Un très bel ouvrage de concours à destination des candidats du CAPES 2024-2026 afin de préparer au mieux la nouvelle question d’histoire romaine « Gouverner l’Empire romain de Trajan à 410 après J-C ». En décrivant et en analysant les structures et les modes de gouvernement de l’empire romain mis en place et perfectionnés au fil des difficultés voire des « crises » rencontrées, cette synthèse réussit à englober les principaux aspects de la question avec simplicité, rigueur et efficacité tout en ne négligeant pas les dynamiques. Ainsi, sous la direction d’Estelle BertrandEstelle Bertrand est ancienne élève de l’ENS Ulm, agrégée de Grammaire, ancienne membre de l’École française de Rome et maîtresse de conférences HDR en histoire romaine à l’Université du Mans. Ses recherches portent sur l’historiographie de Rome en grec à l’époque sévérienne et sur l’histoire politique et culturelle de l’Empire romain. Éditrice de Cassius Dion dans la CUF des Belles Lettres, elle a co-dirigé l’ouvrage Cycles de la Nature, Cycles de l’Histoire (Rennes, PUR, 2015). Dans le présent ouvrage, qu’elle a coordonné, elle a rédigé “Les Antonins” et “Les Sévères” de la partie Repères, la partie “Les territoires de l’Empire” du thème Espace impérial, “La mise en défense de l’Empire” du thème Défense et sécurité, “Langues et cultures gréco-romaines en partage” et “Religions païennes” du thème Assurer l’unité de l’Empire, l’“Introduction”, l’“Historiographie du Haut-Empire” et les chapitres concernant les sources littéraires païennes, les sources papyrologiques, les sources documentaires et les sources archéologiques, ainsi que les Outils du volume., les auteurs Agnès BérengerAgnès Bérenger est ancienne élève de l’ENS Ulm, agrégée de Lettres classiques, ancien membre de l’École française de Rome et professeure d’histoire romaine à l’Université Paul-Valéry-Montpellier 3. Ses recherches portent sur l’histoire politique et administrative de l’Empire romain ainsi que sur les rapports entre centre et périphérie. Elle a notamment publié en 2014 un ouvrage consacré au Métier de gouverneur dans l’Empire romain de César à Dioclétien (Paris, De Boccard). Dans le présent ouvrage, elle a rédigé les parties “Les structures du territoire” et “La population de l’Empire” du thème Espace impérial, “Sénat et sénateurs”, “Chevaliers” et “Élites provinciales” du thème Les structures de gouvernement, “La Ville de Rome”, “Le gouvernement des provinces”, “Circulations et réseaux”, “La gestion des personnes” et “Cités et curiales” du thème Administrer l’Empire, ainsi que le chapitre concernant les sources épigraphiques., Pierre CosmePierre Cosme est ancien élève de l’ENS Fontenay/Saint-Cloud, agrégé d’Histoire, ancien membre de l’École française de Rome et professeur d’histoire romaine à l’Université de Rouen. Spécialiste de l’armée romaine, ses recherches portent principalement sur l’histoire politique et militaire de l’Empire romain. Il est l’auteur de L’armée romaine VIIIe siècle av. J.-C.-Ve siècle ap. J.-C. (3e éd. mise à jour, Paris, Armand Colin, Collection U, 2021) et de L’État romain entre éclatement et continuité (L’Empire romain de 192 à 325) (Paris, Seli Arslan, 1998), Le récit de guerre comme source d’histoire de l’Antiquité à nos jours (en collaboration, Presses universitaires de Franche-Comté, 2022. Dans le présent ouvrage, il a rédigé “Les ‘crises’ du IIIe siècle” et “La Tétrarchie et la monarchie de Constantin” de la partie Repères, “Le Prince” et “La chancellerie impériale” du thème Les structures de gouvernement, “L’Armée du Haut-Empire” du thème Défense et sécurité de l’Empire, “La justice”, “Les finances” et “La gestion des ressources” du thème Administrer l’Empire, ainsi que l’historiographie de l’Antiquité tardive et le chapitre concernant les sources numismatiques., Sylvain JanniardSylvain Janniard est ancien membre de l’École française de Rome, agrégé d’histoire et maître de conférences en histoire romaine à l’Université de Tours. Ses recherches portent sur la guerre et sur les relations entre monde militaire et monde civil dans l’Antiquité tardive. Il est l’auteur de nombreux articles consacrés à l’armée dans cette période et l’éditeur de plusieurs volumes sur le même thème. Dans le présent ouvrage, il a rédigé “La dynastie constantinienne” et “La dynastie valentiniano-théodosienne” de la partie Repères, les parties “L’armée de l’Antiquité tardive” et “La défense de l’Empire” du thème Défense et sécurité de l’Empire, ainsi que le chapitre concernant les sources juridiques et Le récit de guerre comme source d’histoire de l’Antiquité à nos jours (en collaboration, Presses universitaires de Franche-Comté, 2022. et Rita Compatangelo-SoussignanRita Compatangelo-Soussignan est professeure d’histoire romaine à l’Université du Mans. Ses recherches portent sur les paysages anciens, la géographie et l’histoire des sciences de l’Antiquité. Elle est l’éditeur scientifique des ouvrages suivants : Cycles de la Nature, Cycles de l’Histoire (Rennes, PUR, 2015), L’expérience de la catastrophe (Norois, 2019), Living with Seismic Phenomena in the Mediterranean and Beyond from the Antiquity to the Middle Age (Archaeopress, 2022). Dans le présent ouvrage, elle a rédigé le chapitre “Le christianisme, des premières persécutions à la religion officielle” du thème Assurer l’unité de l’Empire, ainsi que le chapitre concernant les sources chrétiennes. balayent l’ensemble de la question en y incluant à la fois les dimensions chronologique et spatiale permettant de nuancer et de préciser le propos et donc d’en saisir, avec finesse, toute la complexité politique, judicaire, sociale, religieuse ou militaire.

 

L’architecture, traditionnelle et pertinente, des ouvrages de la collection Clefs-concours ainsi que la plume des auteurs simplifient la lecture et la rendent même très agréable (ce qui n’est pas toujours le cas des livres de concours) :

 

1- L’introduction souligne les principaux enjeux de la question et donc de l’ouvrage. Pour les auteurs il s’agit notamment « de cerner les modalités, les rythmes et les nuances des adaptations du gouvernement de l’Empire aux défis posés entre le début du IIe siècle et le début du Ve siècle » (p.26).

 

2- La présentation des sources disponibles est l’occasion de faire le point sur les sources littéraires, juridiques, épigraphiques, papyrologiques, numismatiques ou archéologiques. Leur grande disparité, en termes de nature, de provenance géographique ou de période de production, y est soulignée. Les sources païennes et chrétiennes sont bien sûr détaillées au travers de grands noms : Cassius Dion, Ammien Marcellin ou Eusèbe de Césarée.

 

3- L’historiographie  permet de mieux saisir les enjeux liés à la question à la lumière des acquis des recherches passées, récentes et actuelles. En voici quelques exemples :

  • La périodisation choisie pour la question au concours atténue les césures académiques : République / Haut-Empire / « crises » du IIIe s. / Antiquité tardive. Le point de départ ne se fait pas avec l’éphémère Nerva, fondateur de la dynastie antonine, mais avec Trajan, honoré du titre d’optimus princeps (le meilleur des princes), qui va stabiliser les structures de l’Empire et assurer son expansion. En s’achevant avec le sac de Rome par les Goths et leur chef Alaric, la césure du sujet, peu traditionnelle, invite donc à s’affranchir de la périodisation habituelle et à réfléchir à la fin d’un processus : « la fin de la centralité du gouvernement de l’Empire et l’achèvement de la décapitalisation de Rome » (p.23). Au cours de l’Antiquité tardive, l’étude des facteurs climatiques et environnementaux viennent renouveler la réflexion sur les causes du « déclin ».
  • L’impérialisme romain, terme remis en cause par Paul Veyne ou Claude Nicolet, a mué en impérialité, néologisme de Fanny Madeline et repris par Frédéric Hurlet. Débarrassée de tout jugement de valeur, l’étude de l’impérialisme s’intéresse désormais davantage aux formes de la domination qu’aux motifs.
  • Ainsi, l’articulation entre le modèle politique et la gestion des territoires (provinces, cités, …) impose l’existence de structures intermédiaires contrôlées et dominées par une administration centrale avec l’empereur à  sa tête. Contrairement aux études prosopographiques, les études les plus récentes portant moins sur les individus mais davantage sur l’exercice en lui-même des fonctions, soulignent bien une forme de « professionnalisation » de ce personnel tout au long de la période.
  • Les circulations entre le(s) centre(s) et les périphéries (aménagement du réseau routier, services publics de correspondance, déplacements du Prince et de ses agents, …) sont désormais étudiées et « traduisent aussi bien l’émergence d’un monde multipolaire que l’adaptation des modes de gouvernements aux besoins de gestion de l’empire » (p.53).
  • Le processus de « romanisation », remis en question notamment dans le contexte de la décolonisation mais nourrit par cette même réflexion, doit rendre compte à la fois de la gestion différenciée de cet empire selon les populations et les espaces et donc d’un pluralisme juridique mais aussi de « l’unification progressive des communautés à travers la diffusion de structures politiques et de lois communes » (p.54).
  • L’étude de la diffusion et des formes du christianisme a fait apparaître la coexistence de plusieurs christianismes au sein de cet empire durant la période. L’influence de cette religion sur la pratique du pouvoir ainsi que les relations entre le Prince et les représentants ecclésiastiques soulignent les profondes transformations de l’Empire ainsi que les nécessaires adaptations des structures et des modes de gouvernement entre le IIe et le Ve s.

 

4- Les repères chronologiques distinguent et approfondissent :

  • la dynastie des Antonins (98-192) de Trajan à Commode en passant par Marc Aurèle
  • la dynastie des Sévères (193-235) de Septime Sévère à Sévère Alexandre en passant par Caracalla
  • les « crises » du IIIe siècle (235-284) avec les incursions répétées des peuples germaniques en Europe ainsi que la dégradation de la situation en Orient jusqu’à l’avènement de Dioclétien
  • la Tétrarchie et la monarchie de Constantin (284- 337) avec la mise en place de la « duplication » Occident/Orient qui n’efface ni les liens ni les spécificités.
  • la dynastie constantinienne (337-363)
  • la dynastie valentiniano-théodosienne (363-410)

 

5- La très riche partie thématique qui embrasse l’ensemble du sujet par des analyses fines et complètes. Cet ouvrage, ne pouvant être exhaustif, le candidat pourra bien sûr se référer aux nombreuses références indiquées dans la bibliographie ou à tout autre livre de synthèse sur cette même question. En voici le sommaire :

L’espace impérial
Les structures du territoire
Rome, capitale
Les provinces
Les cités
La population de l’empire
Les territoires de l’empire

Les structures de gouvernement
Le prince
Sénat et sénateurs
Les chevaliers
La chancellerie impériale
Les élites provinciales

Défense et sécurité
L’armée du Haut-Empire
L’armée de l’Antiquité tardive
La défense de l’Empire
La mise en défense des territoires

Administrer l’Empire
La ville de Rome
Le gouvernement des provinces
Circulations et communications
La justice
Les finances impériales
La gestion des ressources
La gestion des personnes
Cités et curiales

Assurer l’unité de l’Empire
Langues et culture gréco-romaine en partage
Les religions païennes
Le christianisme, des premières persécutions à la religion officielle

 

6- Des outils, en fin d’ouvrage, facilitent la compréhension : arbres généalogiques des dynasties, cartes de l’empire et de ses provinces, schémas sur les carrières sénatoriales et équestres, …

 

7- La riche bibliographie permettra aux candidats de prolonger la lecture ainsi que la réflexion à propos de cette question.

 

Pour les Clionautes, Armand Bruthiaux