« … d’au milieu de ces hommes levés,
on vit donc ressurgir les géants oubliés » (Aragon, La Diane française).
Historien et fils du lieutenant-colonel Félix Broche, tué à Bir Hakeim le 9 juin 1942, François Broche vient de publier aux éditions Perrin un ouvrage consacré à la célèbre bataille. Bir Hakeim, tout le monde connait cette station du métro parisien. Mais Bir Hakeim, c’est bien davantage : c’est là-bas qu’en juin 1942, en Lybie, le général Koenig résista aux Allemands et à leurs alliés pendant 15 jours, et ce à un contre dix !
Cette bataille permit ainsi à la huitième armée britannique de se replier en bon ordre. Ce fait d’arme fut non seulement un succès militaire de la France libre et du général de Gaulle, mais aussi une réussite politique. C’était en effet une sacrée réclame pour la France, il y eut 1.500 tués, blessés et prisonniers chez les Français et 272 ennemis furent faits prisonniers, dont 149 Italiens et 123 Allemands.
De nombreuses incertitudes pèsent sur le nombre de pertes humaines de l’Axe. Ainsi que le relève à cet égard l’auteur, les estimations les plus contradictoires et fantaisistes ont été faites. A coup sûr, le bilan est néanmoins très élevé, car les effectifs des forces engagée sur ce théâtre d’opération avaient été très nombreux (plus de 30.000 soldats).
Les pertes matérielles furent, elles aussi, extrêmement lourdes: 52 chars, 11 automitrailleuses, 5 canons, plusieurs dizaines de camions détruits ainsi qu’une dizaine d’avions abattus par la DCA de la France Libre. Sur le plan stratégique, ce fut également un succès ! L’Afrikakorps dirigé par Rommel y subit un retard qu’il ne rattrapa jamais. Durant cette bataille, Rommel commit une erreur stratégique d’envergure en surestimant l’importance de Bir Hakeim. Pour Sir Winston Churchill, sans Bir Hakeim, la Seconde Guerre mondiale aurait duré deux années de plus.
Bir Hakeim connut un retentissement dans le monde entier. Dans la bibliographie qu’il a consacrée à Rommel, l’historien allemand Lutz Koch cite d’ailleurs cet hommage paradoxal du Führer: « c’est bien une nouvelle preuve de la thèse que j’ai toujours soutenue, à savoir que les Français sont, après nous, les meilleurs soldats de toute l’Europe. (…) Il nous faudra absolument, après cette guerre, nouer une coalition capable de contenir militairement un pays capable d’accomplir des prouesses sur le plan militaire qui étonnent le monde comme à Bir Hakeim ».
En effet, des groupes de Résistants français s’y illustrèrent. Tous les participants à ce fait d’arme connurent la gloire, comme par exemple le général Koenig qui fut fait maréchal à titre posthume en 1984. Ce succès permit à la France de commencer sa renaissance, sa régénération. Cette victoire renforça la détermination des Alliés au moment où ceux-ci connaissaient de grandes difficultés. Bir Hakeim apporta la preuve « qu’on peut espérer contre toute espérance. Et ce n’est pas la moindre des leçons que nous ont laissées ceux qui y combattirent. (…) Pour eux, tout est fini. Pour nous, tout commence. Par nous, si nous le voulons fermement, la France invaincue demeurera toujours » (RP Savey).
Au cours de cet ouvrage très documenté, François Broche revient sur les grands enjeux de la bataille ainsi que sur son contexte. Ensuite, après le récit linéaire de la bataille, certains points particuliers sont abordés. Il s’agit, tout d’abord, de saisir pourquoi Rommel s’obstina à vouloir prendre Bir Hakeim. L’historien se demande également si Koenig était le seul vainqueur et si Koenig céda au désespoir et voulut se rendre aux Allemands.
Comportant de nombreuses notes permettant d’approfondir le sujet, cet ouvrage est très agréable à lire.
Jean-Paul Fourmont