’origine (profession de foi de Vaudois de Freissinières) de ces documents

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Pour aller plus loin dans la connaissance de ce mouvement religieux les quelques pages du Musée protestant apporteront un premier éclairage (et aussi https://museeprotestant.org/wp-content/uploads/2019/01/AEVHL-MERINDOL-Panneaux-Muse-1-6expo.pdf

On pourra poursuivre avec :

– Les Vaudois : L’étonnante aventure d’un peuple-église (1170-1999), de Giogio Tourn, Claudiana Editrice, 1999

– 1545 : le massacre des Vaudois du Luberon https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/une-histoire-des-heresies-44-1545-le-massacre-des-vaudois-du-luberon

Les origines lyonnaises de la secte des Vaudois, article de Philippe Pouzet dans la Revue d’histoire de l’Église de France, Année 1936 94 pp. 5-37 https://www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_1936_num_22_94_2757