Ce livre a attiré l’œil et aiguisé la curiosité des Clionautes : un très bon compte-rendu est déjà en ligne dans notre Cliothèque ! Une trentaine d’articles publiés dans L’Histoire Magazine sont ainsi compilés afin d’offrir au lecteur un large panorama de l’histoire du crime du Moyen Age à nos jours. Il faut reconnaître que c’est une très belle réussite au vu de la délicatesse de l’entreprise. Si l’architecture de l’ouvrage repose sur une lecture chronologique, avec bien sûr des discontinuités, le crime réussit à être étudié aussi bien dans ses dimensions politique, législative, sociale ou culturelle.

Sans être exhaustif, l’ouvrage est donc particulièrement complet car composé d’articles très bien sélectionnés et de grande qualité. On pourra lire avec plaisir la plume d’historiens contemporanéistes comme Anne-Claude Ambroise-Rendu, qui signe aussi la très belle présentation de l’ouvrage, Dominique Kalifa (†) ou Michelle Perrot, modernistes comme Arlette Lebigre (†) et médiévistes comme Claude Gauvard ou Valérie Toureille. A noter que chaque article est complété par une courte bibliographie qui sera l’occasion, pour les plus curieux, de poursuive et de compléter la lecture.

En reposant sur les travaux sérieux et érudits de ces historiens, cette Histoire du crime en France propose donc une véritable histoire des représentations en se tenant à distance du folklore et des anachronismes. Depuis la nuit des temps, le crime, véritable fait social, n’éveille pas seulement la curiosité, il fascine le public et les historiens et déchaîne même les passions. Certains personnages, devenus à la fois une source d’inspiration pour la littérature ou la peinture et une source de revenu pour la presse,   sont ainsi l’incarnation vivante de cet engouement populaire, de Gilles de Rais à Landru en passant par Jeanne Weber, l' »ogresse de la Goutte-d’Or ». Chaque article permet d’aller au-delà de cette fascination pour l’exception spectaculaire du tueur en série en se penchant aussi sur l’ordinaire du crime banal et plus quotidien commis par un proche, un voisin ou un parent.

Sur un temps long, du Moyen Age au XXe siècle, l’ouvrage est l’occasion :

  • d’identifier les figures, les anxiétés voire les obsessions qui caractérisent chaque époque avec bien souvent des résurgences. C’est le cas par exemple du phénomène des bandes dont les célèbres Coquillards dans la Bourgogne du XVe siècle ou les Apaches de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
  • de montrer le rôle essentiel et grandissant joué par l’opinion publique et la médiatisation (avec l’invention du « fait divers ») dans la lecture et la compréhension, plus ou moins déformées, de l’acte criminel. C’est le cas de l’affaire Soleilland. Ce dernier est reconnu coupable du viol et du meurtre d’une fillette de onze ans, Marthe Erbelding en 1907. Condamné à mort, Soleilland est gracié par le président de la République Armand Fallières ce qui suscita un vif émoi populaire et donna lieu à un véritable feuilleton médiatique autour de la question de la peine de mort.
  • de distinguer une hiérarchisation des crimes. D’un côté, certaines violences ont pu être ainsi héroïsées comme celles des auteurs de hold-up alors que d’autres ont pu être considérées comme les pires lâchetés de leur temps comme l’empoisonnement ou les crimes sexuels et notamment ceux sur les enfants. Une hiérarchie qui elle aussi évolue en fonction des époques.
  • de souligner le désir et, à nouveau, les obsessions afin de trouver une explication scientifique au crime. Si les travaux de Bertillon sur l’usage des empreintes digitales dans les enquêtes et la mise en place d’une véritable police judiciaire moderne ont permis des avancées significatives, les dérives afin d’aboutir à une anthropométrie et une typologie des criminels ne sont pas occultées. L’ouvrage L’homme criminel de Cesare Lombroso en 1876 ou les recherches du double chromosome Y dans la seconde moitié du XXe siècle en sont de parfaits exemples.
  • de faire émerger la facilité avec laquelle chaque époque désigne ses boucs émissaires. Ils sont bien souvent les marges que les différents régimes politiques n’arrivent pas à intégrer. Ce sont par exemple les Italiens, les Juifs ou les femmes. Ces dernières ont longtemps été enfermées dans le mythe de la femme empoisonneuse, de la sorcière ou de la mère infanticide.
  • de préciser l’évolution de la réponse pénale et législative ainsi que ses acteurs en lien avec les apports de la science et la médiatisation grandissante des « affaires » qui ont provoqué d’intenses débats à travers toute la société animés par la presse, les médecins, les aliénistes, les juges, les législateurs, etc.

 

La lecture de cet ouvrage co-édité par la revue L’Histoire et les éditions nouveau monde est donc une plongée passionnante dans l’histoire de France au prisme de la criminalité !