Le 2 septembre 31 avant J.-C. se déroula au large du golfe d’Ambracie, dans l’Adriatique, au Nord de la Grèce, une bataille navale qui changea le cours de l’histoire romaine. Dans ce court texte, Pierre Cosme revient sur les enjeux politiques, et idéologiques, plus que strictement militaires, de ces évènements.

Un affrontement inéluctable

Le triumvirat instauré en 43 laissa place en 36, une fois Lépide écarté, à un affrontement entre les seuls Octavien, maître des provinces occidentales, et Marc-Antoine, en charge de l’Orient. Ce dernier, bien que très populaire auprès de ses soldats, est affaibli par l’échec de sa tentative de conquête du royaume parthe en 36. Sa liaison avec Cléopâtre constitue une évidente autre faiblesse.

Chacun tente durant ces années de se concilier les bonnes grâces du peuple romain, à grand renfort de travaux édilitaires. Octavien peut compter pour cela sur le fidèle Agrippa, qui montre alors son talent logistique. La calomnie de l’adversaire est un autre outil largement utilisé : à la couardise d’Octavien sont opposées la mollesse et les turpitudes de Marc-Antoine.

En février 32, c’est la rupture. Les proches de Marc-Antoine quittent Rome et le rejoignent à Éphèse. Il peut compter sur des troupes nombreuses, fournies entre autres par les royaumes clients,
dont l’Égypte. Mais il ne peut recruter en Italie, ni promettre un butin important, et doit faire face à des divisions entre ses alliés. Octavien dispose de deux fois moins de navires, 400, qui sont toutefois beaucoup plus maniables. Il peut aussi recruter en Italie des vétérans aguerris et faire miroiter un fabuleux butin, tant aux sénateurs qu’aux simples soldats. Car c’est à Cléopâtre qu’il déclare la guerre selon les formes traditionnelles.

Après une tentative échouée de débarquement en Italie, Marc-Antoine se replie pour l’hiver dans le golfe d’Ambracie. Il espère sans doute que affaiblir Octavien en l’éloignant de sa base. Mais il se fait surprendre lors qu’Agrippa prend Méthone, au Sud-Ouest du Péloponnèse, et coupe ainsi les lignes de ravitaillement. Dès lors, Agrippa et Octavien peuvent enfermer Marc-Antoine, dont les troupes sont victimes de maladie et de trahisons diverses. Contraint et forcé, il doit donc livrer bataille, en laissant derrière lui une partie de ces troupes à terre.

Octavien, maître du monde

Le 2 septembre, les troupes de Marc-Antoine sont défaites. Lui même parvient à rejoindre Cléopâtre, qui est passée à travers les lignes ennemies, mais pas à rétablir le contact avec ses troupes à terre, qui finissent par se rendre.
Pourtant, tout n’est pas gagné pour Octavien : il doit réprimer une tentative de conspiration en Italie et surtout gérer la démobilisation d’une partie de ses troupes, qu’il installe sur les terres prises aux fidèles de son adversaire. Dans les mois qui suivent, il resserre l’étau autour de Marc-Antoine et de Cléopâtre, en débauchant leurs alliés les uns après les autres. À l’été 30, Marc-Antoine se donne la mort, Cléopâtre est prise par ruse avant de réussir à se suicider.

Octavien est dorénavant maître du monde romain. Il transforme l’Egypte en province mais refuse de la confier à un sénateur, de peur qu’elle ne serve de tremplin. Il y nomme de préférence un chevalier. Pour les autres royaumes orientaux, il conserve le système d’administration indirecte mis en place par son adversaire malheureux… après lui avoir reproché de trahir les intérêts de Rome en procédant ainsi. Le 11 janvier 29, les portes du temple de Janus sont solennellement fermées, pour montrer que le temps des guerres civiles est définitivement terminé.

L’auteur souligne à juste titre l’importance de la propagande et l’absence totale de scrupules d’Octavien en la matière. Il insiste sur le rôle joué par les richesses de l’Egypte, qui faisaient rêver les ambitieux romains depuis des décennies. Selon lui, le choix des provinces orientales fut une erreur qui affaiblit durablement Marc-Antoine, en laissant Octavien le présenter sous un jour noir et agir avec une plus grande liberté.