Le présent est ouvrage s’inscrit dans la collection « Géographie sociale » des Presses universitaires de Rennes, dirigée par François Madoré, Raymonde Séchet et Jean-Pierre Wolf. Il rassemble une partie des résultats du projet de recherche « Paysages des franges périurbaines : représentations, indicateurs, outils », financé par le ministère de la Transition écologique et solidaire dans le cadre du programme « Paysages et développement durable 2 ». Il s’appuie également sur une sélection de textes présentés lors du colloque « Paysages des franges urbaines : décrire, habiter, gouverner » qui s’est tenu du 5 au 7 novembre 2014 à Narbonne. Il se compose de sept communications/articles qui semblent fournir une sorte de catalogue de différentes « franges urbaines », de leurs habitants et de leurs usages. L’ouvrage contient en son milieu, un cahier de 8 pages couleurs dans lequel sont regroupées cartes et photographies d’intérêt très divers.
Les coordonnateurs de ce numéro sur les franges urbaines sont des spécialistes du paysage et du périurbain. Ségolène Darly est maîtresse de conférences en géographie à l’université Paris 8 Vincennes ; Véronique Fourault-Cauët, à l’université de Paris Nanterre. Quant à Richard Raymond, il est chargé de recherches au CNRS-MNHN de Paris 7 au sein d’un laboratoire d’éco-anthropologie.
La longue introduction de ce volume est riche dans la mesure où elle permet de donner aux lecteurs une sorte d’historicité du fait urbain débouchant sur la création des « franges urbaines » actuelles. « L’extension des espaces artificialisés engendrée par l’attractivité des centres urbains se réalise presque exclusivement au détriment de terres agricoles. Ces espaces couvraient ainsi 5 millions d’ha en 2014, soit près de 9% de la France métropolitaine. En trente ans, ces espaces ont progressé de 65%. […] Une nouvelle figure de l’urbanisme apparaît, la lisière urbaine, censée contenir l’extension urbaine par un aménagement des franges périurbaines » (p.15-16). Cette citation qui tente de définir ce qui peut être compris par franges ou marges périurbaines suggère assez bien le grand éventail des formes possibles de ces franges. Les espaces étudiés sont situés en région parisienne, en région lyonnaise, en bord de Loire, aux abords de Toulouse ou de Bayonne. Les franges y apparaissent très hétérogènes : des espaces de marges situés au cœur même des pôles urbains, des espaces non-bâtis, des espaces de constructions plus ou moins précaires.
De quoi parle-t-on lorsque l’on parle de « franges périurbaines » ? Pour répondre à cette question, le dernier article de Guillaume Farurel et Mathilde Girault pourrait être trompeur. En effet, leurs propos très intéressants traitent du périurbain et de la périurbanité en général dont ce qui relève de la terminologie « frange » ne serait qu’une petite partie. Il faut trouver la réponse à cette question dans les articles précédents. Il s’agit de ces espaces de faible densité (zones humides, forestières, agricoles) en lisière de l’urbain. Ce sont des zones ou délaissées ou en cours de conquête, sortes de « fronts urbains ». Bertrand Sajaloli montre pourtant qu’il peut exister des espaces en marge localisés en cœur de ville, « des entre-deux, moins surveillés, peu intégrés aux activités métropolitaines et juridiquement moins encadrés » (p.29).
Quels usages sont faits de ces franges périurbaines ? Les usages sont extrêmement divers. On y trouve essentiellement de l’habitat précaire occupé par des populations démunies. Bertrand Bajaloli indique que près des centres-villes, on trouve les squatteurs, les SDF, les gens du voyage et les Roms ; dans les campagnes périurbaines, les démunis sédentarisés. Globalement, ces populations qui habitent les « franges » ont en commun d’être des populations en situation de « vulnérabilité sociale » (Fabiani, Theys, 1987). Née aux États-Unis, à la fin des années 1970, la notion de vulnérabilité spatiale désigne, quant à elle, à la fois les dommages et la possibilité de subir ces dommages. Le Val de Loire réunit vulnérabilité sociale et spatiale. Le bois de Vincennes, étudié par Étienne Grésillon, Jean-Paul Amat et Océane Kneur, offre un potentiel d’habitabilité pour une population de SDF, population en situation de vulnérabilité sociale, rejeté des centres-villes par diverses mesures municipales (assises ischiatiques, sur-arrosage des pelouses, plantation de buissons épineux, barrières et digicodes…).
Dans les franges urbaines, de nouvelles formes d’économies s’installent et transforment le paysage au titre de l’économie sociale et solidaire (ESS). C’est ce qu’analysent Valérie Billaudeau et Arnaud de Lajartre. Les franges deviennent ici des espaces du recyclage, des jardins associatifs qui, comme les Jardins de Cocagne, cherchent des terres à exploiter à proximité d’une clientèle potentielle afin d’œuvrer à la réinsertion sociale par le travail de personnes marginalisées.
L’espace landais, entre Bayonne et Bordeaux, soumis à une forte pression en matière d’urbanisation, offre un autre paysage de franges périurbaines. L’urbanisation actuelle, autour des anciens bourgs et villages littoraux, fait de la forêt un véritable enjeu urbain. Elle est considérée comme une réserve foncière par les propriétaires privés comme publics. Ces nouveaux espaces et leurs habitants ont fait l’objet d’une enquête menée par Christine Bouisset et Isabelle Degrémont. On observe à cet endroit la création de lotissements urbains périphériques, implantés au détriment de la forêt et qui posent la question d’un nouveau mode d’habiter, celui d’un entre-deux assumé.