Approche très originale pour ce colloque de 2011 organisé à Lyon, à la suite d’une réflexion collective menée pendant deux ans dans le cadre d’un séminaire mensuel sur la question du périurbain de l’Antiquité à nos jours. Leurs organisateurs, des professeurs d’histoire grecque et médiévale, ont voulu comprendre comment s’est construit « un équilibre social, économique et culturel, fondé sur l’interrelation entre la ville, le périurbain et le territoire, chaque zone ne pouvant être pensée que l’une par rapport à l’autre » (p. 7). Cette approche historique de cet espace est très innovante et vise à inciter les chercheurs à s’intéresser à ces espaces jusque-là délaissés, faute de sources. L’archéologie et les sources fiscales peuvent toutefois expliquer beaucoup de choses sur le passé de ces espaces situés au-delà des murs, comme en attestent les articles de ce volume.
L’ensemble s’organise en quatre grandes parties. La première présente les mises au point synthétiques réalisées par un sociologue (Jean-Louis Authier), un géographe (Laurent Coudroy de Lille) et des historiens (les coordonnateurs du volume). C’est une partie extrêmement intéressante posant les jalons de la question périurbaine d’hier à aujourd’hui, en réfléchissant, notamment, à la manière dont peut être défini cet espace au fil du temps. « De fait, si les termes de périurbain et de périurbanisation sont relativement récents, le phénomène de périurbanisation, est, lui beaucoup plus ancien, avec le développement des faubourgs » (p.17). Ces espaces aux marges des villes ont été vus au cours de l’histoire comme des espaces suspects menaçants la ville elle-même : la Charte d’Athènes développe un discours stigmatisant sur les banlieues, « sorte d’écume battant les murs de la ville (et) devenue marée puis inondation au cours des XIXème et XXème siècles. » (p. 28).
La confusion entre faubourgs, arrière-pays, banlieues, suburbain, périurbain, infra-urbain, rurbain, marges, périphéries, franges,… est la caractéristique de la perception de cet espace au fil du temps dont les limites demeurent très floues. Globalement, cet espace est celui qui accueille les activités que la ville ne veut pas (cimetières à l’époque antique, activités polluantes), ainsi que des populations précaires. Aux XIXème et XXème siècles, « l’espace suburbain est le creuset d’un nouveau mode de vie marqué par l’alternance du labeur et de la gaité dominicale, l’habitus des déplacements et des échanges n’excluant pas un fort enracinement local. » (p. 55). « Vivre dans le périurbain, c’est s’installer non seulement « à la campagne » mais « dans le mouvement » comme le dit Donzelot en 2004.
Les trois autres parties rassemblent les textes de participants au colloque selon trois grandes thématiques : celles des paysages périurbains, des sociétés et des activités périurbaines et des visions et des représentations. Portants sur des micro-objets, certains textes ne sont pas toujours faciles d’accès sans une bonne connaissance du contexte historique ou une maîtrise de prérequis les multiples sigles employés par l’équipe ayant travaillé sur les dynamiques des hydrosystèmes périurbains nous sont demeurés étrangers. S’il aisé de comprendre que BV signifie bassin versant, qu’en est-il de DO, des RUTP… ?. Toutefois, les articles de Patricia Lejoux, de Josette Debroux ou de Nathalie Ortar examinant l’action des entreprises dans le mouvement de périurbanisation pour la première et la composition sociologique du périurbain pour les secondes intéresseront les géographes du périurbain. De même, les textes portant sur l’appropriation des espaces périurbains lyonnais au cours des XIXème et XXème sont éclairants pour comprendre les difficultés de gestion (policière, entre autre) de ces espaces en forte croissance démographique dans un contexte de révolte populaire (celles des Canuts) et comment s’amorce à cette époque le mouvement de périurbanisation à partir des lieux de villégiature de la bourgeoisie lyonnaise. Le volume s’achève sur le brillant article de José-Luis Oyon et Marta Serra portant sur les « maisons de Reclus ». Les deux auteurs proposent de lire le rapport ville-campagne à partir des 38 domiciles occupés par le géographe et de voir comment s’élabore l’habitus périurbain de Reclus et de ses proches avec qui il vivait en communauté. Une autre manière de voir notre anarchiste géographe préféré mais aussi de comprendre le périurbain !
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes