Cette troisième livraison de la revue Building s’intitule « Bonne chance la France ! ». Michel Taubmann, son rédacteur en chef, explique que ce titre, choisi avant le résultat des présidentielles, aurait été le même si le président sortant avait été réélu, et écrit : « Building entend participer au renouveau intellectuel d’une gauche vraiment réformiste, philosophiquement libérale et ouverte sur le monde. Mais nous voulons aussi lutter contre le pessimisme, le renoncement et les conservatismes également partagés à gauche et à droite. ».

C’est à ce titre qu’il nous propose, en ouverture du dossier « Bonne chance la France ! », un court entretien avec Bruno Tertrais (maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, membre du Conseil scientifique de la fondation Terra Nova et proche du PS), autour de la question : « La gauche est-elle encore progressiste ? ». Pour B. Tertrais, la gauche, persuadée d’incarner le progrès, a pris ses distances avec la logique du progrès dans les années 1990, sous l’influence des écologistes. Mais, avec la campagne de François Hollande, la gauche aurait renoué avec le progrès, dont on regrettera qu’il ne soit abordé, dans cette interview, que sous l’angle de la croissance économique, sans traiter de ses dimensions sociales et culturelles…

La suite du dossier propose des portraits d’Anne Hidalgo (première adjointe chargée de l’architecture et de l’urbanisme au conseil de Paris) et de sa politique urbaine à Paris, de Julie Coudry (fondatrice de la Confédération étudiante puis de la Manu, agence indépendante pour l’intégration des jeunes dans l’entreprise) et d’Alexandre Jost (fondateur du think tank La Fabrique Spinoza qui coproduit des rapports sur les questions économiques et sociales, autour de la notion de « bien-être citoyen »).

Les questions religieuses constituent le dossier « officieux » de ce numéro, tout d’abord avec Malek Chebel qui, dans un intéressant entretien avec Michel Taubmann, retrace son parcours personnel et intellectuel et défend un « Islam des Lumières ». Puis avec Robert Redeker, philosophe qui avait dénoncé certains versets du Coran comme « belliqueux » et qui revient sur sa vie de « réfugié politique » sous protection policière. Enfin avec l’échange de mails entre la théologienne protestante Florence Taubmann et le philosophe Charles Pépin, autour de la question suivante : « L’humanisme des Lumières condamne-t-il définitivement Dieu à disparaître dans les ténèbres ? », ainsi qu’avec le court article de F. Taubmann intitulé « La fraternité est un combat ».

Outre la rubrique culturelle (textes sur les collectionneurs, les Jeux Olympiques de Mexico, La Religieuse de Diderot et Autobiography of Red d’Anne Carson), on signalera encore trois articles. Tout d’abord l’entretien avec la députée centriste (du parti Hatzmaout d’Ehud Barak, ministre de la Défense) israélienne Einat Wilf sur le calme que connaitrait Israël sur le plan international (au temps du « printemps arabe », des tensions avec l’Iran et de la crise syrienne, et d’un relatif apaisement du conflit israélo-palestinien… calme démenti par le récent attentat en Bulgarie ?) et qui lui permettrait de se pencher sur les problèmes internes au pays. Et deux articles qui m’ont semblé les plus intéressants de ce numéro : une mise au point pratique de Guy-Philippe Goldstein (écrivain et Senior-Analyst pour le domaine de la cyberguerre à Wikistrat, réseau d’experts conseillers en relations internationales) sur la cyberguerre depuis les années 1980, qui pourra rendre service dans le cadre de cours sur les « nouvelles conflictualités », sur les relations internationales et les réseaux, et le témoignage de Michaël Prazan (documentariste spécialiste des massacres de masse et du terrorisme) qui a rencontré, dans le ghetto d’Oakland (Californie), David Hilliard, un des fondateurs et des derniers survivants du Black Panther of Self Defense, qui entretient la mémoire du mouvement.

Laurent Gayme © Clionautes