« C’était l’histoire d’une frontière toujours repoussée … » : telle est l’accroche que propose la quatrième de couverture de cet ouvrage écrit par Lauric Henneton, spécialiste des Etats-Unis qui a publié précédemment une très intéressante « Histoire religieuse des Etats-Unis ». Structuré en quatre parties d’inégale longueur, cet atlas a été réalisé avec la complicité de Pierre Gay comme cartographe.
Des colonies à une République
Lauric Henneton retrace d’abord les temps anciens du continent américain, peuplé 20 000 ans avant l’arrivée des premiers Européens. Il insiste sur le fait que le monde amérindien était pluriel et qu’il faut se garder de toute idéalisation. En tout cas, la population peut être estimée à 4 millions de personnes au moment de l’arrivée des premiers Européens. Il est nécessaire de changer parfois sa perspective et de se rendre compte qu’à l’époque moderne l’Amérique est avant tout un obstacle sur la route des Indes. Lauric Henneton fait ensuite le point sur le peuplement à plusieurs époques. On assiste à une progressive anglicisation du territoire et quelques chiffres sont à retenir : le territoire qui formera les Etats-Unis abrite 250 000 habitants vers 1700, le double trente ans plus tard et 2,5 millions en 1776. L’auteur insiste aussi sur les phénomènes religieux puis s’attache ensuite à présenter l’état de l’économie coloniale. Au milieu du XVIIIe siècle, le tabac représente 45 % des exportations coloniales. Lauric Henneton restitue la diversité des lieux et des périodes marqués la traite négrière. On relèvera aussi une double page qui permet de suivre l’itinéraire de Daniel Boone comme exemple de l’expansion des colons vers l’ouest.
La jeune Amérique
L’auteur restitue ensuite les débats qui existent au sein de la jeune République : deux visions de l’avenir du pays s’opposent avec l’ouverture ou non vers l’extérieur ou, si l’on personnalise l’affrontement, Hamilton contre Jefferson. Lauric Henneton rappelle ensuite l’importance d’une idéologie comme celle de « La destinée manifeste » mais s’arrête aussi sur le cas des Mormons. Les défis sont immenses et le premier d’entre eux est de relier les différentes parties du territoire. La progression du rail est spectaculaire puisque le réseau représente 5 000 kilomètres en 1839, 50 000 en 1860, soit la moitié du réseau mondial. Il atteint 300 000 kilomètres vers 1890, ce qui a notamment pour conséquence la diminution du coût du fret. L’auteur dresse également le portrait démographique de la jeune nation. Rappelons quelques faits qui montrent la rapidité des transformations : Chicago est fondée en 1833, dépasse les 100 000 habitants peu avant 1860 et le million en 1890. Le phénomène si visible de croissance démographique en cache parfois un autre qui se déroule en même temps, à savoir les différences qui se creusent entre Nord et Sud. La quasi-totalité des habitants des Etats libres sait lire contre 58 % seulement dans les Etats esclavagistes. Lauric Henneton met tout de même en garde contre le fait d’opposer un peu trop vite un Nord moderne et apaisé à un Sud rétrograde. Après avoir souligné le poids du « roi coton entre 1820 et 1860 » l’auteur évoque la situation des Amérindiens, souligne le poids de l’immigration européenne entre 1830 et 1860, avant d’insister sur l’engrenage qui conduit le pays à la guerre civile. Il faut rappeler que ce conflit a causé plus de 600 000 morts et est aujourd’hui considéré comme la première guerre moderne. En effet, on y utilise pour la première fois des mitrailleuses avec jusqu’à 300 coups par minute et les soldats s’enterrent dans des tranchées. C’est également le premier conflit à être documenté par le photographe Matthew Brady. « Le Nord a certes gagné la guerre mais certainement pas la paix ». Lauric Henneton montre aussi les dégâts humains et environnementaux engendrés par la conquête du territoire. Il termine le chapitre en évoquant le tournant impérialiste avec une carte très parlante sur les interventions américaines dans le Golfe du Mexique entre 1895 et 1934.
Le siècle américain
C’est sans doute la partie la mieux connue de l’histoire des Etats-Unis. L’auteur montre que leur neutralité en 1914 n’est pas une forme de pacifisme. Il rappelle les grands évènements comme le Lusitania, souligne que 2 millions d’Etatsuniens ont traversé l’Atlantique pour se battre durant la Première Guerre mondiale, dont 1,4 million ont pris part aux combats. Le bilan humain fut pour le pays de 116 000 morts dont 26 000 pour la seule offensive Meuse-Argonne. L’auteur déroule ensuite les années 20, évoque le cas d’Henry Ford et donne quelques chiffres impressionnants sur le secteur automobile de l’époque. De façon générale, les taux de croissance, quel que soit le domaine, sont souvent impressionnants, que l’on parle équipement en radios ou salles de cinéma. L’idée reste vraie quand on observe la progression du chômage au moment de la crise de 1929 puisque ce taux passe rapidement de 3 à 25 % de la population. L’auteur se livre à une analyse de l’héritage du « New Deal » en pointant le fait que le point principal à retenir est « la transformation de l’exécutif fédéral, désormais à la pointe de l’initiative politique ». Le phénomène s’amplifie d’ailleurs avec la Deuxième Guerre mondiale. Il souligne aussi que, loin d’être un remède miracle, c’est surtout la conversion de l’économie des Etats-Unis à l’effort de guerre qui a fait disparaître le chômage. Poursuivant le fil chronologique, Lauric Henneton revient sur l’American Way of life de façon très synthétique et très claire.
Le siècle post-américain ?
En quelques pages, l’auteur s’interroge sur les Etats-Unis d’aujourd’hui et de demain. Il pointe le fait que la Californie peut être un bon poste d’observation pour savoir de quoi pourrait être fait le futur du pays. Cet Etat présente en effet des caractéristiques qui seront de plus en plus communes à tout l’espace, à savoir une part croissante des minorités ou l’importance des sans religion. Il s’attache surtout à pointer les blocages et difficultés du pays : une population qui affiche un taux d’obésité de 40 %, une mortalité infantile supérieure à celle des autres pays développés, une espérance de vie qui faiblit ou encore un taux d’incarcération record. Cependant, l’auteur ne noircit pas complètement le tableau car le soft power des Etats-Unis reste très fort. De plus, la structure fédérale du pays permet aujourd’hui de contourner certains blocages. Ainsi, les Etats américains qui souhaitent mener une véritable politique sur le climat peuvent le faire sans dépendre de décisions prises à Washington.
Cet atlas historique des Etats-Unis se révèle donc passionnant, que ce soit pour le citoyen ou pour l’enseignant. Fourmillant d’exemples et de très claires mises au point, il est un outil très précieux pour mieux connaître ce pays grâce à une mise en perspective historique.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes