Brasero est une publication annuelle dirigée par Cédric Biagini et Patrick Marcolini. Ce quatrième numéro propose de nombreux articles organisés en plusieurs cahiers. La revue est richement illustrée de documents de toutes natures.

Quelle est cette revue ?

Comme la revue est encore jeune, il est bon de la présenter. Pour cela, on peut s’appuyer sur le site internet de l’éditeur qui la définit ainsi : « Chez Brasero, nous aimons les gens ordinaires et l’humanité haute en couleur : les dandys et les femmes à barbes, les binoclards et les escogriffes. Nous aimons les en-dehors et les bas-côtés, les armistices et les révolutions, les Atlantides et les Icaries ».

Préliminaires

Le premier article s’intéresse à la prostitution des mineurs dans le Paris de la Belle Époque. A la fin du XIXème siècle, la prostitution ne constitue pas un délit selon le Code civil mais il s’agit d’une pratique réglementée. Les jeunes filles venues de province sont des proies, même si la moitié des mineures prostituées sont natives de la capitale. De nombreux ouvrages de littérature témoignent de la difficulté à s’arracher à cette condition.

Charles Reeve se penche sur l’éducation à l’assujettissement à travers le cas de l’Italie des années 20. Philippe Baudoin s’intéresse lui à une figure très étrange : Geneviève Zaepffel. Elle était voyante au temps de Vichy. Revêtue d’une cape blanche, elle prophétisait sur scène tout en chantant les louanges d’Hitler. Même après guerre, elle réussissait encore à rassembler des foules autour de son nom.

Charles Jacquier s’arrête sur le livre de Simon Leys, paru en 1971, et intitulé      « Les habits neufs du président Mao ». Alors que la période était marquée par une fascination pour le maoïsme, l’écrivain allait à l’encontre de ce mouvement. Sa disparition fit que son oeuvre dut affronter le destin de tout classique : normalisation, panthéonisation, récupération puis oubli. Mathieu Léonard consacre son article à la tentation anarcho-eugéniste.

Cahier présence

Cette deuxième partie commence par la trajectoire de William Seabrook. Cet écrivain fut un adepte des expériences limites puisqu’il fut aussi bien aventurier en Arabie, initié vaudou à Haïti que cannibale d’un soir.

Anne Steiner met en avant une figure d’une femme de combat, Antoinette Sorgue, qui s’est battue pour les droits des ouvriers agricoles. On la retrouve sur une photographie prise en 1907 à Paris lors d’une manifestation.

La revue met bien en avant des figures parfois peu ou mal connues comme celle d’Engelbrekt Engelbrektsson. Il mena une révolte contre le roi de Poméranie au XV ème siècle.

Cahier substance

Gabrielle Smith prépare une thèse sur les liens entre mode et prostitution au XIXème siècle. Elle nous fait découvrir Caroline Otero, une danseuse espagnole surnommée « la reine des diamants ». Plusieurs documents d’époque permettent de la voir et de mesurer son audience. François Jarrige met en lumière, c’est le cas de le dire, Henry de Graffigny. Ce savant et inventeur célèbre vers 1900 a popularisé l’idée de l’électrification même si tous ses travaux n’étaient pas couronnés de succès.

Dans la catégorie insolite, on lira la révolte des unijambistes en 1907. De faux paralytiques leur font concurrence. Alors, quoi de mieux pour protester qu’une marche sur Paris ! Là encore on apprécie la variété et la quantité de documents exhumés et qui redonnent corps à cette réalité.

Cahier marges

Vers 1900 en Allemagne, on voit se créer des communautés qui cherchent à vivre une vie plus proche de la nature. Parmi elles il y a la « Nouvelle communauté ». Il est notamment intéressant de s’intéresser à elle surtout en comparaison d’actuelles formes communautaires. Pierre Thiesset documente un aspect de la lutte des luddistes, ces ouvriers qui luttaient contre leur remplacement par des machines. Il s’agit ici en l’occurrence des soudeurs de boîtes de sardines de Concarneau au début du XXème siècle.

Parcours

Cédric Biagini a réalisé un entretien avec Jeanine Warnod. Ce nom ne vous dit peut-être rien mais elle a connu d’innombrables célébrités. La liste donne le tournis avec notamment Roland Dorgelès, Suzanne Valadon ou encore Chagall  ou Zadkine. Ce ne sont pas moins de vingt pages qui sont consacrées à cet entretien.

Cahier sens

La famille Peignot était une grande famille de fondeurs de caractères des XIXe et XXe siècles. Elle a su intégrer les nouveautés artistiques et techniques de son temps. Plusieurs documents rendent d’ailleurs justice à ces deux aspects. Si dans l’entre deux-guerres les finances étaient loin d’être florissantes, l’après-guerre se révéla encore plus difficile. Après avoir été au sommet, la faillite de l’entreprise est prononcée au début des années 1980. Samuel Dégardin se penche sur l’influence artistique du constructivisme russe en France.

Ce qu’on appelle aujourd’hui le mentalisme a connu des prédécesseurs et c’est à eux que Naly Gérard consacre son article.

Yvonne Gérard fut une chanteuse très connue qui marqua la chanson réaliste de l’entre deux-guerres. Son destin fut marqué par son opiomanie et elle fascina autant qu’elle défraya la chronique.

Cahier pages

Jean d’Halluin dirigea une collection de polars noirs à l’américaine. Dans les clubs de jazz, il croise des figures qu’il amène auprès de lui comme Boris Vian.

Jacques Baujard s’intéresse aux écrivains qui ont écrit sur la boxe. Par ailleurs des chansons sont devenues des classiques dans le monde anglo-saxon comme The boxer de Simon and Garfunkel. Joseph Incardona déclare   « la boxe, comme l’écriture, est affaire d’endurance et de pugnacité ».

La revue se conclut par un tour d’horizon de quelques lectures et en l’occurrence ici par exemple des carnets de guerre de Vassili Grossman.

Comme elle le proclame, la revue Brasero se propose d’éclairer « l’histoire de manière oblique, en privilégiant les contestations, les marges, les personnages et événement obscurs ».