Le voyage d’un marchand russe en Perse au XVIIe siècle
Les voyages en Perse ont été l’objet de nombreuses publications du XVIe au XVIIIe siècle. Vénitiens, Portugais, Castillans, Français, Anglais, Hollandais, nombreux sont les marchands à parcourir les terres de la dynastie safavide à l’époque moderne. Les éditions de l’Harmattan viennent de publier un témoignage de première main, particulièrement original.
Ce récit de voyage d’un cinquantaine de pages a été rédigé par un marchand russe, Fédot Kotov. Il témoigne des relations commerciales entre la Russie et la Perse au XVIIe siècle. De Moscou à Ispahan, Kotov raconte les étapes de de son voyage longeant la Volga, signale les nombreuses forteresses et décrit les peuples des alentours.
L’Itinéraire de Fédot Kotov est un rapport officiel (statya) commandé par le gouvernement aux frais du Trésor. Kotov a non seulement le devoir d’acheminer et de vendre des marchandises du Trésor de l’Etat russe, mais doit aussi rédiger les itinéraires à destination de la Perse, de la Turquie et des Indes pour les marchands et ambassades russes, et fournir des informations sur le Royaume de Perse.
Préface de Jacques La Besse Kotoff, Itinéraire de Moscou à Ispahan, l’Harmattan, page 10
La traduction de ce récit s’appuie sur une version anglaise publiée en 1959 par un professeur de langue russe de l’Université de Delhi (P. M. Kemp) et sur une seconde version publiée en russe par N. Kouznetsova en 1958 par les éditions soviétiques de la littérature de l’Est. Elles s’appuient sur trois manuscrits (A, B et C) témoignant des nombreuses copies de l’oeuvre entre le XVIIe et le XIXe siècle. Lointain descendant de la famille du marchand, Jacques La Besse Kotoff est à l’origine de cette publication, et a rédigé la préface et la postface de cette édition particulièrement soignée (typographie, nombreuses notes de bas de page, anthologie des textes sur la Perse).
En 1623, Kotov part avec 8 compagnons de la ville de Moscou en direction du Sud. Il décrit minutieusement les villages, les monastères, les cours d’eau et les routes empruntées. Les distances sont indiquées à chaque étape (en vestre, soit environ 1067 mètres). Le voyage est long et l’auteur peu bavard sur les difficultés rencontrées. Son récit est d’abord un compte-rendu pour l’administration moscovite. Nijni-Novgorod, Kazan, Samara, Volgograd (sous le nom de Tsaritsyne), Astrakhan sont autant d’étapes sur la route de la Perse.
Voguant sur la mer Caspienne depuis Astrakhan à l’embouchure de la Volga, Kotov atteint Shirvan, puis Zanjan, Kachan et finalement Ispahan en 1624. En tout, son voyage lui a pris un peu plus de 13 mois. Une fois parvenue dans la capitale perse, l’auteur en profite pour décrire les principaux lieux de la ville, notamment ceux permettant la pratique du culte, l’organisation du bazar et les marchandises échangées. Le lecteur y apprendra notamment qu’un batman (page 50) est une unité de mesure équivalente à 5,75 kilogrammes.
Description d’Ispahan
La grand-place est lisse sur toute sa longueur et régulière, très belle, grande et large ; et autour de la place, il y a des souks, des cafés, des auberges et des mosquées, tout est construit en pierre, et on dit qu’il y a plus d’une centaine d’auberges maçonnées. Les devantures des magasins sont décorées de fleurs peintes de toutes les couleurs et d’or. Beaucoup de différentes personnes y viennent commercer : Tadjiks, Indiens, Turcs, Arabes, Arméniens, Afghans, Juifs, Lesghiens et toutes sortes de gens. Au bout de la place se trouvent de grandes portes menant à un enclos. Au-dessus des portes est placée une horloge comme en Russie, décorée bellement d’ornements d’or. Dans cet enclos, on trouve une rue de boutiques maçonnées avec un entrepôt à l’étage.
Préface de Jacques La Besse Kotoff, Itinéraire de Moscou à Ispahan, l’Harmattan, page 46-47
Un seul regret à la lecture de l’ouvrage : l’absence d’une carte précise pour suivre l’itinéraire de Kotov. Seule la couverture permet une localisation partielle d’une dizaine de toponymes mentionnés.
Source : Extrait tiré du livre « Itinéraire de Moscou à Ispahan » publié chez l’Harmattan, Février 2021, pages 12-13
En conclusion, la publication de ce récit plaira aux amateurs de récit de voyages de l’époque moderne ou aux étudiants désirant de se former à travers la lecture d’un court compte-rendu de voyages. Le style adopté est sobre mais particulièrement éclairant sur les conditions de voyage, les objectifs commerciaux et les trajets adoptés par les marchands russes en Orient.
Pour aller plus loin :
Antoine BARONNET @ Clionautes