« Né à Marseille en 1967, Joël Alessandra est un infatigable baroudeur. Alternant carnets de voyages et albums de fiction nourris de contrées lointaines, il explore tout autant le monde que la nature profonde de l’âme humaine. Ses aquarelles vibrantes, profondes et chaudes comme le café qu’il utilise fréquemment pour dessiner, le hissent parmi les plus grands aquarellistes de la bande dessinée d’aujourd’hui. On lui doit notamment Retour du Tchad (2010) et Ennedi, la beauté du monde (2012), tous deux nominés au Grand Prix Michelin du Festival International du Carnet de Voyage de Clermont-Ferrand ainsi qu’une adaptation en 3 tomes du roman d’Amin Maalouf, Le Périple de Baldassarre puis Errance en mer Rouge (2014), album qui reçoit le prix du meilleur album au festival de Nîmes. Il publie un livre de voyage sur l’Est africain : Abyssinie en 2017 et en 2020 La Force des Femmes, un livre engagé mettant à l’honneur des femmes d’Afrique et du Maghreb. »

Les voyages d’Ibn Battuta est la 2e oeuvre de Lofti Akaly consacrée au juriste et voyageur arabe Ibn Battûta, figure du début du XIVe siècle, dont les actes sont passés à la postérité et à la légende magnifiée, et contestée, dès son vivant. C’est un récit à la première personne qui nous est proposé ici, dans une immense bd de près de 250 pages. C’est tout simplement une mise en image de la rihla d’Ibn Battûta.

Elle démarre par un constat simple: le récit d’Ibn Battûta est rejeté dès son vivant par certains lettrés, juristes et savants qui l’accusent d’envoi magnifié son récit, travesti la réalité et qui mettent en doute la véracité de son expédition. Reçu par le sultan du Maroc à Fez, le voyageur va s’atteler à la retranscription la plus précise et la plus fidèle de son parcours devant son maître, malgré les quolibets de celui qui est chargé par le sultan de rédiger le récit de voyage d’Ibn Battûta, Ibn Juzzayy.

De son départ de Tanger, à seulement 21 ans, jusqu’à son retour à Fez, après plus de 100 000 km effectués dans des conditions très souvent précaires, habité par l’idée qu’il est protégé de Dieu et là pour retranscrire les merveilles de Sa création, Ibn Battûta livre à son maître des paysages, des décors, des architectures, des scènes de la vie quotidienne, des descriptions précises du fonctionnement des sociétés qu’il croise au cours de ses pérégrinations. Il raconte aussi la réalité d’un pèlerinage, la réalité socio-économique des villes, régions et pays qu’il visite.

C’est enfin une réelle ouvre d’anthropologie sociale, notamment religieuse, car il se retrouve confronté à de nombreuses reprises à des musulmans qui ne pratiquent pas la religion comme lui, bien évidement des chiites, mais surtout des populations éloignées des centres de l’empire arabe, souvent mal converties et qui mêlent à leur pratiques des restes de croyances antiques et païennes.

C’est ce long voyage, qui l’emmène jusqu’en Chine, qui nous est dessiné par Joël Alessandra. Il faut insister ici sur la très grande qualité du travail du dessinateur. Cette BD est tout simplement magnifiquement illustrée, avec des doubles planches de décors, des pages d’une beauté incroyable, des chapitrages somptueux. Ce travail permet à la fois une profonde immersion dans les sociétés retranscrites par Ibn Battûta, mais aussi une réelle plongée dans la réflexion du voyageur. L’ensemble est d’une grande richesse et d’une précision redoutable. Il nous permet de voyager, de nous prendre pour cette figure légendaire qu’est Ibn Battûta.

Pour terminer ce compte-rendu, il apparaît évident, dès l’époque, qu’Ibn Battûta n’a pas pu effectuer l’ensemble des voyages qu’il raconte. Plusieurs savants doutent, à juste titre, de la réalité des descriptions et il s’avère qu’Ibn Battûta n’a pas pris de notes tout au long de son périple et s’est approprié des témoignages, des rumeurs, des on-dit. Cependant, il est certain qu’il a voyagé, qu’il a rencontré et traversé des contrées comme peu avaient fait avant lui. Même s’il a enjolivé des passages de sa rihla, il n’en reste pas moins que son parcours d’homme est exceptionnel, à plus d’un titre. Et c’est ce qui nous est proposé ici, de sublime manière répétons-le, par les auteurs.

Présentation sur le site de l’éditeur: « En 1354 quand Ibn Battûta revient à Fez au Maroc, il rentre d’un périple qui aura duré 29 ans. Un pèlerinage à La Mecque en 1325 a ainsi conduit l’aventurier aux quatre coins du monde, en Afrique, en Espagne, en Inde, des Maldives, jusqu’en Chine.Trop peu connu en France, ce Marco Polo musulman est un des plus grands voyageurs de l’histoire. Né à Tanger, il est même à l’origine de la consécration du récit de voyage en genre littéraire dans le monde musulman au XIVe siècle quand il publie sa « rihla » un mot qui à l’origine signifie « voyage », à l’origine de cette adaptation. »

Présentation des auteurs: « Né en 1943, Lofti Akalay appartient à une famille tangéroise de père en fils. Sa parole libre en fait une figure de Tanger dont il sait aussi se moquer. À partir de 1990 et jusqu’en 1994, il rédige de savoureuses chroniques humoristiques pour Al Bayane, quotidien de gauche, organe de la classe ouvrière, puis il opte pour La Vie Économique, porte-parole des milieux d’affaires. Charlie Hebdo publie une de ses nouvelles, Le Candidat, sous forme de feuilleton durant l’été 1995. En mai 1996, Lotfi Akalay publie aux Éditions du Seuil son premier roman, intitulé Les Nuits d’Azed, livre traduit en plusieurs langues. En 1997, il publie des billets d’humeur dans le mensuel Femmes du Maroc. En juin 1998, il publie Ibn Battouta, Prince des voyageurs aux éditions casablancaises Le Fennec, passionnant récit de voyages du « premier touriste du monde ». Lotfi Akalay était, par ailleurs, le directeur de l’agence de voyages Calypso. Il s’éteint le 18 décembre 2019. »