Navigable depuis St Rambert, La Loire forme avec ses affluents un réseau pénétrant au cœur du royaume en relation avec Paris grâce aux canaux. C’est l’axe majeur du commerce intérieur assurant la liaison entre Méditerranée et Atlantique. C’est cet ensemble sur deux siècles qu’étudie Françoise de Person.
Les documents iconographiques et les sources textuelles donnent vie à cette étude minutieuse.
Le métier
C’est d’abord une présentation très précise de l’outil de travail des bateliers : les bateaux et leurs caractéristiques techniques, l’adaptation aux conditions particulières de navigation sur un fleuve soumis à un régime des eaux très inégal. S’appuyant sur de nombreux témoignages l’auteur évoque le rythme des voyages.
La nature sauvage de la Loire est abordée au chapitre 2, le développement insiste sur l’importance du balisage du chenal décidé et entretenu par la communauté marchande. La précision des descriptions entraîne le lecteur dans la vie des hommes de la Loire et notamment dans les querelles entre meuniers et bateliers. L’auteur insiste sur la dangerosité de la navigation du fait des ponts.
Le chapitre suivant est consacré au commerce : marchands, marchandises transportées, soins portés au chargement de blé, d’eau de vie, durée des transports mais aussi nature des contrats (la lettre de voiture) entre marchands et voiturier d’eau pour la sécurité du voyage et de la cargaison.
Les grandes routes du commerce
Prenant de la hauteur après le quotidien au ras du fleuve l’auteur s’intéresse aux frets traditionnels : vin, pierre, bois à l’échelle du bassin de la Loire. L’inventaire des frets renseigne sur l’économie de chaque portion du fleuve. L’auteur aborde d’abord un produit d’exportation vers Paris et la Hollande, les vins et alcools mais la Loire voit aussi passer de lourds chalands de matériaux de construction : sable, pierre pour bâtir ponts et villes. Enfin c’est le bois sous toutes ses formes : bois d’œuvre (charpentes et parquets), bois de chauffe pour Paris, bois de vigne (piquets et tonneaux) et même sabots sans oublier les bois de marine qui descendent le fleuve par trains de bois.
D’autres transports sont plus risqués. L’auteur montre le rôle fondamental de la Loire dans l’approvisionnement en blés des villes jusqu’à la capitale via le canal de Briare. En période de disette les bateaux sont interceptés sur ordre des échevins comme à Blois en 1662 ou pillés par les riverains (1693 – Cosne sur Loire, 1774 Savonnières sur le Cher).
Un autre produit de première nécessité est analyse : le sel, marchandise surveillée ou de contrebande qui remonte depuis Nantes.
Au-delà des cinq grands produits d’autres cargaisons montrent le souci de diversification comme le poisson d’eau douce en bateaux viviers ou de mer, les poteries et faïences régionales ou des produits plus exotiques : huile d’olive, savon, coton, fromage de gruyère, café, sucre… qui montrent que la Loire est un axe de redistribution.
Le XVIIIe siècle marque une révolution avec deux nouveaux produits : le sucre des Antilles, un produit fragile et le charbon de terre dont la première mention date de 1631 qui remplace peu à peu le bois.
Un frein au développement du trafic est le grand nombre de péages. Les marchands en dénoncent l’âpreté et n’hésitent pas à résister.
Les hommes des bateaux
La troisième partie est consacrée à la vie des équipages.
Sont abordées les conditions de vie à bord : nourriture, boisson, vêtements mais aussi l’organisation du travail à l’aide des contrats qui lient marchands, maîtres-bateliers et voituriers.
La navigation n’etait pas sans risque, les naufrages fréquents, de gravité variable sont illustrés par des textes comme celui sur la débâcle de l’hiver 1789.
Enfin l’auteur a recours aux témoignages des voyageurs pour compléter son tableau, humbles passagers des « cabanes » ou princes d’Orléans.
La conclusion revient sur les solidarités batelières entre violence et entraide