L’illustrateur Marcus Kwame Anderson et l’auteur de BD et cinéaste David F. Walker consacrent un roman graphique dense et documenté au mouvement des Black Panthers, qui met en avant les grandes figures du mouvement. Le programme Cointelpro du FBI pour les discréditer est largement évoqué.

Avant les Panthers

Les auteurs retracent d’abord l’histoire des luttes des Noirs Américains pour la liberté et l’égalité. Ils présentent les grandes figures du mouvement comme W.E.B. Du Bois, Marcus Garvy, fondateur de l’Universal Negro Improvement Association, Wallace D. Fard, fondateur de la Nation of Islam. Ils reviennent sur la difficile déségrégation des écoles ainsi que sur l’assassinat d’Emmett Till, adolescent de 14 ans tué et mutilé pour avoir sifflé une femme blanche. Les actions dans les bus, celles de Martin Luther King sont aussi évoquées. L’attentat de 1963 perpétré par le Ku Klux Klan dans une église baptiste, tue également quatre adolescentes. Les violences envers les militants marque également les esprits comme les meurtres de Medgar Evers devant chez lui en 1963 ou ceux d’Andrew Goodman, James Chaney et Michael Schwerner lors d’une campagne d’inscription des électeurs noirs dans le Mississippi en 1964.

Face à ces violences, la lutte non-violente prônée par le SNCC (Student Non Violent Coordinating Committee) suscite des doutes. Stokely Carmichael et d’autres membres de l’organisation  forment un parti politique dans le comté de Lowndes en Alabama et adoptent une panthère noire comme mascotte. Leur parti est rapidement surnommé le Black Panther Party. Stokely Carmichael prononce un discours sur le Black Power à Greenwood dans le Mississippi en 1966 et prend alors ses distances avec le SNCC.

1966 – La naissance des Panthers

Bobby Seale et Huey P. Newton fondent le Black Panther Party for self-defense en octobre 1966 à Oakland, en Californie. Le contexte des violences policières, le parcours de deux fondateurs, leurs influences intellectuelles sont mises en avant. Le programme en 10 points du nouveau mouvement donne aussi lieu à une double page, complétée par les portraits des premiers Black Panthers.

1967 – Les Panthers se déchaînent – Première confrontation

Les Panthers se font rapidement remarquer en tenant tête aux policiers, en assurant la sécurité de Betty Shabazz, la veuve de Malcolm X. En 1967, ils enquêtent sur le meurtre de Denzil Dowell et notent d’importantes incohérences dans le rapport de police, qui laissent penser à une bavure policière. Ils publient ces éléments dans le premier numéro de leur journal : The Black Panther, publication développée par Emory Douglas. La publication, qui représente 537 numéros entre 1967 et 1980, participe à l’identité visuelle du mouvement. Forte de tirages importants, atteignant 300 000 exemplaires à son apogée, elle permet aussi la diffusion d’informations et la mobilisation des sympathisants. Le journal, vendu dans les rues, constitue également la première ressource financière du parti.

Face à la montée en puissance des Black Panthers, Don Mulford, élu républicain à l’assemblée de Californie, est à l’origine du projet de loi AB-1591 visant à interdire le port d’une arme à feu chargée en public. Une délégation armée des Black Panthers se rend alors à Sacramento, devant le Capitole local. Ils entrent dans le bâtiment. Leurs armes sont saisies et ils sont expulsés de la chambre. Cet incident leur assure une forte couverture médiatique, facilitant le recrutement des Black Panthers. La loi est cependant adoptée et les Black Panthers sont présentés comme une menace pour les Etats-Unis, dans le contexte des émeutes raciales de 1967.

En 1968, Huey Newton est condamné pour l’homicide volontaire d’un policier lors d’une altercation dans des conditions troubles. Le mouvement « Free Huey » mobilise bien au delà des Black Panthers.

1968 – Ennemis publics

Le Black Panthers Party prend de l’ampleur et se structure. Ils inspirent différents mouvements aux Etats-Unis comme les Brown Berets qui défendent les hispaniques ou l’American Indian Movement. Les White Panthers sont des alliés des Black Panthers. Ade même, à l’étranger, des organisations similaires se mettent en place comme les British Black Panthers ou le Black Panther Party d’Australie. Ce dernier défend les Aborigènes.

Mais le FBI met en place une politique de contre-espionnage envers tous les mouvements noirs : le COINTELPRO. J. Edgar Hoover vise les mouvements pacifistes comme les mouvements plus radicaux. Lors de l’assassinat de Martin Luther King, les Black Panthers sont divisés entre appels au calme et désir de vengeance. Eldridge et Kathleen Cleaver s’installent en Algérie pour fonder le premier bureau international du BPP. D’autre part, le parti met en place un code de conduite pour exclure des membres dangereux.

Bobby Seale se retrouve à la tête du parti. Il décide d’en renforcer la dimension sociale en organisant des petits-déjeuners gratuits et en renforçant les programmes éducatifs. Cela accroit ainsi leur dangerosité aux yeux d’Hoover. L’élection de Richard Nixon marque aussi un renforcement de la lutte contre les Black Panthers.

1969 – Victimes de guerre

En 1969, Bunchy Carter et John Huggins, leaders des Panthers sont tués sur le campus de UCLA par une organisation rivale, US (United Slaves). Or, cette rivalité entre les deux organisations a été entretenue par le programme Cointelpro. Deux Panthers de San Diego sont également abattus par des membres d’US la même année.

Pratt prend la tête du mouvement, désigné par un testament de Bunchy Carter. En 1970, il est inculpé de meurtre puis condamné. Sa condamnation est annulée après 27 années d’emprisonnement, Le témoin de l’accusation était un informateur du FBI et le dossier avait été monté de toutes pièces.

21 membres des Black Panthers sont également arrêtés en 1969 et accusés d’actes de conspiration et de terrorisme. Ils sont acquittés des 156 chefs d’accusation. La même année, les 8 de Chicago sont jugés pour les émeutes de 1968 lors de la convention démocrate. Parmi eux, Bobby Seale, souhaite se défendre seul. Ce droit lui est refusé, il est alors bâillonné et enchaîné à son siège. De plus, Seale est ensuite accusé d’un meurtre commis par les Panthers, avant d’être libéré.

Chicago est une ville marquée par les violences policières et les émeutes urbaines. Dans la branche locale naissante des Panthers, Fred Hampton se distingue rapidement par ses qualités d’organisateur et d’orateur. Suite à de multiples arrestations en 1969 parmi les leaders du mouvement, il en prend la tête à l’été 1969. Il est ensuite abattu par le FBI dans son sommeil en décembre 1969. Les policiers, en civil, ne se sont pas identifiés. De plus, les survivants du raid sont accusés de tentative de meurtre de policiers. Fred Hampton a été drogué avant l’attaque par un informateur du FBI. Quelques jours plus tard, une attaque violente de la police vise le siège de Los Angeles.

Newton libéré en 1970, il reprend la tête du parti. Il abandonne la lutte armée pour se consacrer aux « programmes de survie ». Il s’agit des programmes sociaux mis en place par le parti : aide alimentaire, création d’une clinique, campagne de dépistage de la drépanocytose, une maladie qui touche principalement les Noirs… Le programme le plus populaire est l’Oakland Community School.

1971-1988 : Mort des Panthers

Le mouvement est cependant en perte de vitesse, fragilisé par les dissensions internes. Ces divisions vont jusqu’au meurtres de certains membres du parti par des partisans de Cleaver. Ce dernier est partisan d’une évolution immédiate, alors que Newton pense au contraire que le peuple n’est pas prêt. Certains membres radicaux partent vers la Black Liberation Army, une organisation plus violente. Newton, dépendant à l’alcool et à la drogue, multiplie les purges accélérant le déclin du BPP. Il est tué par un dealer en 1989.

Jennifer Ghislain