Agnès Maupré adapte, au scénario et au dessin, un des classiques des Rougon-Macquart de Zola, Au bonheur des dames. Elle s’inscrit dans la longue suite de romans adaptés en bande dessiné ces dernières années, Zola ayant même déjà connu de telles adaptations chez l’éditeur les Arènes qui a publié Pot-Bouille (dont le personnage central est Octave Mouret que nous retrouvons ici) et La Curée (qui évoque les travaux haussmanniens à Paris présents aussi ici dans cet ouvrage).

Si ce roman de Zola est l’un des plus-connus de l’immense saga des Bougon-Macquart, c’est qu’il offre une description précise, rigoureuse de la société française de cette époque, de la société parisienne, de ses couches populaires aux plus hautes strates de la société. Zola nous y décrit la modernisation de Paris, les changements dans les modes de consommation, le développement du consumérisme, les luttes sociales et les difficiles conditions de vie des plus humbles, notamment dans les rapports dominants-dominés au sein du monde du travail.

Agnès Maupré a choisi de se concentrer sur le personnage de Denise, même si Octave Mouret reste un acteur majeur. Nous suivons donc le parcours chaotique de cette jeune provinciale, en charge de ses deux frères, montant à la capitale pour survivre et dans le même temps fuir son quotidien normand peu réjouissant et sans perspective réelle.

Parcours chaotique, car elle arrive sans repères dans un monde qu’elle ne connaît pas et qui la méprise. Parcours chaotique, car à l’image de ce qui se passe dans le magasin, la société parisienne est en perpétuel mouvement, en perpétuelle transformation. Tout va vite, doit aller vite, et Denise, calme, posée et réfléchie, va devoir s’adapter, ou pas, à cette vie remplie de tumultes et de tensions.

C’est également une histoire d’amours. Denise et ses frères, Denise et Octave, Jean et ses conquêtes, amours tarifés, Octave et ses maîtresses… Bref, toute une galerie de représentation de ce sentiment, telle que Zola aime souvent à le retranscrire, c’est-à-dire rempli de déception, d’intérêt et parfois de véracité.

Au dessin, Agnès Maupré prend le parti d’utiliser un trait de dessin très vif, virevoltant, fougueux. D’aucuns regretteront peut-être un certain manque de réalisme et de précision, mais c’est un choix qui s’entend pour retransmettre l’atmosphère d’ébullition de l’époque. Les bulles sont longues, les personnages ont des choses à dire et à transmettre. Cela donne un ensemble verbeux et la BD doit être lue avec attention. Cela retranscrit surement la manière qu’elle a choisi d’utiliser afin de rester fidèle au style littéraire de Zola.

Agnès Maupré livre ainsi une oeuvre convaincante, prenante et elle parvient le difficile pari d’une telle adaptation. C’est notamment pour cela que la BD plaira au plus grand nombre. Elle peut-être facilement utilisée aussi en classe, à la fois par les professeurs de français et d’histoire. Néanmoins, la quantité de lecture rendra cette BD plus utilisable dans complexité et sa densité par des lycéens.

Présentation sur le site de l’éditeur: « Venue de sa lointaine Normandie, Denise arrive à Paris avec ses deux frères sans un sou en poche… D’abord aidée par l’oncle Baudu, un commerçant méfiant, elle va franchir la porte du Bonheur des Dames, un immense magasin de nouveautés qui fait se déplacer tout ce que Paris compte d’élégantes… Engagée comme vendeuse, Denise découvre autour d’elle les rivalités avec les autres vendeuses, devenant vite la victime d’un système aliénant où il faut sans cesse se battre pour vendre et où les amitiés sont rares. Mais la jeune femme va faire la connaissance d’Octave Mouret, le directeur du Bonheur des Dames, un homme de conquête qui ne songe qu’à l’expansion de son magasin, à défaut de trouver l’amour. À moins que la rencontre avec Denise ne vienne bouleverser ses croyances ?« 

Présentation de l’auteur: « D’abord illustratrice aux éditions Bayard, Agnès Maupré a notamment publié Milady de Winter (Ankama), Le Journal d’Aurore (Rue de Sèvres) ainsi qu’une Histoire de la prostitution, avec Laurent de Sutter, dans la collection Petite Bédéthèque des savoirs (Le Lombard). Elle a par ailleurs écrit en 2017 le scénario d’une adaptation de Tristan et Yseult, dessinée par Singeon (Gallimard).«