Cet ouvrage est le catalogue de l’exposition qui s’est tenue au Musée royal de Mariemont (Belgique) du 26 mai au 2 décembre 2018, publié sous la direction d’Annie Verbanck-Piérard, Véronique Boudon-Millot et Danielle Gourevitch. Comptant plus de trente contributions, il présente le savoir médical antique à travers l’un de ses plus illustres représentants, Galien. Au-delà de la médecine, c’est à une découverte du monde dans lequel a vécu le médecin grec que nous convient les auteurs, à savoir l’Empire romain du IIe siècle de notre ère. Certains articles s’écartent donc du champ de la médecine pour aborder « La vie à Rome au IIe siècle » (J. Scheid) ou « Le bilinguisme gréco-romain au IIe siècle » (B. Rochette).
Connaître Galien
La littérature galénique est un monument en soi. Pléthorique, elle représente à elle seule le huitième de la littérature grecque conservée. Certains écrits ont encore été récemment découverts, à l’image du traité « Ne pas se chagriner » (2005).
Le parcours de Galien nous est relativement bien connu, non seulement parce qu’il a beaucoup écrit, mais surtout parce qu’il a livré des détails sur sa vie. Sa brillante carrière le conduit du poste envié de médecin des gladiateurs de Pergame, sa ville natale, jusqu’aux cercles du pouvoir impérial à Rome. Le règne de Marc Aurèle, marqué par la peste antonine, est sa période la plus féconde en tant que médecin. Il élabore pour l’empereur la thériaque, une préparation à base d’opium que ce dernier affectionne particulièrement. Le règne de Commode est plus difficile à vivre pour Galien, privé de certains de ses amis persécutés par le pouvoir impérial. Toujours présent aux côtés de Septime Sévère, il se retire ensuite et disparaît probablement sous le règne de Caracalla.
La formation d’un médecin grec
L’ouvrage nous immerge dans le milieu et la formation intellectuels grecs. Avant de s’orienter vers la médecine, Galien a étudié la philosophie en se formant dans les quatre écoles principales (stoïcisme, platonisme, aristotélisme, épicurisme). Mais son attrait pour la philosophie s’amenuise lorsqu’il constate les contradictions entre écoles ainsi que les contradictions internes aux différentes écoles. Il emprunte alors une autre voie, celle de la médecine, et se forme lors de voyages où il côtoie de grands maîtres, en Grèce, en Asie Mineure ou en Égypte. Il arrive à Rome à l’âge de 32 ans avec un savoir médical déjà établi.
Pratiquer la médecine à Rome
La médecine grecque se développe en Italie à partir du IIe siècle av. J.-C., lorsque Rome commence à se tourner vers le monde et la culture helléniques. Auparavant, c’est le chef de famille qui se charge d’administrer les soins. Cette médecine s’impose peu à peu et dès la fin de la République, avoir un médecin grec est à la mode dans les grandes familles.
La médecine grecque à l’époque de Galien est divisée en différentes écoles qui adhèrent chacune à des principes méthodologiques communs (V. Boudon-Millot). On dénombre trois écoles principales : l’école dogmatique ou logique, l’école empirique et l’école méthodique. Il en ressort une division profonde du milieu médical et une concurrence exacerbée. L’originalité de Galien est de se positionner au-dessus de ces écoles traditionnelles, ce qui ne l’empêche pas de faire l’objet de vives critiques. Il fonde sa démarche sur la raison et l’expérience mais malgré la rationalité de ses diagnostiques, il lui arrive de recourir à des méthodes qui nous paraissent peu scientifiques. Il préconise par exemple l’usage d’amulettes ou se fie à l’expérience commune (D Gourevitch). La médecine grecque est donc en concurrence avec d’autres formes de soins, qui se concurrencent autant qu’elles se complètent (I. Israelowich).
Les patients de Galien appartiennent à des sphères très variées. Il soigne tout le monde, de l’empereur à l’esclave, contre argent ou parfois gratuitement. Tous les cas médicaux l’intéressent, sa curiosité paraît sans limites et le pousse à s’inviter chez des malades sans y être convié, voire à chercher à les soigner contre leur gré.
Les objets de la médecine
La dernière partie de l’ouvrage est plus particulièrement consacrée aux objets exposés. On y découvre du matériel de médecine, des boîtes et flacons, des papyrii et ouvrages de Galien recopiés et transmis jusqu’à nous, des cachets d’oculistes ou encore des instruments de chirurgie, notamment des sondes et scalpels qui permettent des opérations étonnamment complexes témoignant de l’audace des médecins grecs. Galien, chirurgien accompli, était capable entre autres d’opérer les intestins et la paroi abdominale. Il a également pratiqué des démonstrations anatomiques sous forme de dissections à destination de ses étudiants, mais aussi à quelques occasions des vivisections animales à destination d’un public de curieux.
D’autres objets tels que des bustes d’empereur viennent compléter l’exposition et mettent en perspective le monde dans lequel a vécu Galien.
L’héritage de Galien
Aujourd’hui, tout étudiant en pharmacie qui soutient sa thèse d’exercice prête le serment de Galien sur le modèle du serment d’Hippocrate prêté par les médecins. Pourtant les écrits de pharmacologie ne constituent qu’une partie de l’œuvre du médecin grec qui a aussi travaillé sur l’anatomie, la physiologie, les sciences cliniques. « Il apparaît comme le vrai précurseur de la médecine moderne, non parce qu’il avait raison sur tout, mais parce qu’il a jeté les bases d’une médecine basée sur l’observation, sur l’objectivation de la clinique, en fait sur une science médicale qu’il a essayé, de toutes ses forces, de communiquer et de transmettre de façon logique et ordonnée, transcendant les disparités des savoirs médicaux de son temps. (P. Verbacnk, p. 155).