Henri de Benoist, agriculteur est surtout une des leaders des céréaliers français, président de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB) de 1986 à 2005, président de la commission économique de la FNSEA et ancien président d’Unigrains. Il dialogue ici avec un journaliste des Echos et du Nouvel Economiste, Yannick Le Bourdonnec.

L’introduction de Philippe Pinta, actuel président de l’AGPB, rappelle à très grand traits l’histoire du blé notamment depuis la dernière guerre entre ONIB, PAC, variation des prix et « biocarburants ».

L’entretien commence par une présentation de la famille de Benoist plus aristocrate que paysanne. Ce livre serait-il plus une autobiographie qu’une analyse de la production et la commercialisation céréalière ? On y voit l’auteur comme un « guerrier » (p. 19) qui détaille ses engagements au sein du syndicalisme agricole, une occasion de percevoir les techniques de lobbying de la FNSEA.

Le second chapitre est consacré à l’Europe agricole avec une évocation de l’office du blé et des outils de régulation des marchés. Le bilan de cette politique est en forme d’« hymne » à la production pour l’exportation qui s’il présente la lutte contre les grands producteurs comme les Etats-Unis ne voit pas les effets sur les agricultures du Sud (sauf en page 94 pour dénoncer la position de la Confédération paysanne).

L’auteur regrette le temps où la proximité de la FNSEA avec le pouvoir politique en France lui permettait si non de dicter du moins d’influencer grandement l’action des ministres de l’agriculture à Paris comme à Bruxelles.

Les nouveaux défis amènent à un maître mot : compétitivité dans un monde plus dur que dans les années 70-80 comme le rappelle l’auteur qui ne nie pas la formule : « la rotation des 3 C : céréales, Courchevel, Cannes » (p. 69). Mais la compétitivité est aujourd’hui plus difficile avec la montée de nouveaux producteurs comme l’Ukraine ou la Russie qui menacent les exportations françaises (Egypte, Proche-Orient).

L’auteur revient sur le tournant de 1992 : baisse des subventions agricoles, libéralisation des prix mise en place des aides à l’hectare, politique qui a fait des céréaliers des « assistés », plus rémunérés par les primes PAC que par la vente de leur production. Ce qu’il ne dit pas, c’est que cette situation a conduit à la course à l’agrandissement des exploitations.

L’auteur décrit les mécanismes qui avec l’embargo ont amené la Russie à développer sa production et a profondément modifié le marché mondial du blé, faisant référence au livre de Sébastien Abis, Géopolitique du blé, publié en 2015 chez Armand Colin.

Henri de Benoist dit ses craintes à propos de la nouvelle PAC en gestation (2020-2026). Se pose alors la question des choix stratégiques de la filière : exporter du blé ou reconquérir les marchés intérieurs. L’auteur semble persuader que la solution ce sont les exportations avec comme objectif de nourrir la planète récusant toute idée de concurrence déloyale envers les agriculteurs du Sud1.

Ses idées : produire toujours plus pour exporter, produire sans contraintes même s’il admet la nécessité d’une diminution des intrants dans une France, terre à blé, il semble oublier les zones de montagne. S’il évoque l’agriculture raisonnée, cela semble sans beaucoup de conviction, pour lui l’avenir de l’agriculture est dans le laboratoire : génétique et agriculture numérique (« Pourquoi ne pas imaginer en effet que les producteurs vendent leurs productions à l’avenir sur les places du marché d’Amazon ou d’Alibaba ? » p. 153). Il évoque le glyphosate comme l’emblème d’« un divorce entre les Français et l’agriculture productiviste » (p.144).

Le dernier chapitre traite du blé comme arme diplomatique et de la position de la France sur les marchés mondiaux. Il lui semble que pour convaincre l’opinion il faut des campagnes de communication (p. 177), mais est-ce une affaire de « com » ou d’information quand la production de « biocarburant » est considérée par l’auteur comme un des atouts de la filière blé.

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1Sur ce point on pourra comparer avec le discours de Marc Dufumier lors de sa conférence au FIG : La Faim dans les pays pauvres